Le Centurion et son mignon.

Concernant la fête des saints Serge et Bacchus, le rite byzantine prévoit qu’en leur fête on lise l’évangile selon Luc 7.

Pourquoi les compilateurs de ce 4ème cycle lectionnaire auraient-ils choisi ce passage?

Au premier abord, je dirais que leur intention était de montrer un passage sur un « haut dignitaire de l’armée romaine » converti au Christ, étant donné que les saints Serge et Bacchus ont été, eux aussi, selon le synaxaire, de « hauts dignitaires de l’armée romaine ».

Mais l’Esprit Saint a bien arrangé les choses, étant donné que ce passage est l’un des trois parallèles qui parlent d’un centurion et son mignon.

Les évangélistes ont eu, sans doute, du mal à qualifier la relation du centurion avec son mignon; c’est pourquoi ils ont employé des termes différents:

– Matthieu emploie « παῖς », qui signifie autant enfant que serviteur-enfant. Il est comme le français « garçon ».

– Jean emploie « υἱὸς« , c’est-à-dire « fils », en alternance avec « παιδίον« , qui veut dire « garçonnet » (diminutif de « παῖς »).

– Luc utilise à la fois les mots « δοῦλος », c’est-à-dire « esclave », et « παῖς », dont on parlait plus haut. Mais, pour lever l’ambigüité, le texte précise que ce « garçon » lui était intime. Certains traducteurs, pour unifier les trois textes, ont traduit, dans Luc, ainsi: « qu’il aimait comme s’il était son fils.

Il ne peut y avoir que deux explications.

A. Soit il s’agissait d’un esclave que le centurion aurait aimé comme s’il avait été son fils. Mais cela me pose plusieurs problèmes. Si tel avait été le cas, pourquoi l’évangéliste n’a-t-il pas appelé un chat un chat? Lui être intime est beaucoup plus vague que de dire qu’il était pour lui comme un fils. Et si cela avait été le cas, pourquoi ne l’aurait-il adopté?

B. Soit il s’agissait de son mignon. Cela expliquerait beaucoup plus toute la confusion terminologique, ainsi que l’attitude du centurion. Envers un vrai esclave, un maître aurait dit: « Il est paresseux, c’est pourquoi il feint d’être malade. » Donc…

Voici également les textes, tels que je les ai mis en parallèle:


Matthieu, chap. 8

Luc, chap. 7

(Passage prévu pour la fête des Ss Serge & Bacchus par l’évangéliaire byzantin)

Jean, chap. 4

5 Comme Jésus entrait dans Capharnaüm, un centenier l’aborda, 6 le priant et disant : « Seigneur, mon garçon (παῖς) est couché à la maison, atteint de paralysie et souffrant beaucoup. » 1 Après avoir achevé tous ces discours devant le peuple qui l’écoutait, Jésus entra dans Capharnaüm. 2 Un centenier avait un esclave (δοῦλος) qui lui était intime (ὃς ἦν αὐτῷ ἔντιμος), et qui se trouvait malade, sur le point de mourir. 46 Il retourna donc à Cana en Galilée, où il avait changé l’eau en vin. Il y avait à Capharnaüm un officier du roi, dont le fils (υἱὸς) était malade.
7 Jésus lui dit : « J’irai, et je le guérirai. » 8 Le centenier répondit : « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit ; mais dis seulement une parole, et mon serviteur (παῖς) sera guéri. 9 Car, moi qui suis soumis à des supérieurs, j’ai des soldats sous mes ordres ; et je dis à l’un : ‘‘Va !’’ et il va ; à l’autre : ‘‘Viens !’’ et il vient ; et à mon esclave (δούλῳ) : ‘‘Fais cela !’’ et il le fait. »   3 Ayant entendu parler de Jésus, il lui envoya quelques anciens des Juifs, pour le prier de venir guérir son serviteur. 4 Ils arrivèrent auprès de Jésus, et lui adressèrent d’instantes supplications, disant : « Il mérite que tu lui accordes cela ; 5 car il aime notre nation, et c’est lui qui a bâti notre synagogue. » 6 Jésus, étant allé avec eux, n’était guère éloigné de la maison, quand le centenier envoya des amis pour lui dire : « Seigneur, ne prends pas tant de peine ; car je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit. 7 C’est aussi pour cela que je ne me suis pas cru digne d’aller en personne vers toi. Mais dis seulement une parole, et mon garçon (παῖς) sera guéri. 8 Car, moi qui suis soumis à des supérieurs, j’ai des soldats sous mes ordres ; et je dis à l’un : ‘‘Va !’’ et il va ; à l’autre : ‘‘Viens !’’ et il vient ; et à mon esclave (δούλῳ) : ‘‘Fais cela !’’ et il le fait. » 47 Ayant appris que Jésus était venu de Judée en Galilée, il alla vers lui, et le pria de descendre et de guérir son fils, qui était près de mourir. 48 Jésus lui dit : « Si vous ne voyez des miracles et des prodiges, vous ne croyez point. » 49 L’officier du roi lui dit : « Seigneur, descends avant que mon enfant (παιδίον) meure. »  
10 Après l’avoir entendu, Jésus fut dans l’étonnement, et il dit à ceux qui le suivaient : « Je vous le dis en vérité, même en Israël je n’ai pas trouvé une aussi grande foi. 11 Or, je vous déclare que plusieurs viendront de l’orient et de l’occident, et seront à table avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux. 12 Mais les fils du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents. » 13 Puis Jésus dit au centenier : « Va, qu’il te soit fait selon ta foi. Et à l’heure même le serviteur (παῖς) fut guéri. » 9 Lorsque Jésus entendit ces paroles, il admira le centenier, et, se tournant vers la foule qui le suivait, il dit : « Je vous le dis, même en Israël je n’ai pas trouvé une aussi grande foi. » 10 De retour à la maison, les gens envoyés par le centenier trouvèrent guéri l’esclave qui avait été malade. 50 « Va », lui dit Jésus, « ton fils vit. » Et cet homme crut à la parole que Jésus lui avait dite, et il s’en alla. 51 Comme déjà il descendait, ses serviteurs venant à sa rencontre, lui apportèrent cette nouvelle : « Ton enfant vit. » 52 Il leur demanda à quelle heure il s’était trouvé mieux ; et ils lui dirent : « Hier, à la septième heure, la fièvre l’a quitté. » 53 Le père reconnut que c’était à cette heure-là que Jésus lui avait dit : « Ton fils vit. » Et il crut, lui et toute sa maison.

 

Meilleur livre LGBT chrétien.

Faithful to the Truth: How to be an orthodox gay Catholic, le livre de notre ami Stephen est sorti! Il est disponible chez Amazon.

D’après moi, c’est le meilleur livre apologétique LGBT chrétien qui ait jamais été publié. Pourquoi? Parce que:

1. Les livres apologétiques LGBT protestants ne traitent pas du tout de la question de la Tradition de l’Église concernant les LGBT. Or, c’est un chapitre important, voire très important, de la théologie. Les conservateurs pensent que, malgré tout, ils ont raison, parce qu’ils pensent que la Tradition est forcément de leur côté, et que, donc, toute interprétation autre que la leur manque de fondement, parce que déracinée de la Tradition. Or, ce n’est pas le cas. Stephen montre bien que la Tradition de l’Église se partage entre, d’une part, un support de la « cause » LGBT et, d’autre part, une homophobie associée à la misogynie, à l’esclavage, à l’antisémitisme et à d’autres maux.

2. Les livres apologétique LGBT catho romains s’occupent à expliquer les textes émis par le Vatican, afin de les assouplir; alors que, comme Stephen le montre très clairement, même d’un point de vue catho romain, ces textes-là n’ont aucune valeur et que le fidèle catho romain peut les rejeter sans problème. Stephen démontre même comment ces textes-là sont seulement le fruit du modernisme théologique.

Le livre a, pourtant, des failles importantes, justement parce qu’il reste très romain dans la mentalité. Ainsi, les textes liturgiques sont juste cités d’après d’autres livres qui les cite, au lieu de prendre les originaux, en langues originales; les erreurs de Boswell sont copiées tout simplement. Deuxièmement, l’orthodoxie signifie « droite glorification« , donc la liturgie n’est pas un « simple témoignage », troisième roue au carrosse après la Bible et la Tradition, comme croit Stephen; au contraire, elle est le cœur même de la Tradition de l’Église. C’est pour ça que les textes de l’adelphopoèse ont une valeur interprétative de la Bible; alors que les injonctions de saint Jean Chrysostome ou celles de Razinger restent de simples opinions non-ecclésiales.

En tout cas, c’est un livre qui ne devrait manquer dans la bibliothèque des LGBT chrétiens qui comprennent l’anglais.

J’ai eu la curiosité de compléter le quizz « Les Pères de l’Église ». Il paraît que celui à qui je ressemble, ce serait Origène, d’après le quizz.

 

You’re Origen!

You do nothing by half-measures. If you’re going to read the Bible, you want to read it in the original languages. If you’re going to teach, you’re going to reach as many souls as possible, through a proliferation of lectures and books. If you’re a guy and you’re going to fight for purity … well, you’d better hide the kitchen shears.

Find out which Church Father you are at The Way of the Fathers!

 

Blogue de Penny Nash.

Il y a quelques jours, en cherchant une prière, j’ai découvert le blogue de Penny Nash, vicairesse de la paroisse épiscopalienne de Bruton, Williamsbourg, Virginie, États-Unis.

Enfin un blogue bien fait! L’auteure ne demeure pas dans l’ombre, mais elle reste présente sur son blogue: le blogue est incarné. Elle a un sens liturgique bien développé, elle aime également les animaux, elle a un bon sens pastoral. Ses exégèses, les pieds sur terre, sont différentes des deux extrêmes qui me déplaisent (parler soit seulement du social, avec Dieu en pur accessoire; ou seulement de Dieu, avec le prochain comme accessoire).

Mère de famille, elle maintient les valeurs familiales comme il faut.

De surcroît, elle prend de magnifiques photos, dans la nature, surtout sur la plage!

Désormais, son blogue fait partie de mes liens.

Étant donné que samedi soir nous avons été au mariage, la meilleure option de messe dominicale pour nous, c’était à 14h à la Holy Trinity (la pro-cathédrale anglicane d’Ixelles). Une paroisse dont nous avions été membres, par le passé. Donc, ça nous a fait plaisir de revoir certaines personnes. De surcroît, nous étions à la messe africaine, qui est presque toujours présidée par le vicaire, que j’apprécie beaucoup. Mieux encore, il y a eu un baptême pendant la messe, ce qui est toujours une joie de plus.

Oui, mais il y a un hic. C’est que maintenant dans les bancs, il y a également des bibles en français. À la messe africaine, l’une des lectures est en français, et les gens peuvent suivre en français la lecture qui est proclamée en anglais.

Et devinez de quelle « traduction » il s’agit. Genève 1975 (*). Qui, dans la première épître aux Corinthiens, chapitre 6, donne ceci:

Et pour quasiment toutes les éditions protestantes qui se veulent modernes, en langage courant etc, c’est toujours la même erreur (**).

Or, il faudrait le dire haut et fort: les « traductions » de Genève ne sont pas des traductions. Ce sont des purs travestissements de la parole de Dieu! Elles sont à bannir, au même titre que les « traductions » des témoins de Jéhovah!

Une « traduction approximative » n’est pas une traduction. C’est une falsification!

Et une incitation à la haine!

Alors, imaginez-vous: lire que « les homosexuels n’hériteront pas le Royaume de Dieu », ça ne fera pas des cadeaux à la communauté LGBT. Et encore moins aux différents jeunes de l’assemblée qui pourraient être LGBT. Surtout que le texte est affiché sur rétroprojecteur pendant la lecture et l’homélie!

Quelles auraient été les alternatives?

I. Des traductions 100% correctes:

1. La Bible de Jérusalem, éditions 1961 et 1998, donne ceci:

2. La Bible de Maredsous, qui de plus est une bible belge (même si elle utilise des patoiseries parisiennes), donne ceci:

II. Une version boiteuse, mais pas homophobe.

Dans ce sens, certaines versions donnent « pédérastes », qui, compris dans le sens de « pédophile », est un moindre mal. Ou encore, les versions « effeminés », qui feraient rire, sans plus:

3. La Bible Louis Second 1910 (qui est disponible chez Bibliopolis pour seulement 4 €/pièce!): « Ne vous y trompez pas: ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les infâmes, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les outrageux, ni les ravisseurs, n’hériteront le royaume de Dieu. »

4. La Bible dite de la liturgie:

5. La TOB:

Déjà cette version est fort « déréglée ». On s’approche de la Bible de Louvain 1550:

Alors, qu’est-ce qu’il faut faire?

Quelles sont les options?

1. Médiatiser l’erreur de la paroisse. Cela pourrait ouvrir le vrai débat dans la paroisse. (N’oublions pas que plusieurs couples de deux mecs et deux femmes se sont déjà faits éjecter de la paroisse, sans que les évêques fassent quoique ce soit!) Sauf que si je lance ça, je risque de me faire cataloguer partout comme un fouteur de troubles. Au contraire, si le débat était ouvert pour de vrai dans la paroisse, cela éviterait que d’autres LGBT se fassent éjecter dans le futur, et la paroisse devrait se positionner, et peut-être d’autres anglicans de Belgique aussi. Et peut-être que dans ce cas, les évêques ne resteraient plus muets.

2. Écrire juste une lettre au comité paroissial. Mais cela risque de ne rien changer dans le fond. Comme d’habitude, ils justifieront leurs erreurs, les bibles ne seront pas retirées; on arrivera aux dimanches où le passage sera lu tel quel, homophobe, et finalement ça ne servira à rien de faire quoique ce soit.

3. Ne rien faire.

Qu’en pensez-vous?

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(*) On a l’habitude d’appeler cette version «Louis Second [révisée] 1975». Mais ce n’est pas du tout une révision, mais une nouvelle traduction.

(**) Le texte grec utilise les mots malakoi et arsekontai/arsenokoitai. Le premier veut dire « mous »; le second « baiseuses de mecs ». Pour ce qui est du premier, « mou » peut tout dire, et la connotation n’est jamais sexuelle dans d’autres passages. Au contraire, ce mot est utilisé pour parler de ceux qui ne sont pas bien décidés. Quant au second terme, la terminaison est féminine. Ce qui veut dire que: soit il s’agit de femmes, soit il s’agit d’une profession masculine (comme prophêtês, comp. lat. agricola). Quelle que soit l’option, il s’agit soit du viol féminin sur les mecs, soit de la prostitution masculine. Les recherches sur ces deux termes sont abondantes. Il suffit de consulter les livres de Sarah Ruden, John Boswell, John McNeil etc. Au contraire, interpréter ces mots comme le fait la Bible de Genève, c’est modifier délibérément le texte, dans le but de semer l’homophobie.

Sakî.

Faire de la théologie en wallon? Oui, bien sûr!

Je me demandais l’autre nuit sur la notion de sakî.

Ça, après avoir dit à un ami: «Oyi, mins l’ Bon Diu n’ est nén ene sacwè. Il est ene Sakî!»

D’où la question, dans la théologie triunitaire: à qui appliquer le mot (1) «Sakî»: à Dieu tout court, ou bien à l’une des personnes de la Trinité?

Autrement dit: li Bon Diu, est i troes sakîs, ou ene sakî k’ i gn a k’ onk/ene?

Autrement dit: en référence à Dieu, Sakî veut dire essence ou plutôt personne?

Aussi subtil que le grec hypostasis!

D’abord, je me suis dit: li Bon Diu, c’ est bén troes personnes, mins tot l’ minme, ene seule Sakî.

Puis, j’ai relu Walter Martin sur la Trinité, et il dit: «Dieu, c’est trois ´´je´´». Donc, ça veut dire troes sakîs.

Et Richard de Saint-Victor, dit également: « Quando igitur tres personas dicimus, quid alium quam tres aliquos significamus? Iuxta intelligentiam secundum quam accipimus personam in singulari, iuxta eandem prorsus intelligentiam accipimus eam et in plurali, nisi qod hic plures illic unus solus datur intelligi. Cum dicitur persona, pro certo intelligitur aliquis unus qui tamen sit rationalis substantia. Cum nominantur tres personæ, absque dubio intelliguntur tres aliqui, quorum tamen unusquisque sit substantia rationalis naturæ. »

Je conclus donc que le mot sakî veut dire, par rapport à Dieu: «personne», «hypostase».

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(1) Il s’agit de la substantivisation du pronom indéfini sakî, formé, à son tour, du verbe sawè (« savoir ») et du pronom interrogatif .

Agnes M Sigurðardóttir.

Une chose dont je n’ai rien écrit à temps, c’est l’histoire des mariages sexuellement neutres au Danemark. Non seulement à la commune, mais aussi à l’église. Il me semble, si je ne m’abuse pas, qu’après la Suède, le Danemark est le deuxième pays au monde où l’Église nationale a accepté le mariage pour tout le monde, avec la même terminologie.

Et le troisième pays et la troisième Église nationale dans le tas, ce sont les Islandais.

Le dimanche prochain, ce n’est pas seulement le jour des ordination presbytérales à Namur, mais également le jour d’une ordination épiscopale à Reykjavík. L’élue, c’est Agnès fille de Margrét et Sigurður (1).

Elle est née le 19 octobre 1954 dans le « village très pauvre » – comme elle dit – d’Ísafjörður, et elle était la fille du curé. Le 20 septembre 1981, elle a été la troisième femme a être ordonnée prêtre dans l’Église d’Islande. Puis curé à Hvanneyri et doyenne des fjörds de l’ouest. Elle a également été assistante à l’Université d’Upsal, en faisant des recherches sociologiques sur les enfants des prêtres.

Qui imposeront les mains à l’élue? L’évêque retraité, Karl fils de Sigurbjörn, sans doute, avec les deux évêques auxiliaires. Mais non seulement. Car, si j’ai bien compris, l’archevêque d’Upsal sera parmi les co-consécrateurs. Et mon petit doigt me dit que les épiscopesses de Stockholm et Lund-en-Scanie seront là aussi, ne fût-ce que par solidarité féminine. Autrement dit, l’ironie du sort fait que si la succession apostolique-épiscopale fait défaut chez les Islandais, elle sera de retour via une femme. Et c’est tant mieux!

* * * Mise à jour * * *

Les photos de la consécration épiscopale d’Agnes peuvent être vues ici ou ici.

Parmi d’autres, on peut y voir, comme consécrateurs:

– Anders Wejryd, archevêque d’Upsal (2);

– Kari Mäkinen, évêque d’Åbo (2);

– Michael Geoffrey Saint-Aubyn Jackson, archevêque de Dublin (3);

– David Chillingworth, évêque de Peairt et primus d’Écosse (3).

– Kristján Valur, évêque de Skálholt (4)

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(1) En Islande, il n’y a pas de noms de famille comme chez nous, mais une façon qui ressemble à la mode arabe. Là-bas, lorsque l’on s’adresse aux gens, fussent-ils la présidente ou la première-ministre, on dit Mr ou Mme + le prénom de la personne. Dans les annuaires et les catalogues, on référence les gens par leur prénom. Au plus souvent, les gens s’identifient seulement en référence à leur père (X-sson ou X-dóttir); certains en référence à leur mère. La future épiscopesse utilise à la fois l’initiale de sa mère et le prénom de son père.

(2) Dont la consécration est reconnue comme valide par Rome, ainsi que par les Églises vieilles-catholiques.

(3) Dont la consécration est reconnue comme valide par les Églises orthodoxes vieilles-orientales, vieilles-catholiques et orthodoxe roumaine.

(4) Kristján Valur avait été consacré, en 2011, par, entre autres, Matti Repo, évêque de Tammerfors, et David Hamid, évêque auxiliaire de Gilbraltar.

Triunité de Dieu 2012.

Presque tous les ans, lors de la fête de la Trinité, je risque d’entendre des affirmations à la limite de l’orthodoxie et de l’hérésie. Ce fut le cas également hier soir. D’après le prêtre qui prêchait, Jésus n’eût jamais affirmé son égalité au Père, et le dogme trinitaire eût été seulement une constatation tardive, par les conciles oecuméniques, de l’amour profond entre le Père et le Fils.

Je me rappelle comment, il y a seize ou dix-sept ans, je lisais intensément la Bible, en tombant sur des parallèles entre l’Ancien et le Nouveau Testaments. Par exemple: dans l’AT, Dieu dit: «Ils regarderont vers moi qu’ils ont transpercé» (Zacharie 12:10), alors que ce verset est appliqué au Christ en croix dans le NT (Jean 19:37). Ou un autre exemple: dans Isaïe 44:6, Dieu dit: «Je suis le premier et le dernier; en dehors de moi, il n’y a pas de Dieu», alors que dans l’Apocalypse, c’est Jésus qui dit: «Je suis l’Alpha et l’Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin.» Sans compter le prologue de saint Jean: «Et le Verbe était Dieu.» Ce ne sont que deux exemples, mais j’en avais trouvé des dizaines.

Quel ne fut mon étonnement, quelques années plus tard, lorsqu’au grand séminaire de Namur on m’a dit que tous ces parallèles étaient des « simples coïncidences » ou des « réinterprétations tardives »! Manifestement, on publie toutes sortes de livres de théologie mystico-gélatineuse, que dévorent les cathos coincés, mais il manque des livres basiques, qui expliquent la triunité de Dieu selon les saintes écritures!

* * *

La fête de la Trinité a été instituée entre 903 et 920 par Étienne de Tongres, abbé de Lobbes et évêque de Liége. C’est toujours lui qui a composé également l’office de la fête. Voilà, encore une fois, un Belge à l’oeuvre!

Cette fête est devenue si populaire, que chez les Scandinaves et les Anglais, les dimanches per annum sont nommés non pas «après la Pentecôte», mais plutôt «après la Trinité».

* * *

Mais existe-t-il une fête de Dieu le Père? Non. Alors pourquoi une fête de la Trinité?

Posons la question autrement. Lorsque l’on fête le Fils, on fête en réalité un événement (la nativité, la résurrection…). Pareillement, quand on fête le Saint-Esprit, on fête sa descente. Mais que fête-t-on de la Trinité? Une fête du calendrier doit être une fête de quelque chose, de quelque événement.

À mon avis, il faut voir la fête de la Trinité comme jour de l’octave de la Pentecôte.

Le comble de l’histoire de saint Georges, ou le plus magnifique, c’est que ce saint a été martyrisé catéchumène. Autrement dit, au lieu d’être baptisé du baptême d’eau, il a été baptisé du « baptême du sang ». L’Église a toujours regardé le martyre des non-baptisés comme un baptême valide.

Orthodoxisme, idolatrie, monophysisme.

Les déçus de notre société post-chrétienne s’intéressent de plus en plus aux religions orientales. Tous les ans, il y a des milliers de convertis à l’islam, des centaines de nouveaux bouddhistes, mais également un tas de gens qui se ´´convertissent´´ à l’orthodoxisme.

Souvent, en lisant un livre, on se fait une opinion; mais en relisant le même livre des années plus tard, on comprend le même livre autrement.

Il y a 16 ans, j’ai lu plusieurs livres de Paul Evadokimov. Entre autres, « L’Orthodoxie », un livre censé expliquer les particularités des Églises orthodoxes des sept conciles, par rapport aux religions non-chrétiennes et par rapport à d’autres Églises chrétiennes. Eh ben, il y a donc 16 ans, après avoir lu ce livre, j’ai été tellement dégoûté, que par la suite j’ai lu Oswald Chambers et Charles Spurgeon, pour me consoler.

Je viens de relire « L’Orthodoxie » d’Evdokimov. Et là, je tire les conclusions suivantes. Pour la plupart des chapitres, là où Evdokimov prétend présenter des choses typiques de la théologie des Églises des sept conciles, en réalité, ces choses-là peuvent s’appliquer à d’autres Églises: vieille-catholique, anglicane, vieilles-orientales, voire catholique romaine et luthérienne. Rien de neuf sous le soleil.

Mais, par contre, pour ce qui est des chapitres concernant les icônes et la liturgie, j’ai le même sentiment qu’il y a 16 ans. Je n’y vois qu’un amas de crypto-monophysisme et de l’idolâtrie pure et dure.

Il ne suffit pas de dire que l’on croit à l’incarnation, à la divinisation de l’homme par le Christ, et même que le Christ est homme et Dieu. Ces mots-là ne veulent rien dire, si par après on dit tout le contraire. L’humanité du Christ, dans ce livre d’Evdokimov, est totalement absente. Idéologiquement absente. Ce n’est pas étonnant qu’en parlant de l’eucharistie, il ne mentionne même pas la pratique hérétique de 99% des communautés dites orthodoxes: à savoir, le fait d’excommunier de facto tous les chrétiens.

La liturgie chez Evdokimov a une portée mystico-gélatineuse; il lui fait dire ce qu’elle ne dit pas. Les vêpres sont, pour lui, une mise en scène de la chute et de l’annonciation. Et de ce fait, il élève le rite byzantin au rang de rite suprême et supérieur aux autres, sinon l’unique valable, à cause de la mise en scène qu’il soi-disant contient. (Or, ce sont des purs accidents de l’histoire de la liturgie qui font qu’il y a certains gestes, purement contingents. Ce qui est de l’ordre du contingent et du superflu, Evdokimov l’érige en norme, et perd de vue l’essence même des offices liturgiques.)

Pour ce qui est de l’icône, Evdokimov m’a semblé d’abord intégriste: il interdit les icônes sur papier, les reproductions d’icônes. (Qu’en penserait-il des icônes numériques?) Par la suite, lorsqu’il parle d’une présence réelle du Christ et des saints dans les icônes, je ne peux voir autre chose qu’un veau d’or. En réalité, les Israélites n’ont jamais pris le veau d’or pour un dieu; leur péché était de donner à YHWH une représentation, un objet qui rend présent, un objet véhicule de la présence divine. Et alors, entre le veau d’or et la conception de l’icône chez Evdokimov il n’y a aucune différence fondamentale. Curieusement, il reconnaît l’absence des icônes dans l’Église primitive.

Quant à l’art, pour Evdokimov, tout art non-religieux est démoniaque. Et tout art religieux n’est pas iconographique. Car, d’après lui, l’iconographe est inspiré par l’Esprit Saint, alors que l’artiste y met de sa culture et de son vécu. Autrement dit, c’est du littéralisme biblique, appliqué à l’iconographie.

Paradoxalement, dans ce livre, Evdokimov nie la présence réelle du Christ dans les saintes espèces, et condamne les doctrines catholique romaine et luthérienne à ce sujet. La raison? D’après lui, ce serait de nier l’ascension. Qu’est-ce qu’il propose en échange? Quelque chose de floue et ambigu, qui me ressemble davantage à la théorie de Calvin. En tout cas, d’après Evdokimov, les parcelles non consommées et qui ne sont pas destinées aux malades ne sont plus que des simples pain et vin. D’après lui, d’une part, nos yeux nous empêchent de voir le Christ, mais d’autre part, le pain eucharistique est le corps du Christ, d’une façon nominale. Et cela, grâce à l’épiclèse. (Si telle avait été la foi de l’Église ancienne, elle n’aurait pas appelé la messe « eucharistie » = action de grâces, mais plutôt « epiclèse ».)

Je trouve dommage que les autres Églises ne mettent rien en doute de l’orthodoxie présumée (et autoproclamée) des Églises des sept conciles. Au long du XXème siècle, les anglicans et les vieux-catholiques ont dit: « Nous sommes des orthodoxes de rite occidental ». Maintenant il reste à voir si les Églises des sept conciles sont elles-mêmes des orthodoxes de rite oriental.

Bref, il me faudrait relire et reméditer les XXXIX Articles de religion, pour trouver une consolation.

Mais bon, on ne peut pas mettre tout le monde dans le même sac; on ne peut pas dire que tous les chrétiens dits orthodoxes pensent comme Evdokimov. Au fait, je me suis rendu compte que dans les Églises des sept conciles, l’unité doctrinale est encore plus floue et vague qu’elle ne l’est dans la Communion Anglicane. Comprenons-nous bien: au moins chez les Anglicans il y a quatre points doctrinaux communs.

Maintenant, le comble, c’est qu’Evdokimov pense que la règle dans les Églises des sept conciles, c’est le principe in dubiis libertas. C’est à dire: un fond commun, plus une liberté d’opinion théologique. Mais quel est, finalement, le fond commun chez les dits ortohodoxes des septs conciles? J’ai cherché ce fond commun, et je ne l’ai pas trouvé. Les uns (>1%) ont l’Eucharistie comme base, alors que les autres (<99%) excommunient perpétuellement leurs membres, sauf une fois par an. Les uns croient que chacun se sauve soi-même par la foi, l’acquisition des energies incréées (qui ne sont pas la même chose que la grâce acquise par le Christ sur la croix) et par les bonnes oeuvres; d’autres tiennent, à des degrés différents, la doctrine traditionnelle scripturaire du salut par la grâce. Les uns croient au péché originel; d’autres le nient. Les uns croient que les péchés se payent par de bonnes oeuvres aux péages aériens; d’autres croient d’autres théories, plus catholiques ou plus pélagiennes. Les uns croient réellement que le Christ est entièrement humain et entièrement Dieu; alors que d’autres professent cela que de bouche (ou de plume), tout en niant l’humanité du Christ dans le concret. Les uns croient que la succession apostolique-épiscopale se transmet uniquement par des orthodoxes de nom; les autres vont jusqu’à rebaptiser un converti. Les uns ont adopté le calendrier grégorien pour tous les fêtes; d’autres seulement pour les fêtes fixes; la plupart tiennent farouchement au calendrier julien, en maudissant les autres.

Donc, à part la foi trinitaire, il me semble qu’il n’y reste rien d’autre, aucun élément essentiel, commun à tous ceux qui s’étiquettent « orthodoxes ». Mais si, dans les petits détails: la monachocratie, l’homophobie, la misogynie, le nationalisme, l’éthno-phylétisme, le mépris envers le mariage, le mépris envers les rites non-byzantins… Pour le reste… juste la prétention d’une unité doctrinale et de la praxie. Oui, une simple prétention. Sinon, in dubiis libertas: la liberté de casser du pédé, du catho romain, du protestant. La liberté de se dire et croire meilleur que l’autre, et unique dépositaire du salut.

En ce qui me concerne, je n’ai pas besoin de tous ces accessoires (essentiels pour Evdokimov) pour avoir la communion avec Dieu. Je n’ai pas besoin que le Patocrator me regarde depuis la coupole de l’Église. Non. Il est plus près de moi que je ne le pense. Il n’est pas là-haut. Il est ici bas, vrai homme et vrai Dieu.

Je crois qu’en dehors de la matière des sacrements, toute autre  matière, quoique utile, est accessoire. D’accord, les icônes peuvent nous aider d’une manière décorative et didactique, ou affirmer la christologie; le chant liturgique peut nous aider dans notre prière; l’encens aussi. Mais les messes célébrées dans les prisons, sans crucifix, ni icône, ni encens, ni chant, ni ornements, sont tout aussi correctes, belles, authentiques et valides que les messes du monde libre, avec accessoires, pour autant que rien d’essentiel n’y ait été retranché.

Jusqu’au quatrième siècle, les gens ont été bel et bien sauvés, sans icônes et sans encens, sans chapelets et sans musique byzantine; sans moines et sans évêques célibataires. Cependant, ils participaient pleinement à l’Eucharistie de chaque samedi soir, car là, le Christ, qui est au dessus du temps, leur était présent et leur rendait présent le sacrifice de la croix.