Père Tobias Haller.

Je viens de découvrir le blogue du père Tobias Haller, que je recommande vivement à quiconque s’intéresse à la théologie queer.

J’ai tapé un œil à son mémoire de maîtrise: Lawfully Joined. Same Sex Marriage in Light of the Church’s Traditional and Liturgical Practice.

Il a également écrit un article ironique: God’s Judgment on Heterosexuality. Si vous avez un peu d’imagination et le sens de l’humour, il vous fera rire et réfléchir à la fois.

Տէրն յետ ստեղծման արարածոց.

Comme je le disais ailleurs, le bréviaire romain a un gros problème: il occulte le sabbat. Autrement dit, il chante la création pendant six jours, et dès qu’il faut célébrer la liturgie de samedi, il emprunte l’hymnographie à la Trinité.

Je fais, donc, une traduction-adaptation en français de l’hymne Dominus postquam creavit – Տէրն յետ ստեղծման արարածոց – Dern ħed sdełḑman araraḑoç du livre d’heures (jamaqirk) arménien. Cette hymne a été composée par saint Nersès le Gracieux (+1173). Elle comporte 6 strophes de 8 vers, chacun ayant 8 syllabes. Ça veut dire qu’on peut la chanter sur les mélodies grégoriennes habituelles, comme si c’était une hymne de 12 strophes ayant chacune 4 vers.

La mélodie arménienne d’origine peut être écoutée en suivant ce lien.

Le Seigneur, ayant tout créé,
Prit repos le septième jour.
Lui, qui veut nous voir travailler,
Qui nous repose et nous secourt,
Nous a laissé l’espoir glorieux
Qu’il nous donnerait son sabbat;
Faisant la volonté de Dieu,
Nous aurons son repos là-bas.

 

 

Car notre Maître a bien voulu
Nous instruire par ses leçons:
Par l’économie du salut,
Dans sa seconde création,
Il descendit avec son corps
Dans le sépulcre un samedi,
Pour délivrer les captifs morts,
Et préparer le paradis.

 

 

La source sortie de ton flanc
Sera guérison de nos morts,
Dans leurs sépulcres descendant,
Pour les ressusciter alors.
Donne-leur la vie, le salut,
Et les appelle de ta voix
Compte-les parmi tes élus,
Alors ils chanteront pour toi.

 

 

Nos frêles traits, superficiels,
Péchant, ont entraîné la mort,
Mais ta mort nous rend immortels,
Ô immortel, âmes et corps.
Ceux qui avec toi ont été
Ensevelis dans l’eau des fonts,
Tu les feras ressusciter;
Comme un soleil ils brilleront.

 

 

Les justes pourront resplendir,
Les moines de sagesse ornés;
Couronnés seront les martyrs,
Les vierges, lampes allumées,
Seigneur, considère avec eux
Ceux qui te confessent et croient;
Ne les juge âprement, ô Dieu,
Mais pardonne-leur par ta croix.

 

 

Dans ton immense humilité,
Tu fus en terre enseveli
Et tu as réhabilité
Les croyants, leur donnant la vie.
Relève-nous, qui justifiés
Serons dans ta paix endormis.
À toi la gloire, ô crucifié,
Ainsi qu’au Père et à l’Esprit. Amen.

Trinité.

Aujourd’hui, dit-on, c’est la « fête de la Trinité ». J’ai plusieurs remarques à ce sujet.

I.

Tout d’abord, je croise de plus en plus de “pratiquants” (de plusieurs dénominations) qui me disent ceci: «Je ne crois pas à la Trinité. Ni à la divinité de Jésus. C’est pas dans la Bible.» Et, si vous entrez dans une librairie “chrétienne”, vous n’y trouverez aucun livre théologique, qui parle de la triunité de Dieu, ou de la personnalité du Saint-Esprit, ou de la divinité du Christ.

Pourtant, la Bible en est pleine à craquer!

Il y a des tonnes de passages dans l’Ancien Testament où il est question de Yahvé – donc Dieu lui-même – qui promet des actions ou se caractérise d’une façon ou d’une autre. Et tout cela s’accomplit dans le Nouveau Testament dans le Christ. J’en donne juste deux exemples:

«Et je répandrai sur la maison de David, et sur les habitants de Jérusalem, l’Esprit de grâce et de supplications: et ils regarderont vers moi, qu’ils auront percé, et ils en mèneront deuil, comme quand on mène deuil d’un fils unique, et ils en seront en amertume, comme quand on est en amertume à cause d’un premier-né.» (Zacharie 12:10) Celui qui parle là, c’est Yahvé, car il est dit au verset 1: «Éternel qui étend les cieux… a dit:» Donc Yahvé parle à la première personne. Et dans l’évangile selon saint Jean, il est écrit: «Mais un des soldats lui perça le côté avec une lance, et incontinent il en sortit du sang et de l’eau… Car ces choses-là sont arrivées afin que cette Écriture fût accomplie… Ils verront celui qu’ils ont percé.» (Jean 19:34-37).

Deux fois dans la livre d’Isaïe, Yahvé dit: «Je suis le premier, et je suis le dernier» (Isaïe 44:6 et 48:12), et dans le Nouveau Testament, c’est Jésus qui se présente ainsi, trois fois, dans Apocalypse 1:17, 2:8 et 22:13. Plus de détails ici.

II.

Ce que nous fêtons aujourd’hui, ce n’est pas tellement la Trinité; c’est l’octave de la Pentecôte, et ce jour on doit se focaliser sur la triunité de Dieu. Une fête est quelque chose, un événement qu’on commémore. De ce fait, la vraie fête de la manifestation de Dieu en tant que trinité, c’est l’Épiphanie/Théophanie, au baptême du Christ: «Et quand Jésus eut été baptisé, il sortit incontinent hors de l’eau, et voilà, les cieux lui furent ouverts, et Jean vit l’Esprit de Dieu descendant comme une colombe, et venant sur lui. Et voilà une voix du ciel, disant: “Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai pris mon bon plaisir”. Alors Jésus fut emmené par l’Esprit au désert…» (Matthieu 3:16-4:1)

III.

L’office de la Trinité, que nous célébrons aujourd’hui, nous vient de l’évêque saint Étienne de Liége (+920). Le pape de Rome s’exclama: «Une fête de la trinité? Alors pourquoi pas une fête de l’unité?» Question rhétorique, mais qui a tout son sens. Il ne s’agit pas tellement de parler maintenant de «la Trinité», mais plutôt de «la triuninté de Dieu». La trinité ou l’unité ne sont que des caractéristiques de Dieu. Et, avec la Pentecôte, nous pouvons dire que Dieu s’est manifesté comme un et trois.

Immense cæli conditor.



Maintenant, ma traduction-adaptation en français de l’hymne Immense cæli conditor, de saint Grégoire le Grand. Cette hymne était chantée les lundis soir. Cependant, sa place dans la liturgie n’est pas correcte, car, avec le coucher du soleil lundi soir, commence la journée liturgique du mardi. Je ne sais pas quelle serait la place idéale pour cette hymne, étant donné que dimanche soir on fête encore la résurrection.

Immense Créateur des cieux,
Tu divisas l’eau en deux lieux,
Donnant une limite au ciel,
Afin de garder l’essentiel.

Affermissant les eaux d’en haut,
Sur la terre, fleuves et vaux,
Pour que le sol soit refroidi
Et préservé des incendies.

Dieu miséricordieux, répands
Sur nous ta grâce maintenant,
Qu’elle puisse nous empêcher
De faire de nouveaux péchés.

Que la lumière de la foi
Nous guide sur la bonne voie,
Qu’elle nous montre les défauts,
Les vanités et besoins faux.

Exauce-nous, Papa chéri,
Et toi, son égal, Jésus-Christ,
Et toi, Esprit de vérité:
Un pour toute l’éternité. Amen.

Cette doxologie, commune à plusieurs hymnes, a été traduite autrement par Georges Pfalzgraf:

Exauce-nous, Père éternel,
Par Christ, qui vit et règne au ciel,
Avec toi et le Saint-Esprit:
Dieu pour les siècles infinis. Amen.

Consors paterni luminis.

Les mardi aux matines, on chante l’hymne Consors paterni luminis, attribuée à saint Grégoire le Grand. En voici ma traduction-adaptation en français.

Lumière de lumière née,
De même gloire couronné,
Ô égal au Père, à l’Esprit,
Écoute nos voix qui te prient.

Chasse le mal que nous aimons,
Les ténèbres et les démons;
Fais-nous émerger du sommeil,
Et passer le jour en éveil.

Ainsi, Christ, sois-nous indulgent,
Aux croyants qui sommes tes gens,
Qui te louons d’un même cœur,
Chantant des psaumes tous en chœur.

Gloire à toi, Christ, roi éternel,
Qui vis et règnes dans le ciel,
Avec notre Père et l’Esprit:
Dieu pour les siècles infinis. Amen.

Summæ Deus clementiæ.

Voici ma traduction-adaptation en français de l’hymne Summæ Deus clementiæ. Dans le bréviaire romain, il est prescrit qu’on chante cette hymne les samedis matin. En réalité, c’est une hymne à la Trinité. Les samedis on devrait chanter le repos de Dieu à la fin de la création, ainsi que le repos du Christ dans le tombeau.

Dieu tout-clément, qui nous es cher,
Toi, concepteur de l’univers,
Quant aux personnes, trinité,
D’une même essence, unité,

Reçois nos chants avec nos pleurs
Qui sortent du fond de nos cœurs;
Sors-nous de notre désarroi,
Triunique Dieu, un et trois.

Enflamme nos reins en ce jour
De la chaleur de ton amour,
Pour être prêts, dès à présent,
Pour ton futur avénement.

En pleine nuit, nous commençons
Notre journée dans les chansons;
Puisque nous sommes tous contrits,
Conduis-nous à notre patrie.

Exauce-nous, Papa chéri,
Et toi, son égal, Jésus-Christ,
Et toi, Esprit de vérité:
Un pour toute l’éternité. Amen.

Fêtes du dogme.

Aujourd’hui, c’est «la fête de la Trinité», et, dans quatre jours, il y aura «la Fête-Dieu», toutes les deux ayant, plus ou moins, des racines liégeoises.

Comme je le disais ailleurs, il ne peut y avoir de fêtes d’un dogme.

Les seules façons orthodoxes de concevoir des deux fêtes sont de les voir comme des événements:
– la fête de la Trinité n’est rien d’autre que l’octave de la Pentecôte: l’événement de la descente du Saint-Esprit;
– la Fête-Dieu n’est rien d’autre que la commémoraison de l’événement que fut le miracle eucharistique de Bolsenne, près d’Orviet.

Si c’est autre chose, qu’elles soient anathème!

Que ces deux fêtes soient l’occasion de catéchiser sur des dogmes de l’Église est très bien. Noël et l’Annonciation sont des fêtes de la venue de Dieu dans la chair, et pendant ces fêtes-là on peut catéchiser quant à l’incarnation; mais il ne peut y avoir de fête du dogme de l’incarnation.

Autrement, on aurait des fêtes du genre: fête de l’humanité du Christ, fête de la divinité du Christ, fête de la périchorèse, fête de la volonté humaine du Christ, fête de la volonté divine du Christ, fête du monothéisme etc. etc. etc.

Marche pour la fermeture des abattoirs.

Aujourd’hui a eu lieu à Paris la marche pour la fermeture des abattoirs. Malheureusement, on n’a pas su y aller.

Pour quand cela à Bruxelles ou à Anvers ou Namur?

Saint-Esprit.

En cette fête de la Pentecôte, je vous partage quelques réflexions sur la théologie et L’Esprit Saint. J’entends souvent des gens qui disent avoir du mal avec le « Credo in unum Deum » qu’on récite ou que l’on chante à la Messe. Moi aussi, j’ai du mal avec ce texte, mais pour d’autres raisons que ces gens-là.

Il y a eu le symbole de Nicée, composé en 325. Son texte s’achevait par: «et en l’Esprit saint.» Le texte a été complété par le premier concile de Constantinople, en 381. La version originale du symbole nicéno-constantinopolitain est chantée dans l’Église arménienne. Voir ici, mais aussi dans le Denzinger, n° 46-49.

Par contre, notre Credo à nous, ça nous vient du concile de… Chalcédoine! En voici les failles théologiques:

Nicée: «…engendré non pas créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait, au ciel et sur la terre, le visible et l’invisible; qui pour nous les hommes et pour notre salut est descendu du ciel, s’est incarné et s’est fait homme, parfaitement de Marie la Vierge sainte par l’Esprit Saint ; dont il a pris chair, esprit, âme et tout ce qui est en l’homme, en vérité et non selon l’apparence; il a souffert, a été crucifié et enseveli, est ressuscité le troisième jour, est monté au ciel, dans ce même corps; il siége à la droite du Père, et viendra dans ce même corps, dans la gloire du Père, pour juger les vivants et les morts; et son règne n’aura pas de fin…»
Chalcédoine: «…engendré, non pas créé, consubstantiel au Père, et par lui tout a été fait; qui pour nous les hommes, et pour notre salut, il est descendu du ciel ; par l’Esprit-Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s’est fait homme; crucifié pour nous sous Ponce Pilate, il souffrit et fut enseveli; il ressuscita le troisième jour, conformément aux Écritures, et il monta au ciel; il est assis à la droite du Père; il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts; et son règne n’aura pas de fin…»

Le texte de Chalcédoine élimine des passages importants, en laissant une porte ouverte au docétisme.

Voyant maintenant le coup de canif porté à l’Esprit Saint:

Constantinople I: «… et en l’Esprit Saint, qui est incréé, parfait, qui a parlé dans la Loi, les prophètes et les évangiles, qui est descendu au Jourdain, qui a annoncé aux apôtres et habite dans les saints…»
Chalcédoine: «… et en l’Esprit Saint, Seigneur et vivificateur; qui procède du Père; avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire, qui il a parlé par les prophètes.»

Notons aussi l’embolisme, absent dans la formule de Chalcédoine, mais présente à Constantinople: «Quant à ceux qui disent: « Il y eut un temps où le Fils n’était pas », ou « Il y eut un temps où l’Esprit Saint n’était pas », ou qu’ils ont créés de rien, ou qui disent que le Fils de Dieu ou aussi l’Esprit Saint sont d’une autre substance ou essence, ou qu’ils sont soumis au changement et à l’altération, ceux-là l’Église catholique et apostolique les frappe d’anathème.»

Mais le symbole de Nicée-Constantinople a lui aussi une grosse faille: il évite de dire que l’Esprit Saint est consubstantiel au Père et au Fils!

Voilà pourquoi, si je devais choisir l’un des trois symboles des Églises occidentales et orientales, le seul que je choisirais serait le symbole de saint Athanase! Celui-là se chante parfois aux laudes (fin des matines), et sa théologie sur l’Esprit Saint est claire:

«Ainsi le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu. Et cependant ils ne sont point trois Dieux, mais un Dieu. Ainsi le Père est Seigneur, le Fils est Seigneur, le Saint-Esprit est Seigneur. Et cependant ils ne sont point trois Seigneurs, mais un Seigneur… Le Saint-Esprit est du Père: ni fait, ni créé, ni engendré, mais procédant.» (Texte complet ici.)

Primo dierum omnium.

Voici ma traduction-adaptation de l’hymne Primo dierum omnium, de saint Grégoire le Grand, qui se chante les dimanches aux matines:

Le premier jour, tu fis le temps;
Le même jour, ressuscitant,
Tu libéras ta création
Par ta sainte résurrection.

Nous nous levons de la torpeur
Du doux sommeil, ô Dieu sauveur,
Pour te louer en pleine nuit,
Comme le prophète l’a dit.

Écoute-nous, ô notre Roi,
Et étends vers nous ton bras droit,
Pour nous défendre et effacer
Les fautes de notre passé.

Puisque nous sommes réunis
Et ce jour très saint et béni,
Et d’un même cœur te chantons,
Comble-nous de tes précieux dons.

Maintenant, Père lumineux,
Nous te prions, toi, notre Dieu,
Défends-nous de ce qui nous nuit,
Des tentations et de leurs fruits.

Empêche nos âmes et corps
De se diriger vers la mort.
Préserve-nous de mal agir
Et de brûler pour les désirs.

Nous te prions, ô Rédempteur,
Purifie-nous, pauvres pécheurs.
Donne-nous, ô Ressuscité,
La pleine vie d’éternité.

Délivrés des actes charnels,
Nous chantons, Esprit éternel,
Ta gloire, par nos doux refrains,
Maintenant et toujours, sans fin.

Exauce-nous, Papa chéri,
Et toi, son égal, Jésus-Christ,
Et toi, Esprit de vérité:
Un pour toute l’éternité. Amen.

Cette doxologie, commune à plusieurs hymnes, a été traduite autrement par Georges Pfalzgraf:

Exauce-nous, Père éternel,
Par Christ, qui vit et règne au ciel,
Avec toi et le Saint-Esprit:
Dieu pour les siècles infinis. Amen.

Une remarque importante. Tout d’abord, la doxologie vient à la base d’une autre hymne (ça vient des hymnes de saint Ambroise). Certaines strophes s’adressent au Fils; d’autres s’adressent au Père. J’ai profité de l’ambiguïté de la strophe 8, pour la dédier à l’Esprit Saint, même si le texte d’origine ne mentionne pas la troisième personne de la Trinité.