Une autre lettre que je viens d’écrire.

Mesdames et Messieurs,

Mesdemoiselles et Mes Damoiseaux,

Depuis quelques années, mon époux et moi-même faisons un virement automatique mensuel à Médecins Sans Frontières. Il n’y a pas longtemps, nous avons reçu l’attestation fiscale, ainsi que de nombreux courriers, par lesquels vous nous demandez plus d’efforts financiers. Ces lettres contiennent des renseignements sur une partie de vos besoins.

Tout d’abord, dans l’attestation fiscale comme dans les premiers courriers, mon époux était « Monsieur », alors que moi, j’étais pour vous « Madame ». Vous voyiez bien que nous sommes mariés, et pour vous, il allait de soi qu’il y ait en conséquence un « Monsieur » et une « Madame ». Plus récemment, vous nous envoyez toujours deux courriers séparés. Mon mari reste « Monsieur », alors que moi, je passe en « Monsieur et Madame ». Pour votre information, et afin que vous évitiez d’autres gaffes de ce genre, en Belgique le mariage peut être contracté par deux hommes mâles et par deux femmes. Donc je vous prie de bien vouloir modifier vos formulaires. À côté de votre formule traditionnelle « Monsieur et Madame X », il faut ajouter la possibilité d’y avoir « Messieurs X » et « Mesdames X ». Quant à mon époux et moi-même, nous nous présentons en tant que « Messieurs Staelens ». Après la lutte longue et dure, et les droits dont nous bénéficions dans notre pays, je me permets de vous signaler, à la veille de la Gay Pride belge, que nous méritons le même respect que les autres couples.

Mais ceci n’est pas le plus grand problème. Au contraire, ce n’est qu’une petite chose en comparaison avec le grand sujet de cette lettre, qui est le suivant. Pendant longtemps, nous étions de bonne foi par rapport aux problèmes que vous nous présentiez dans vos lettres. Nous songions même que nous allions faire des dons plus substantiels à MSF. Ceci, jusqu’au jour où, dans l’une de vos lettres, vous expliquiez que pour résoudra la malnutrition, vous distribuiez du lait de vache en poudre.

Or nous ne sommes pas dupes. D’une part, il est inconcevable pour nous de maltraiter les animaux, sous prétexte d’aider les humains. Cela nous choque, surtout lorsque ce plan est présenté par des médecins. Pour résoudre le problème alimentaire mondial, la solution est la nourriture végétale. Et si le tiers-monde est dans la disette, c’est principalement parce que les humains exploitent les animaux. Si nous utilisions les terres pour produire des protéines végétales, au lieu de les utiliser pour le bétail, la totalité de la population de la planète serait nourrie. Les humains adultes et sevrés n’ont aucunement besoin du lait d’une autre espèce. C’est une souffrance inutile, « bestiale », infligée, paradoxalement, par l’humain aux bêtes. Le pire, c’est que nous avons devant les yeux l’exemple négatif de Nestlé qui a distribué du lait en poudre en Afrique ; cette poudre a été mélangée à l’eau non potable, et cela a causé de gros dégâts aux enfants. L’exemple positif, c’est Alpro, qui, grâce au soja, a comblé le manque de protéines au Madagascar.

Plus tard, nous avons appris sur internet que MSF pratique l’infanticide prénatal (La Gaceta du 16 janvier 2012, article « Médicos sin Fronteras reconoce practicar abortos en países donde está prohibido » signé par Itxu Díaz). Combien de collaborateurs de MSF sont au courant de cela ? Le fait que cette pratique soit légale dans de nombreux pays – dont le nôtre – ne la rend nullement morale. Et il ne suffit pas que l’on utilise les doigts et outils d’un médecin pour qualifier cette pratique de « médicale ». La punition capitale des criminels, dans certains pays, est appliquée par le personnel médical et avec des outils médicaux, mais elle n’est pas pour autant un acte médical. Dans d’autres pays, des adultes innocents sont tués avec la participation du personnel médical, pour des motifs d’identité religieuse et/ou affective. Mais cela ne veut nullement dire que ces meurtres seraient des actes médicaux.

Suite à ces deux éléments, nous allons arrêter nos dons à MSF et informerons d’autres personnes de bonne volonté, notamment les associations végétariennes et pro-vie, afin que chacun prenne les mesures appropriées.

Nous déplorons votre mauvaise foi : dans vos lettres vous ne parlez jamais des infanticides prénatals que vous pratiquez. De nombreuses personnes pro-vie, qui n’ont pas accès à internet, continuent à faire des dons sans savoir où va leur argent. Je vous prie d’expliciter vos pratiques dans la presse belge aussi. Ce serait le minimum d’honnêteté.

Un peu de poison gâte toute la nourriture. Un peu de levain fait lever toute la pâte. Une orange pourrie dans un container fait pourrir tout le container. Une grande partie de vos actions sont louables ; mais tant que vous mêlez le bien et le mal, vous vous discréditez vous-mêmes. Ça ne sert à rien de bâtir avec une main et de démolir avec une autre.

Avec toute mon amertume,

M.-George S. né S.

Agent sédentaire et chef de train.

Voici une lettre que je viens d’envoyer aux deux concernés.

Monsieur l’agent sédentaire du Quartier,
Monsieur le chef du train 2407,
Ce matin, comme d’habitude, je voulais prendre le train 2407 au QL. Les portes du train se sont fermées à 7h24’17’’ lorsqu’il me restait seulement trois marches a franchir, en descendant sur le quai.

Si je vous ai engueulés sur le quai, ce n’était pas parce que vous avez fait mécaniquement votre devoir de fermer les portes. (De toute façon, je n’avais pas l’intention de monter à bord, une fois les portes fermées.) Vous avez très bien satisfait au précepte légal qui vous permet de fermer les portes 40 secondes avant l’heure du départ du train. Autrement dit, théoriquement, depuis une minutes vous étiez en droit de fermer les portes du train.

Cependant, nous étions 4 voyageurs (une femme et deux hommes), dont deux avec de gros sacs à dos, à être restés sur le quai, au moment du départ du train. L’homme et la femme avec les sacs à dos me précédaient, alors que le dernier voyageur était derrière moi. Cela devrait vous poser des questions.

Car, s’il y a un agent sédentaire sur le quai, avec son SLD, c’est bel et bien pour s’assurer que tous les voyageurs sont montés. Sinon, à quoi servez-vous, Monsieur l’agent ?

Monsieur le chef de train, j’ai été peut-être trop âpre avec vous sur le quai, pendant que vous montiez dans le train après le signal de départ. Je vous connais de vue, et je sais que vous avez toujours été correct envers les voyageurs, dans le train. Toutefois, je pense que vous devriez être plus prudent dans des gares comme celle-ci, où la visibilité est basse.

Monsieur l’agent sédentaire, c’est la troisième fois que vous donnez le signal de départ, alors que tous les voyageurs ne sont pas montés, et que cela me concerne aussi. Le comble, c’est que chaque fois que je descends sur le quai au Quartier, et que le train est déjà sur le quai, j’ai l’habitude de frotter ma bague contre la rampe de l’escalier, afin que vous entendiez qu’il y a encore quelqu’un qui doit monter. Votre collègue aux longs cheveux y fait toujours attention ; vous, jamais. Cela est, tout simplement, déplorable. Vous êtes au service des voyageurs, dont le train est un moyen ; non pas au service d’un train dont les voyageurs seraient contingents.

Entre mon domicile à Saint-Servais et mon travail à Saint-Gilles-lez-Bruxelles, je fais deux heures de trajet tous les soirs (bus + train + bus) et deux heures tous les matins (tram + bus + train + bus). 4 heures de voyage pour 8 heures de travail, c’est beaucoup. Il est donc pénible de faire 1 heure en plus, comme ce matin, puisque l’international a eu onze minutes de retard, ce qui a entraîné la perte de la correspondance bus à Namur.

Je sais que vous n’avez un travail facile. Tout ce que je veux vous demander, c’est d’être plus humains. Car si vous agissez comme de simples machines, un jour vous serez remplacés par des machines.

Bien à vous,
Georges SS, navetteur

Midway.

Je voudrais vous relayer la bande-annonce du film Midway, qui parle de la pollution du plastique: sur les îles Midway, les oiseaux meurent, à cause des déchets humains.

www.midwayfilm.com

Quand j’ai appris l’assassinat d’Ihsane Jarfi en lisant Le Soir, je me suis fait les réflexions suivantes.

Tout d’abord, les assassins l’attendent devant le bar gai, le font monter dans la voiture, donc ils se prennent pour des gais. C’est le scénario classique de ceux qui « cassent du pédé ».

Ensuite, il a fallu que le 4ème assassin reconnaisse les faits. Autrement, le meurtre n’aurait jamais été reconnu comme homophobe, malgré l’évidence. Combien d’ LGBT ont été tués, insultés, discriminés, sans que la circonstance d’homophobie soit retenue?

Il est triste qu’il faille toujours avoir des martyrs, pour que les causes avancent. Si Matthiew Shepard n’avait pas été assassiné, les lois contre l’homophobie n’auraient jamais progressé aux États-Unis.

L’impacte sur la communauté musulmane sera double. D’une part, ça les fera réfléchir. Ils auront davantage de compassion pour les gais de leurs familles. Mais ça ne veut pas nécessairement dire qu’ils seront davantage tolérants dans les faits; au contraire, certains pourraient réagir d’une manière encore plus dure: « Si tu n’épouses pas une femme, il t’arrivera comme à Ihsane! »

Mais j’espère que, malgré tout et contre tout, des jeunes LGBT musulmans sortiront maintenant plus facilement du placard. D’autant plus que ces événements se passent à la veille des Fiertés Namuroises et, surtout, de la Gay Pride belge. Malgré qu’on a cassé du pédé à Stonewall, ça a fait tout éclater en faveur des droits des LGBT.

Les quatre assassins: Mutlu Kızılaslan, Jonathan Lekeu, Jérémy Wintgens et Éric Carpentier et leurs avocats nient le caractère homophobe du crime. Pour l’instant, ils sont incarcérés uniquement pour « violence, séquestration et coups et blessures volontaires », alors qu’il y a eu mort d’homme, et alors qu’ils se sont passés pour des gais quand ils l’ont pris dans la voiture! Quels cœur doivent avoir ces avocats? Si leurs propres enfants avaient été tués de la sorte, défendraient-ils encore des assassins?

Heureusement que le pays s’émeut, et les politiciens avec.

Je change enfin de préfixe. Et je me sens vieux. Il y a dix ans j’étais encore un gamin; et dans dix ans je serai vieux.

Pour la Saint-Georges, Nicolas m’a offert le Nevermind de Nirvana, et pour mes 30 ans le long métrage après la série 24 heures (ma série préférée).

Pour ces 30 ans, je vous partage le psaume 30 (LXX), tel que je l’ai traduit en wallon.

* * *

In te Domine speravi
C’ est après vos k’ dj’ a waitî, Signeur ; + ki dji n’ rodjixhe nén po todi ; * avou vosse droet rischoyoz-m’ et m’ saetchîz foû.

Baxhîz viè mi voste oraye ; dispaitchoz-vos po m’ saetchî foû ; * fouxhoz l’ Bon Diu ki m’ warantixh et l’ måjhone a houte por mi schaper.

Veyanmint k’ vos estoz l’ cea ki m’ afoice et ki m’ ahoute ; * et po l’ amour di vosse No, vos m’ codujhroz et m’ diner a magnî.

Vos m’ saetchroz foû d’ cisse trape cial k’ ons m’ el a mouchî, * la k’ c’ est vos ki m’ warantixh, Signeur.

Divins vos mwins dji mete mi esprit ; vos m’ avoz ratchté, Signeur Bon Diu del verité.

Vos avoz voeyou evî les ceas k’ wådnut des idolatreyes a målvå ; mins mi, c’ est après l’ Signeur ki dj’ a waitî.

Dji m’ egåyrè et m’ rafyî po vosse mizericore ; + veyanmint k’ vos avoz voeyou k’ dji so doûmiesse ; * vos avoz schapé mi åme foû des dandjîs.

Et vos n’ m’ avoz nén seré dvins l’ mwin di mes afronteus ; et vos avoz låkî mes pîs e l’ lådje plaece.

Purdoz pitié d’ mi, Signeur, veyanmint k’ dji so strindou ; + mi ouy, mi åme et m’ sitoumak ont potchî d’ araedjisté.

Veyanmint k’ mi vicåreye a flåwi d’ doleur, et mes anêyes a sospirer ; * mi pouxhe a tourné a bribaye, et mes oxheas s’ ont gåté.

Po tos mes afronteus, et foirt avant po mes vijhéns, dj’ a tourné a scråwe, et a spawta po mes conxhances ; * les ceas ki m’ voeyént foû, m’ ont fouwou.

On m’ a rovyî do fond do cour, come on moirt ; * dj’ a-st avnou come ene schiele k’ on speye.

La k’ dj’ a oyou l’ beu di bråmint des djins ki dmornut e ravet, la k’ i s’ rapoulént eshonne po m’ fé do må ; il ont sindiké po m’ haper mi åme.

Mins mi, c’ est après vos k’ dj’ a waitî, Signeur ; * dj’ a dit : « C’ est vos m’ Bon Diu ; mi pårt est dvins vos mwins. »

Saetchîz-m’ foû des mwins d’ mes afronteus * et des ceas ki m’ cotchesnut.

Mostrez vosse viyaire dizeur voste ovrî, * schapez-m’ avou vosse mizericore.

Ki dji n’ rodjixhe nén poy ki dj’ vos a houkî ; * corodjixhnuxhe les calins et dischinde ås zivercôfs.

Fouxhnuxhe moyeles les minteusès lepes * ki dviznut foû-loe grandiveuzmint et disconte li djusse et l’ mesbridjî.

Signeur, k’ elle est bråmint grande vosse bonté, ki vs l’ avoz wårdé po les ceas ki vs fwaiynut asteme ; * ki vs l’ avoz bouté ås ceas ki waitnut après vos, padvant les ouys des fis des djins.

Vos lzè schouwroz avou vosse viyaire come avou on schô, foû del higne-et-hagne des djins.

Vos lzè warantixhroz e vosse hobete, foû del margaye des linwes.

Beni est i, l’ Signeur, la k’ si mizericore a stî clapante * e tchestea astoké ås wales.

Et mi, dj’ aveu dit, tot ewaeré : « Dji so tchessî evoye, lon erî d’ vos ouys. »

Po ça, vos avoz schoûté li vuze di m’ priyire, * cwand dj’ a criyî eviè vos.

Voeyoz l’ Signeur voltî, vozôtes, tos ses croeyants, + veyanmint k’ c’ est l’ veur k’ el Signeur cache après, * et payî ås forgrandiveus.

Tinoz bon stok, et k’ vosse cour crexhe, vozôtes tertos ki waitnut après l’ Signeur.

Le comble de l’histoire de saint Georges, ou le plus magnifique, c’est que ce saint a été martyrisé catéchumène. Autrement dit, au lieu d’être baptisé du baptême d’eau, il a été baptisé du « baptême du sang ». L’Église a toujours regardé le martyre des non-baptisés comme un baptême valide.

Saint Anselme 2012

Aujourd’hui, c’est la fête de saint Anselme de Cantorbéry, jour dont je parle tous les ans et que je ne risque pas d’oublier.

Cette année-ci, ma question le concernant est la suivante: comment se fait-il qu’il n’est pas apparu dans le BCP 1662? Cela me surprend d’autant plus que la théologie anglicane lui est tellement redevable! Avec leurs bons, comme leurs mauvais côtés. Comment se fait-il que le plus grand archevêque que Cantorbéry eut ne se trouve même pas dans le BCP? (À vrai dire, je n’ai pas eu la possibilité de vérifier ça dans un exemplaire de 1662, mais seulement dans les BCP 1662 de la fin du XIXème siècle.)

En tout cas, je crois que la chrétienté, tellement pélagienne, du XXIème siècle, a besoin de redécouvrir le fondateur de la sotériologie.

Orthodoxisme, idolatrie, monophysisme.

Les déçus de notre société post-chrétienne s’intéressent de plus en plus aux religions orientales. Tous les ans, il y a des milliers de convertis à l’islam, des centaines de nouveaux bouddhistes, mais également un tas de gens qui se ´´convertissent´´ à l’orthodoxisme.

Souvent, en lisant un livre, on se fait une opinion; mais en relisant le même livre des années plus tard, on comprend le même livre autrement.

Il y a 16 ans, j’ai lu plusieurs livres de Paul Evadokimov. Entre autres, « L’Orthodoxie », un livre censé expliquer les particularités des Églises orthodoxes des sept conciles, par rapport aux religions non-chrétiennes et par rapport à d’autres Églises chrétiennes. Eh ben, il y a donc 16 ans, après avoir lu ce livre, j’ai été tellement dégoûté, que par la suite j’ai lu Oswald Chambers et Charles Spurgeon, pour me consoler.

Je viens de relire « L’Orthodoxie » d’Evdokimov. Et là, je tire les conclusions suivantes. Pour la plupart des chapitres, là où Evdokimov prétend présenter des choses typiques de la théologie des Églises des sept conciles, en réalité, ces choses-là peuvent s’appliquer à d’autres Églises: vieille-catholique, anglicane, vieilles-orientales, voire catholique romaine et luthérienne. Rien de neuf sous le soleil.

Mais, par contre, pour ce qui est des chapitres concernant les icônes et la liturgie, j’ai le même sentiment qu’il y a 16 ans. Je n’y vois qu’un amas de crypto-monophysisme et de l’idolâtrie pure et dure.

Il ne suffit pas de dire que l’on croit à l’incarnation, à la divinisation de l’homme par le Christ, et même que le Christ est homme et Dieu. Ces mots-là ne veulent rien dire, si par après on dit tout le contraire. L’humanité du Christ, dans ce livre d’Evdokimov, est totalement absente. Idéologiquement absente. Ce n’est pas étonnant qu’en parlant de l’eucharistie, il ne mentionne même pas la pratique hérétique de 99% des communautés dites orthodoxes: à savoir, le fait d’excommunier de facto tous les chrétiens.

La liturgie chez Evdokimov a une portée mystico-gélatineuse; il lui fait dire ce qu’elle ne dit pas. Les vêpres sont, pour lui, une mise en scène de la chute et de l’annonciation. Et de ce fait, il élève le rite byzantin au rang de rite suprême et supérieur aux autres, sinon l’unique valable, à cause de la mise en scène qu’il soi-disant contient. (Or, ce sont des purs accidents de l’histoire de la liturgie qui font qu’il y a certains gestes, purement contingents. Ce qui est de l’ordre du contingent et du superflu, Evdokimov l’érige en norme, et perd de vue l’essence même des offices liturgiques.)

Pour ce qui est de l’icône, Evdokimov m’a semblé d’abord intégriste: il interdit les icônes sur papier, les reproductions d’icônes. (Qu’en penserait-il des icônes numériques?) Par la suite, lorsqu’il parle d’une présence réelle du Christ et des saints dans les icônes, je ne peux voir autre chose qu’un veau d’or. En réalité, les Israélites n’ont jamais pris le veau d’or pour un dieu; leur péché était de donner à YHWH une représentation, un objet qui rend présent, un objet véhicule de la présence divine. Et alors, entre le veau d’or et la conception de l’icône chez Evdokimov il n’y a aucune différence fondamentale. Curieusement, il reconnaît l’absence des icônes dans l’Église primitive.

Quant à l’art, pour Evdokimov, tout art non-religieux est démoniaque. Et tout art religieux n’est pas iconographique. Car, d’après lui, l’iconographe est inspiré par l’Esprit Saint, alors que l’artiste y met de sa culture et de son vécu. Autrement dit, c’est du littéralisme biblique, appliqué à l’iconographie.

Paradoxalement, dans ce livre, Evdokimov nie la présence réelle du Christ dans les saintes espèces, et condamne les doctrines catholique romaine et luthérienne à ce sujet. La raison? D’après lui, ce serait de nier l’ascension. Qu’est-ce qu’il propose en échange? Quelque chose de floue et ambigu, qui me ressemble davantage à la théorie de Calvin. En tout cas, d’après Evdokimov, les parcelles non consommées et qui ne sont pas destinées aux malades ne sont plus que des simples pain et vin. D’après lui, d’une part, nos yeux nous empêchent de voir le Christ, mais d’autre part, le pain eucharistique est le corps du Christ, d’une façon nominale. Et cela, grâce à l’épiclèse. (Si telle avait été la foi de l’Église ancienne, elle n’aurait pas appelé la messe « eucharistie » = action de grâces, mais plutôt « epiclèse ».)

Je trouve dommage que les autres Églises ne mettent rien en doute de l’orthodoxie présumée (et autoproclamée) des Églises des sept conciles. Au long du XXème siècle, les anglicans et les vieux-catholiques ont dit: « Nous sommes des orthodoxes de rite occidental ». Maintenant il reste à voir si les Églises des sept conciles sont elles-mêmes des orthodoxes de rite oriental.

Bref, il me faudrait relire et reméditer les XXXIX Articles de religion, pour trouver une consolation.

Mais bon, on ne peut pas mettre tout le monde dans le même sac; on ne peut pas dire que tous les chrétiens dits orthodoxes pensent comme Evdokimov. Au fait, je me suis rendu compte que dans les Églises des sept conciles, l’unité doctrinale est encore plus floue et vague qu’elle ne l’est dans la Communion Anglicane. Comprenons-nous bien: au moins chez les Anglicans il y a quatre points doctrinaux communs.

Maintenant, le comble, c’est qu’Evdokimov pense que la règle dans les Églises des sept conciles, c’est le principe in dubiis libertas. C’est à dire: un fond commun, plus une liberté d’opinion théologique. Mais quel est, finalement, le fond commun chez les dits ortohodoxes des septs conciles? J’ai cherché ce fond commun, et je ne l’ai pas trouvé. Les uns (>1%) ont l’Eucharistie comme base, alors que les autres (<99%) excommunient perpétuellement leurs membres, sauf une fois par an. Les uns croient que chacun se sauve soi-même par la foi, l’acquisition des energies incréées (qui ne sont pas la même chose que la grâce acquise par le Christ sur la croix) et par les bonnes oeuvres; d’autres tiennent, à des degrés différents, la doctrine traditionnelle scripturaire du salut par la grâce. Les uns croient au péché originel; d’autres le nient. Les uns croient que les péchés se payent par de bonnes oeuvres aux péages aériens; d’autres croient d’autres théories, plus catholiques ou plus pélagiennes. Les uns croient réellement que le Christ est entièrement humain et entièrement Dieu; alors que d’autres professent cela que de bouche (ou de plume), tout en niant l’humanité du Christ dans le concret. Les uns croient que la succession apostolique-épiscopale se transmet uniquement par des orthodoxes de nom; les autres vont jusqu’à rebaptiser un converti. Les uns ont adopté le calendrier grégorien pour tous les fêtes; d’autres seulement pour les fêtes fixes; la plupart tiennent farouchement au calendrier julien, en maudissant les autres.

Donc, à part la foi trinitaire, il me semble qu’il n’y reste rien d’autre, aucun élément essentiel, commun à tous ceux qui s’étiquettent « orthodoxes ». Mais si, dans les petits détails: la monachocratie, l’homophobie, la misogynie, le nationalisme, l’éthno-phylétisme, le mépris envers le mariage, le mépris envers les rites non-byzantins… Pour le reste… juste la prétention d’une unité doctrinale et de la praxie. Oui, une simple prétention. Sinon, in dubiis libertas: la liberté de casser du pédé, du catho romain, du protestant. La liberté de se dire et croire meilleur que l’autre, et unique dépositaire du salut.

En ce qui me concerne, je n’ai pas besoin de tous ces accessoires (essentiels pour Evdokimov) pour avoir la communion avec Dieu. Je n’ai pas besoin que le Patocrator me regarde depuis la coupole de l’Église. Non. Il est plus près de moi que je ne le pense. Il n’est pas là-haut. Il est ici bas, vrai homme et vrai Dieu.

Je crois qu’en dehors de la matière des sacrements, toute autre  matière, quoique utile, est accessoire. D’accord, les icônes peuvent nous aider d’une manière décorative et didactique, ou affirmer la christologie; le chant liturgique peut nous aider dans notre prière; l’encens aussi. Mais les messes célébrées dans les prisons, sans crucifix, ni icône, ni encens, ni chant, ni ornements, sont tout aussi correctes, belles, authentiques et valides que les messes du monde libre, avec accessoires, pour autant que rien d’essentiel n’y ait été retranché.

Jusqu’au quatrième siècle, les gens ont été bel et bien sauvés, sans icônes et sans encens, sans chapelets et sans musique byzantine; sans moines et sans évêques célibataires. Cependant, ils participaient pleinement à l’Eucharistie de chaque samedi soir, car là, le Christ, qui est au dessus du temps, leur était présent et leur rendait présent le sacrifice de la croix.

Octave de la Pâque.


À Pâque, la semaine qui suit la vigile pascale est comme un jour. Mais pour vraiment la sentir ainsi, il faut avoir vécu intensément la semaine sainte aussi.

Lorsque je vis superficiellement la semaine sainte, sans participer à beaucoup d’offices et sans jeûner, je ne peux pas sentir la semaine pascale comme une octave.

Au contraire, après un triduum pascal « à la carte », la semaine de Pâque prend toute sa splendeur. L’évangile du dimanche de l’octave nous situe « au soir du premier jour après le sabbat », c’est à dire au soir du jour de la résurrection du Christ. Quelques 24 heures après l’événement de la résurrection, mais dans la liturgie nous nous situons une semaine après. Et pendant la semaine, les différentes messes sont des angles de vue différentes du même événement (tout comme la Passion, lue pendant la semaine sainte, de plusieurs points de vue).

L’octave de la Pâque me rappelle souvent le film Un Jour sans fin (Le Jour de la marmotte). Chaque matin de cette semaine, c’est le matin de la Pâque, le matin après la vigile pascale. Et cela, indépendamment des jours chômés ou ouvrables.

Client espion.

Qui n’a pas ris, en regardant Louis de Funès jouer le client espion?

Malheureusement, ce genre de personnage existe dans la vie réelle. «Mais pourquoi pas?», diraient certains; «après tout, le client espion agit pour le bien de tous les clients.»

En réalité, le client espion n’a pas les mêmes observations que les autres clients; le client espion ne poursuit que ce que demandent de lui ceux qui l’ont embauché.

Prenons un exemple. Supposons une pizzeria. Le client réel s’en fout complètement de l’ordre du couteau et de la fourchette, de la couleur de la serviette en papier. Lui, il veut que sa pizza soit vite prête, qu’elle soit délicieuse et pas chère. Au contraire, le faux client suivra les règles des patrons; il sera moins attentif aux qualités recherchées par le client, mais il sera exigeant quant aux petits détails insignifiants: serviette, position des couverts.

Pire encore, si la pizzeria appartient à une chaîne étrangère d’un peuple barbare, le client espion demandera des sanctions contre les serveurs, parce que ceux-ci n’ont pas été impolis comme le peuple barbare. Car si à la maison-mère on s’adresse en général aux clients en disant: «Hi, Jane! My name is Jacky, and I’ll be your support. Please try our Pizza Salami delicacy!», ce genre de remarque n’est pas adaptée chez nous. Pire, ce serait mal vu de dire à une dame: «Salut, Jeanne! Je suis Jaques, à ton service. Essaie, s’il te plaît, notre pizza salami!» Non. Chez nous, on est poli. On dit «Madame», on vouvoie, et on permet aux clients de choisir. On ne les prie par de prendre ce dont on veut se débarrasser. Tout au plus, si le client de sait pas choisir, on peut lui faire une suggestion. Chez nous, on est poli. Mais le client espion n’appréciera pas la politesse typique de chez nous; il la considérera comme un manque de soumission aux règles de la chaîne.

Donc voilà pourquoi le client espion ne peut être quelqu’un de bien ailleurs que dans les films.

Le pire, c’est quand la chaîne n’a pas assez de sous pour acheter de nouvelles assiettes à la place des abîmées, mais elle a des sous assez que pour payer un faux client. Un espion.

Pendant la crise après la seconde guerre, on a accusé les femmes. Et l’on a organisé des cours de ménage pour les femmes. Ça n’a pas remédié. Les femmes étaient juste des boucs-émissaires. Aujourd’hui, on tape sur les ouvrier, les employés et d’autres travailleurs: d’autres boucs-émissaires.