Étant donné que samedi soir nous avons été au mariage, la meilleure option de messe dominicale pour nous, c’était à 14h à la Holy Trinity (la pro-cathédrale anglicane d’Ixelles). Une paroisse dont nous avions été membres, par le passé. Donc, ça nous a fait plaisir de revoir certaines personnes. De surcroît, nous étions à la messe africaine, qui est presque toujours présidée par le vicaire, que j’apprécie beaucoup. Mieux encore, il y a eu un baptême pendant la messe, ce qui est toujours une joie de plus.

Oui, mais il y a un hic. C’est que maintenant dans les bancs, il y a également des bibles en français. À la messe africaine, l’une des lectures est en français, et les gens peuvent suivre en français la lecture qui est proclamée en anglais.

Et devinez de quelle « traduction » il s’agit. Genève 1975 (*). Qui, dans la première épître aux Corinthiens, chapitre 6, donne ceci:

Et pour quasiment toutes les éditions protestantes qui se veulent modernes, en langage courant etc, c’est toujours la même erreur (**).

Or, il faudrait le dire haut et fort: les « traductions » de Genève ne sont pas des traductions. Ce sont des purs travestissements de la parole de Dieu! Elles sont à bannir, au même titre que les « traductions » des témoins de Jéhovah!

Une « traduction approximative » n’est pas une traduction. C’est une falsification!

Et une incitation à la haine!

Alors, imaginez-vous: lire que « les homosexuels n’hériteront pas le Royaume de Dieu », ça ne fera pas des cadeaux à la communauté LGBT. Et encore moins aux différents jeunes de l’assemblée qui pourraient être LGBT. Surtout que le texte est affiché sur rétroprojecteur pendant la lecture et l’homélie!

Quelles auraient été les alternatives?

I. Des traductions 100% correctes:

1. La Bible de Jérusalem, éditions 1961 et 1998, donne ceci:

2. La Bible de Maredsous, qui de plus est une bible belge (même si elle utilise des patoiseries parisiennes), donne ceci:

II. Une version boiteuse, mais pas homophobe.

Dans ce sens, certaines versions donnent « pédérastes », qui, compris dans le sens de « pédophile », est un moindre mal. Ou encore, les versions « effeminés », qui feraient rire, sans plus:

3. La Bible Louis Second 1910 (qui est disponible chez Bibliopolis pour seulement 4 €/pièce!): « Ne vous y trompez pas: ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les infâmes, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les outrageux, ni les ravisseurs, n’hériteront le royaume de Dieu. »

4. La Bible dite de la liturgie:

5. La TOB:

Déjà cette version est fort « déréglée ». On s’approche de la Bible de Louvain 1550:

Alors, qu’est-ce qu’il faut faire?

Quelles sont les options?

1. Médiatiser l’erreur de la paroisse. Cela pourrait ouvrir le vrai débat dans la paroisse. (N’oublions pas que plusieurs couples de deux mecs et deux femmes se sont déjà faits éjecter de la paroisse, sans que les évêques fassent quoique ce soit!) Sauf que si je lance ça, je risque de me faire cataloguer partout comme un fouteur de troubles. Au contraire, si le débat était ouvert pour de vrai dans la paroisse, cela éviterait que d’autres LGBT se fassent éjecter dans le futur, et la paroisse devrait se positionner, et peut-être d’autres anglicans de Belgique aussi. Et peut-être que dans ce cas, les évêques ne resteraient plus muets.

2. Écrire juste une lettre au comité paroissial. Mais cela risque de ne rien changer dans le fond. Comme d’habitude, ils justifieront leurs erreurs, les bibles ne seront pas retirées; on arrivera aux dimanches où le passage sera lu tel quel, homophobe, et finalement ça ne servira à rien de faire quoique ce soit.

3. Ne rien faire.

Qu’en pensez-vous?

_________

(*) On a l’habitude d’appeler cette version «Louis Second [révisée] 1975». Mais ce n’est pas du tout une révision, mais une nouvelle traduction.

(**) Le texte grec utilise les mots malakoi et arsekontai/arsenokoitai. Le premier veut dire « mous »; le second « baiseuses de mecs ». Pour ce qui est du premier, « mou » peut tout dire, et la connotation n’est jamais sexuelle dans d’autres passages. Au contraire, ce mot est utilisé pour parler de ceux qui ne sont pas bien décidés. Quant au second terme, la terminaison est féminine. Ce qui veut dire que: soit il s’agit de femmes, soit il s’agit d’une profession masculine (comme prophêtês, comp. lat. agricola). Quelle que soit l’option, il s’agit soit du viol féminin sur les mecs, soit de la prostitution masculine. Les recherches sur ces deux termes sont abondantes. Il suffit de consulter les livres de Sarah Ruden, John Boswell, John McNeil etc. Au contraire, interpréter ces mots comme le fait la Bible de Genève, c’est modifier délibérément le texte, dans le but de semer l’homophobie.

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3 comments untill now

  1. Cher Georges, le chemin que tu veux prendre pour débarrasser les textes bibliques de leur connotation homophobe est une impasse : il y a deux mille ans (et davantage pour la genèse), on était (tout le monde était, même les auteurs sacrés, même (sans doute) le prédicateur Jésus de Nazareth dans son humanité, l’union sexuelle de deux personnes de même sexe n’avait de sens possible que comme perversion, comme débauche, parce que la fécondité (qui seule importait) en était exclue.

    Ce qu’il faut voir et dire, me semble-t-il, c’est que l’Ecriture Sainte est marquée par le milieu historique où elle était pensée, répandue et rédigée. Il y a encore d’autres thèmes où cet archaïsme (avec son mépris de certains droits de l’homme, de certains vérités reconnues aujourd’hui) est patent, et doit être CORRIGé, dans la compréhension religieuse du texte, sans pour autant changer la traduction mot à mot. Le mépris des femmes, l’acceptation de l’esclavage, l’ordre de tuer les ennemis (cf livre de Josué e.a.), il faut lire ça, parce que ç’est là, mais il faut aussi faire fonctionner son propre jugement de chrétien d’aujourd’hui…

    Heureux d’avoir de tes nouvelles, de te savoir toujours heureux avec Nicolas, et plus courageux que jamais dans l’amour et le service de Jésus, notre Seigneur que j’ose contredire avec Sa grâce.

  2. Merci pour le conseil.

    Cependant, concernant Jésus, il y a quelque chose d’intéressant. En faisant son « premier signe » à Cana en Galilée, il a béni cette union-là. Et en guérissant le mignon du centurion il a béni cette union-ci aussi.

    Que les Écritures saintes contiennent des passages dépourvus de la miséricorde, c’est un fait. D’ailleurs, «que la femme craigne son mari» (Éph. 5:33) est une traduction correcte, littérale, alors que même les bibles francophones sont unanimes pour « adoucir » le mot «craindre» (φοβέω), alors qu’il n’y a aucune amigüité là-dessus. Au contraire, les deux mots en question, μαλακός et ἀρσενοκοῖται sont, dans ces éditions bibliques, non pas traduits, mais directement interprétés. Saint Paul n’a pas utilisé le mot «παιδεραστές», et ceci est un fait.

    Bien sûr, il ne faut pas faire du marcionisme et adoucir les textes. Il faut savoir les interpréter. Mais il ne faut pas non plus remplacer les mots des textes bibliques par des mots qui nous conviennent pour taper sur l’une ou l’autre catégorie.

    Par exemple, il serait faux de dire que Matthieu travaillait au service public fédéral des finances…

  3. Une collègue de travail évangélique africaine m’a justement sorti cette traduction la semaine dernière. Je lui ai répondu à partir de l’original en grec qui parle de « mou » et du péché étranger (à la Grèce antique) et étrange de « ceux ou celles qui couchent avec des hommes » renvoyant probablement a l’une des abominations du Lévitique.

    Personnellement, je ne sais pas trop ce que veut dire l’héritage du Royaume de Dieu. Toujours est sûr que ce sera après la mort. Alors je laisse les morts aux morts et je m’occupe des Vivants. C’est je pense ce que dit plusieurs fois Jésus à ses apôtres (Matthieu 8 ; 22 et Luc 9 ; 60). Et puis il y a ce fameux « comprenne qui pourra » à propos des Eunuques du Royaume des Cieux… Je ne sais pas, mais cela ne m’empêche pas d’aller vers le Christ.

    Les Evangéliques de France me surprennent à l’attachement qu’ils portent sur des détails, des broutilles de la Bible alors que le Commandement de l’Amour qui est très clair est primordial. Je pense (et j’espère) que les Anglicans d’Ixelles te diront la même chose. L’autre jour j’ai vu sur Arte qu’en Islande les Luthériennes féministes ne disent plus le « Notre Père » mais le « Notre Mère »… Tout cela est tellement vain.

    Ne te fais pas de bile. Continuez avec Nicolas d’être de Bons Témoins de l’Amour de Dieu pour le Monde car « c’est à cela que tous vous prendront pour (ses) disciples ».