Dans les évangiles, on parle de l’apôtre «Thomas, appelé Didyme.» Une fois, j’ai eu sous les yeux l’évangile du premier dimanche après la Pâque en plusieurs langues, et j’ai constaté que plusieurs langues traduisent ce didyme non pas par “jumeau”, comme nous, en français, mais par «douteux.» J’ai eu comme un révélation. Ça me semblait logique. Si l’apôtre Simon a été surnommé «Pierre» à cause de l’épisode de la profession de foi, il me semblait tout à fait logique qu’un autre apôtre, appelé Thomas, soit surnommé «Le Douteux» en raison de l’épisode du «Je ne croirai pas…» Mais il y a quelques jours, en lisant la Bible en maltais, j’ai trouvé «Tumas» (du sicilien) appelé «Twami» (traduction du grec “didymos”). Je me suis vite rendu compte qu’on n’a pas affaire au prénom suivi du surnom, mais bien du même surnom, d’abord sous une forme sémitique transcrite en grec, puis du même surnom traduit en grec. Et, effectivement, les surnoms se traduisent et se transcrivent, cf. Pierre Céphas. Donc, le douteux devait avoir eu un prénom hébraïque au début.
Les Romains avaient prénom + nom de famille + surnom. Chez les chrétiens, le surnom est devenu le nom de baptême, se substituant au prénom. Mais en dehors des Latins, les noms de famille n’existaient pas. Et, heureusement, chez les Islandais comme chez certains Arabes, les noms de famille n’existent pas non plus.
Louis Remacle, dans sa thèse de doctorat publiée ultérieurement Le Parler de La Gleize, parle de la façon dont on connaissait une personne dans l’Ardenne de son temps. Il y a plusieurs cercles concentriques. Dans le premier cercle, c’est juste le prénom hypocoristique. Dans le deuxième cercle, la famille plus élargie, on connaissait la personne avec une référence. Dans le village, avec plusieurs références. Et plus le cercle s’élargit, moins on connaît la personne, et davantage c’est le nom de famille qui sort en évidence.
Sur un mur, il y a les photos de plusieurs collègues décédés en service. Sur leurs photos, un certain con a juste marqué les noms de famille des gens. Sans doute, un Ardennais. Chez les Ardennais, je trouve encore cette impolitesse d’appeler les gens par leur nom de famille. Ce qui me choque le plus, c’est d’entendre cela de la bouche de chrétiens pratiquants (voir prêtres), qui devraient savoir mieux que quiconque que c’est uniquement par le prénom que l’on baptise quelqu’un. Même de grands théologiens anglophones ont commis cette erreur, en écrivant sur les couvertures de leurs livres: CS Lewis, GK Chesterton etc.
Cependant, je fais également l’apologie du surnom en tant que substitut du prénom. Si quelqu’un a eu le malheur que le prêtre qui l’a baptisé ait épelé une connerie à la place, personne ne devrait vivre avec la connerie. De plus, il y a des Aline qui s’avèrent être des Alain, ainsi que des Daniel qui sont en réalité des Dalia. Ou, par exemple, Cleave Staples a toujours été prononcé Jack. Dans ce cas, le prénom et le surnom de substitution sont la même chose.
Le nom de famille peut être quelque chose de très positif, lorsque l’on a des racines, et que ces racines sont importantes. Cette importance peut même être plus interne à la famille qu’externe. (J’ai même un petit-petit cousin qui a tatoué son nom de famille sur son bras, qui est le nom de famille de notre trisaïeul commun, un autre Georges.) Mais le patronyme peut être nocif lorsqu’il y a eu des abus dans la famille. Pourquoi la société doit-elle imposer à une victime le nom de son bourreau?
Je pense que le prénom devrait être revalorisé dans la société. Nous vivons dans une société individualiste, et c’est l’individu qui doit être mis en évidence, non pas sa “race”.