Plaintes auprès de la Commission permanente de contrôle linguistique.

Plainte_MinSante_2020-05-24

Plainte_TEC_2020-05-24

“Ézéchias envoya en tout Israël et en Juda, et il écrivit des lettres à Ephraïm et à Manassé, pour qu’ils vinssent au temple du Seigneur à Jérusalem, faire la Pâque du Seigneur Dieu d’Israël […], résolurent de faire la Pâque le second mois. […] Une grande multitude se réunit donc à Jérusalem pour faire la fête des azymes le second mois.” (2 Chroniques 30)

Nous avons ici un cas où, chez les Hébreux, la Pâque a été ajournée d’un mois. En effet, la date normale de la Pâque hébraïque est le 14ème jour du premier mois, ce qui correspond à la pleine lune de l’équinoxe de printemps. La base de la fête pascale hébraïque a été le début du printemps; l’exode d’Égypte s’est greffé sur cela, puis notre Pâque chrétienne s’est greffée sur les éléments hébraïques qui l’ont précédée. Néanmoins, dans Nombres 9:9-11, nous avons deux circonstances spéciales où la Pâque peut être ajournée d’un mois: l’impureté rituelle, ou sinon le fait d’être en voyage au temps de la date correcte. Et nous voyons une circonstance spéciale dans le livre des Chroniques, que j’ai cité plus haut, pour deux raisons: le sacrificateurs n’avaient pas eu assez de temps pour “se sanctifier” à temps pour la date correcte; beaucoup de gens étaient encore en voyage, avec une haute probabilité qu’ils n’arrivent pas à temps à Jérusalem pour la date correcte. Certes, si l’on ajourne la Pâque d’un mois, ce n’est plus le début du printemps. Oui, mais il paraît, selon l’Ancien Testament, qu’il vaut mieux la célébrer correctement en retard, que de la bâcler à la date correcte.

Mais vous allez me dire que toutes ces choses ne s’appliquent qu’à l’Ancien Testament, et que nous autres, chrétiens, nous devons quand même observer la date correcte, quelles que soient les circonstances.

Toutefois, comme je l’ai montré par la passé, en 2019, nous avons fêté la Pâque presque un mois après la date correcte d’un point de vue astronomique. La plupart du temps, notre calendrier grégorien calcule la date de la Pâque correctement, mais de temps en temps, comme l’année passée, nous avons eu, en Occident même, une Pâque à une date conventionnelle (21 avril), alors que le premier dimanche après la pleine lune de l’équinoxe de printemps était le 24 mars! (Plus d’infos ici. C’est aussi pourquoi je suis un adepte fervent de la date de la Pâque astronomique, plutôt que conventionnelle. La Communion Anglicane a ratifier cela en théorie, mais n’a rien fait dans la pratique.)

Donc, si l’année passée, nous avons fêté la Pâque un mois après la date correcte, pour une raison de routine, pourquoi ne pas fêter en 2020 la Pâque avec un mois de retard, pour raison de Coronavirus?

Dans la pratique, voilà ce qui va se passer. Le monde sera encore en confinement dans une semaine. Il y aura, au mieux, des Messes diffusées par vidéoconférence. Mais la plupart des chrétiens n’auront même pas la possibilité de communier, réellement et matériellement, au corps et au sang du Christ.

Postposer la Pâque jusqu’au dimanche 10 mai aurait été la chose la plus raisonnable à faire, d’après moi. Bien sûr, la Pentecôte aurait été ajournée d’un mois, et ainsi de suite. Au besoin, si le confinement devait être prolonger encore davantage, ce n’est pas grave; nous aurions eu la possibilité de postposer la Pâque encore et encore. En réalité, entre la Pentecôte et l’Avent, il y a une vingtaine de semaines “libres”. Même si nous n’avions plus que dix voire cinq semaines entre la Pentecôte et l’Avent, cela n’aurait rien changé en fin de compte. Mieux aurait valu, d’après mois, une Pâque presque parfaite à une date erronée qu’une Pâque bâclée par le Coronavirus à une date correcte.

“And Hezekiah sent to all Israel and Judah, and wrote letters also to Ephraim and Manasseh, that they should come to the house of the LORD at Jerusalem, to keep the passover unto the LORD God of Israel […],  to keep the passover in the second month. […] And there assembled at Jerusalem much people to keep the feast of unleavened bread in the second month.” (2 Chronicles 30).

Here we have a case in which the Hebrews’ Passover was postponed one month later. In fact, the normal date of the Hebrews’ Passover is the 14th day of the first month, which is the full moon after the vernal equinox. This festival was at first a celebration of the spring season and of the new year; the Exodus event was grafted on the more ancient festival, and the Christian Passover (Easter) was grafted on the Hebrew one. However, in Numbers 9:9-11, we have two special circumstances of the Passover being transferred one month later: either the ritual impurity, or travelling on the correct date. The case we have seen in Chronicles is a special circumstance, because the priests had not had enough time to get “sanctified”, while, on the other hand, some people were still on the way, unable to reach Jerusalem on time.  Of course, if one postpones Easter for one month, it’s not the beginning of the spring any more. Yes, but it seems that, in the Old Testament, it is better to celebrate the Passover properly at a later date than to celebrate it unfittingly on the proper date.

But you could tell me that those special circumstances only apply to the Old Testament, and that we, Christians, should always observe Easter on the right date, whichever be the circumstances.

The truth is, as I was saying in the past, that in 2019 we celebrated the Easter almost one month after its astronomical date. Most of the time, the Gregorian calendar that we use agrees with astronomy in the calculation of the Easter date, but sometimes – like the last year – we celebrated the Easter at a conventional date, 21st April, while the first Sunday after the full moon of the vernal equinox was the 24th March! (Details here. This is why I support the astronomic way of calculating the Easter date, rather than the conventional one. The Anglican Communion has ratified it in theory, but never put it into practice.)

Therefore, if the last year have we celebrated the Easter one month after its right date, for a reason of habit, why not celebrate it in 2020 one month after its right date, for a Coronavirus reason?

In practice, this is what is going to happen. Next week, we shall still be in lockdown. There will be streamed Masses at best. Most of the Christians will not even have the possibility to partake, really and physically, the body and blood of Christ.

The best thing to do, from my point of view, would have been to postpone Easter to Sunday the 10th of May. Of course, Whitsunday would also be postponed etc. If the lockdown were to be stretched any longer, we would be able to postpone our Easter further and further. Any way, between Pentecost and Advent, there are about twenty “ordinary” weeks. The worst thing we could get is only ten or only five “ordinary” Sundays, which seems totally acceptable to me. I believe it would have been better for us to have an almost perfect Easter on a wrong date, than an imperfect Easter at the right date.

Hymne de la Transylvanie en anglais.

Transylvania, land of blessing,
Full of strength and crafts so fine,
Many fields of crops possessing,
The Carpathians are thy dressing,
Rich in gold and sweetest wine.

2. Transylvania, sea-bed ancient,
Waves since long withdrawn to rest,
Now a tide of corn abundant,
With the shores of wood resplendant,
Dwelling on heaven’s gracious breast.

3. Transylvania, land of broken
Ruins from glorious times of old,
In thy floors, we find their token,
For the past through them has spoken:
In thy stones, the history’s told.

4. Transylvania, greenest cradle,
With fine weather for thy lands:
Thine ethnicities are noble;
Round thine altar so maternal,
Gather thy most happy bands!

5. Transylvania, church of greenery,
Choir of hills for godly laud,
Where thy tongues, which are aplenty,
Sing thy prayers and anthems gently
To the one eternal God.

6. Transylvania, land of tolerance,
Wherefor every faith would reach:
May God give thee long existence,
As a shelter of resistance
And a home for freest speech!

7. Transylvania, our home sweetest,
Thou, our dearest fatherland,
Be thou hailed by thy fair forest,
By thy children whom thou broughtest:
May they shine in oneness’ band!

Pour l’éventualité de l’utilisation de ce chant à l’église (à l’instar des hymnes nationaux de la Hongrie, de l’Islande, de la Suisse etc.), j’ai également ajouté une doxologie. For liturgical use as a church hymn, I have added an extra stanza, as a doxology:

Transylvania, praise the Father,
And the Holy Ghost adore!
Laud thou Jesus Christ, our brother!
Glorify one God in wonder,
Now and always, evermore!

Merci à Stephen Lovatt pour les quelques corrections mineures, et pour m’avoir aidé à remanier la 4ème strophe!

Hymne de la Transylvanie en latin.

Voici une version provisoire de ma traduction de l’hymne de la Transylvanie depuis l’original germanophone vers le latin. Si vous avez des suggestions d’amélioration, merci de les mettre dans les commentaires, ou bien de me les envoyer par courriel.

Transsylvania benedicta,
Terra artis antiquæ,
A Carpathis cingulata,
Viridariis es sata,
Plena auro vinoque.

2. Transsylvania, unda maris,
Aquæ eras maiestas ;
Nunc es unda cerealis ;
Ripa bosci circumdaris ;
Pectore in cæli stas.

3. Transsylvania ruinarum,
Monstras vecla tempora.
Hoc vestigium præclarum
Nostra petræque viarum
Iacent nunc per campora.

4. Transsylvania, genus bonum
Gentis nostræ variæ,
Climas ferens regionum
Cum corona nationum
Ad altarem patriæ.

5. Transsylvania, virdis templum,
Choro cum in montibus,
Unde cantica ad cælum
Rogant unum Deum verum
Tot idiomatibus !

6. Transsylvania, terra pacis
Pro fidebus omnibus :
Omnes hospites tu facis !
Esto scutum libertatis !
Sermo sit egregius !

7. Transsylvania, o suave
Domus, nostra patria !
Pulchritas, lætare, salve !
Filii te clamant : ave !
Iuncti in concordia.

Pour l’éventualité de l’utilisation de ce chant à l’église (à l’instar des hymnes nationaux de la Hongrie, de l’Islande, anciennement de la Suisse etc.), j’ai également ajouté une doxologie:

8. Transsylvania, ad honorem
Dei nostri cantula !
Lauda Spiritum et Patrem,
Iesum Christum, nostrum fratrem,
In sæclorum sæcula.

Merci à Dan Ungureanu pour la relecture et les quelques suggestions!

Hymne de la Transylvanie en roumain transylvanien.

Alduit Ardeal în floare,1
De sămănături2 eşti plin,
Fain, vigan şi cu răzoare ;
Munţii verzi ţi-s cingătoare,
Grei de aur şi de vin.

2. Mă Ardeal, eşti fund de mare,
De pe vremuri, săc3 amu4 ;
Mare5-i grâul ce răsare ;
Malul ţi-i pădurea tare ;
Sânul cerului sugi tu.6

3. Mă Ardeal, eşti ţară veche7,
Cu căştei8 de veci de ai9 ;
Pietrele-o10 făcut părete,
Da’ amu stau bot, în cete,
Pe pământul ce ni-l dai.

4. Mă Ardeal, eşti leagăn june
A’ poporului tărcat ;
Frig şi cald dai în cătune,
Un ciocor de neamuri bune :
Din bătrâni te-am căpătat.

5. Mă Ardeal, băsericuţă
Cu scoruş în deal11 şi-n tău12
Unde-atâtea limbi se cruţă
Când grăim noi rugi făinuţă13
Cătră unul Dumnezău.

6. Mă Ardeal, scăpare bună
La orice credinţă-n sat,
Noa14, fii slobodşag, cunună,
Scut la ceia ce s’adună
Şi la lume-o cuvântat.

7. Mă Ardeal, căsucă sfântă,
Ţara de la buni şi moşi,
« Bucură-te ! »15 pruncii-ţi cântă,
Şi tăţi bine te cuvântă :
În unire, săm16 frumoşi.

Pour l’éventualité de l’utilisation de ce chant à l’église (à l’instar des hymnes nationaux de la Hongrie, de l’Islande, anciennement de la Suisse etc.), j’ai également ajouté une doxologie. Pentru cântatul în biserici, am adaus un doxasticon.

8. Mă Ardeal17, dă mulţămire
Tatălui ceresc, de zor ;
Domnului Iisus slujire,
Sufletului18 sfânt mărire,
În tăţi vecii vecilor.

Si vous avez des suggestions d’amélioration, vous pouvez me les envoyer par courriel ou dans un commentaire. Dăcă vă vin gânduri, cum şi să poată tomni una şi alta, scrieţi-mi.

1Ou: Codrule? C’était le nom les plus ancien de la Transylvanie en roumain. Il signifie: forêt, cf. breton koad, gallois coed, gaélique écossais coille (>°coidle). Le mot celtique a produit la forme latine codra (neutre pluriel), attestée, avec ce même sens.

2= semănături

3= sec

4= acum

5Jeu de mots: mare = mer (lat. mare), et mare = grand (celt. mor, meur; lombard mara).

6Ou : ţâţa cerului.

7En Transylvanie, autant veche que cete, ainsi que părete, riment, car ils se prononcent avec le son /c/ (comme en français tiens).

8= casteluri

9= ani

10= au. Au fait, ău, la diphtongue devenant une voyelle, à l’instar du français au.

11Au début, j’avais en tête d’utiliser le mot ciuc, pour faire un jeu de mots (« rocher, cime » et « Csík »).

12=lacEst-ce qu’il ne faudrait pas dire plutôt : pă tău ? L’original allemand parle seulement de la chorale, mais cela tombe bien, étant donné qu’en Transylvanie, la chorale, le scoruş (lat. schola avec suffixe de diminutif) se trouve au balcon, ce qui donne une métaphore riche: les montagnes comme une chorale au balcon de l’église.

13= făinuţe. Le vers pourrait être changé en : Zicem rugăciuni făinuţă.

14Le na hongrois abonde dans toutes les langues du “Sprachbund” du nord des Carpates. Une hymne de la Transylvanie, sans ce na (roum. noa) serait comme une soupe sans sel.

15Gegrüsset seist du, Maria se dit bucură-te, et en aucun cas slavă ţie ! Il faut veiller à ne pas confondre vénération et adoration. La première est due aux saints, à la patrie etc., tandis que la seconde seulement à Dieu.

16= suntem. La forme săm, encore présente en Marmatie, montre l’affinité du roumain avec le français.

17L’hymne de la Transylvanie, dans son original germanophone, est déjà monothéiste.

18J’ai évité autant Duh que Spirit, qui ne sont pas des mots vraiment roumains. Le mot roumain suflet (lat. tard. suffletum, sufflitum) traduit le latin classique spiritus.

Hymne de la Transylvanie en français.

Voici une traduction-adaptation de l’hymne de la Transylvanie Siebenbürgen Land des Segens, mieux connu comme Siebenbürgen süsse Heimat (mélodie ici), traduction que je viens de faire en français. Non, les Transylvaniens ne parlent pas français dans la vie de tous les jours. Cependant, comme la Roumanie fait partie de la francophonie, je me suis dit qu’une version en langue française serait utile.

Terre forte, riche et sainte,
Ô notre Transylvanie;
Des sillons verts tu es peinte;
Les Carpates, ton enceinte,
Sont pleins d’or et vin béni.

Terre, fond de mer ancienne,
Ô notre Transylvanie;
Ce jour tu es mer de graines;
Les bois sont tes rives pleines;
Près du sein du ciel tu vis.

Terre et ruines qui s’entassent,
Ô notre Transylvanie,
Vois, tes millénaires traces
Gisent en beaucoup de places,
Soit visibles, soit enfouies.

Terre et vert berceau, tu donnes,
Ô notre Transylvanie,
Des climats selon les zones,
Des ethnies variées, couronnes
Sur l’autel de la patrie.

Terre et verte cathédrale,
Ô notre Transylvanie,
Dont les monts sont la chorale,
Et moult langues nationales
Prient l’unique Dieu de vie!

Terre de la tolérance,
Ô notre Transylvanie,
Havre de toute croyance,
Liberté de ceux qui pensent:
La parole y trouve abri!

Terre du foyer modèle,
Ô notre Transylvanie,
Réjouis-toi, car tu es belle;
Tes enfants te sont fidèles,
Différents, mais très unis.

Pour l’éventualité de l’utilisation de ce chant à l’église (à l’instar des hymnes nationaux de la Hongrie, de l’Islande, anciennement de la Suisse etc.), j’ai également ajouté une doxologie:

Terre, loue Dieu, notre Père
Ô notre Transylvanie;
Loue Jésus, Dieu, notre frère;
Loue l’Esprit, Dieu débonnaire,
Dans les siècles infinis! Amen.

Songs of Thankfulness and Praise.

En cette fin du temps de l’Épiphanie, voici ma traduction-adaptation du chant Songs of Thankfulness and Praise:

Nous te magnifions, Jésus,
Toi qui nous es apparu ;
L’astre t’a manifesté,
Et les Mages sont restés ;
Germe de David entré
Dans le monde, à tous montré,
Sois loué par des chants clairs,
Dieu manifesté en chair.

Au Jourdain tu te montras
Prophète et pontife et roi,
Et aux noces de Cana,
Ta divinité se voit ;
Tu montras ton bras divin,
En changeant l’eau en bon vin ;
Sois loué par des chants clairs,
Dieu manifesté en chair.

Christ, tu t’es montré encor’,
Guérissant âmes et corps,
Et manifesté, chassant
Les démons, ô Tout-Puissant ;
Tu es apparu enfin
En changeant le mal en bien ;
Sois loué par des chants clairs,
Dieu manifesté en chair.

Le soleil s’obscurcira ;
Ciel, lune, astres : plus d’éclat !
Christ, brillant tu reviendras ;
Tous verront en haut ta croix ;
La trompette sonnera ;
Tu viendras en juge et roi ;
Tous te confesseront clair :
Dieu manifesté en chair.

Tu te fais connaître ici
Dans la Bible et dans l’hostie ;
Fais-nous suivre sur tes pas ;
Rends-nous purs, Dieu, comme toi ;
Donne dans ta parousie
La joie de l’Épiphanie ;
Que nous t’accueillions dans l’air,
Dieu manifesté en chair.

Transylvanisme II.

Image sur wikimedia.

Image sur wikimedia.

Le Transylvanisme est un concept qui affirme que la Transylvanie a une identité spécifique, communiquée à ses ressortissants et à ses habitants, quelles que soient leurs origines ethniques et leurs langues.

En gros, un Transylvanien qui parle roumain aura toujours plus d’affinités avec ses voisins qui parlent hongrois, allemand ou ruthène, qu’avec le Bucarestois qui parle (plus ou moins) la même langue que lui. Un Transylvanien magyarophone aura toujours plus d’affinités avec ses voisins roumanophones ou germanophones qu’avec un Pestois. Et ainsi de suite.

Ma question: y a-t-il une ethnie transylvanienne en tant que telle? En général, les Transylvanistes disent que le Transylvanisme est supra-ethnique, voire multi-ethnique. À première vue, cela semble évident. Tel Transylvanien est de langue roumaine, rite byzantin, et tout le folklore qui en découle; tel autre Transylvanien parle hongrois, et est de confession calviniste, et a un autre folklore; tel autre parle allemand, utilise le rite latin, et un folklore tout autre. Or les barrières ne sont pas si rigides que ça. Par exemple, les autochtones de Gherla sont de rite et folklore arméniens, mais ils parlent hongrois. Confessionnellement, les Sicules, majoritairement unitariens parlant un dialecte hongrois, sont énormément plus proches des « témoins de Jéhovah » de langue roumaine, que des autres magyarophones, trinitaires. Les catholiques de la communion du pape de Rome sont confessionnellement plus proches entre eux, quels que soient les rites et les langues qu’ils pratiquent, que des gens d’autres confessions. Et que dire des athées polyglottes, qui écoutent du métal, et qui ne s’identifient à aucun folklore traditionnel? Par quoi doit-on définir les ethnies transylvaniennes?

En dernier recours, on pourra dire: par la génétique. Mais même, chez les magyarophones, le maximum de haplogroupe patrilinéaire N, propre aux finno-ougriens, n’excède pas les 4%. Et puis, les magyarophones ont du sang italien aussi, alors que les roumanophones peuvent également avoir 1,1% de sang finno-ougrien (comme votre serviteur). Donc qu’est-ce qu’il y a d’autre?

Il ne reste, comme différence, à mon avis, que la langue d’enseignement dans les écoles.

Puis il y a la politique, la couche culturelle du 20e siècle, produite par les régimes de Bucarest, et qui a semé la zizanie entre les Transylvaniens de langues et confessions différentes.

Origine des Roumains.

L’empereur romain Trajan a conquis la Dacie (le territoire actuel de la Roumanie) en 100-102 et 104-105. Des Romains se sont installés en Dacie. Puis en 271-275, l’empereur Aurélien a retiré les troupes romaines au sud du Danube, en abandonnant la colonie romaine, et en la laissant en proie aux invasions barbares. Les Hongrois sont arrivés dans les Carpates au 10e siècle. Les Roumains sont attestés dans les documents à partir du 13e siècle. En bref, ceci est un fait historique accepté par toutes les parties. À partir de cela, trois théories ont vu le jour.

A. La théorie de l’École transylvanienne était la suivante. Lors de la conquête de la Dacie, la très grande majorité des Daces sont morts dans la guerre. L’affirmation de Dion Cassius, « tous les Daces ont péri », doit être prise au sens littéral. Les Romains ont dû repeupler le pays avec des colons. Après 275, seules les troupes ont quitté la Dacie (Roumanie); les autres gens avaient une famille, une vie etc.; ils n’avaient pas de raison de quitter. Le fait qu’ils n’aient pas été attestés pendant près d’un millénaire ne signifie nullement qu’ils étaient absents.
Mon commentaire. Comment se fait-il que les Roumains ont résisté devant autant d’envahisseurs barbares? Si les envahisseurs se déracinaient les uns les autres, comment les Roumains sont-ils restés immuables?

B. La théorie (isolée à la base, puis reprise) du régime de Ceauşescu. Lors de la conquête de la Dacie par les Romains, seuls les hommes sont morts à la guerre, et d’ailleurs pas tous. Les soldats romains ont épousé les veuves daces, et leur ont imposé la langue. D’ailleurs, il reste en roumain une centaine de mots de substrat dacique.
Note: une variante nationaliste plus récente suppose que très peu de Daces sont morts à la guerre, et que la majorité de la population dace serait restée immuable.
Mon commentaire. Comme Mr Dan Ungureanu l’a démontré, la plupart des mots prétendument daces sont alpins, romains, occitans. Moi-même, j’ai découvert que certains de ces mots-là, comme beaucoup d’autres, appartiennent au substrat celtique, alors que certains autres mots prétendument daces sont d’adstrat, et très tardifs par leur forme (inadaptation aux règles de la phonétique roumaine). Donc rien de dace. J’ai montré cela dans mon livre. Il y a eu deux guerres daces. Entre la fin de la première et le debut de la seconde, Trajan a fait bâtir par Appolodore de Damas le premier pont sur le Danube. Pendant tout ce temps, les Daces ont eu le temps de mobiliser toutes leurs forces de guerre, et ils en avaient besoin, devant la supériorité numérique des Romains. Donc il n’y a eu aucune continuité dace. De surcroît, les Carpates étaient une frontière naturelle. Même aujourd’hui, génétiquement et linguistiquement, les Transylvaniens sont différents des gens du sud des Carpates. Donc pas de Daces au nord des Carpates! Dernière remarque: la théorie en question n’est pas politiquement neutre: elle vise à légitimer l’annexation de la Transylvanie par Bucarest, et à stigmatiser les magyarophones, qui, même après un millénaire de continuité en Transylvanie, sont considérés citoyens de second rang, voire des « étrangers ».

C. La théorie initiée par Robert Rösler. Quand les Romains se sont retirés en 275, toute la population latine a déménagé au sud du Danube, par peur des envahisseurs barbares. Lorsque les Hongrois sont arrives en Transylvanie au 10e siècle, il n’y avait que quelques Slaves là. Les Roumains sont des Latins du sud du Danube, qui sont passés au nord du Danube le 13e siècle. Une comparaison entre le roumaire (parlé en Histrie) et le roumain démontre que le second dérive du premier, et non l’inverse. Les Roumains, minoritaires en Transylvanie, se multipliaient de façon exponentielle, jusqu’à dépasser en nombre les Hongrois autochtones. Des mots communs entre les langues albanaise et roumaine démontrent que les locuteurs de ces deux langues ont cohabité sur le même territoire.
Mon commentaire. Cette théorie n’est que politique, pour affirmer le mythe du territoire vide. Elle est un véritable dogme des régimes hongrois, passés et présents. Rösler et ses successeurs n’ont strictement aucune preuve historique pour démontrer l’immigration des Roumains depuis le sud du Danube vers le nord, et de là jusques en deçà des Carpates. Quant au roumaire, il est très proche du roumain transylvanien, alors que le roumain de Bucarest n’est qu’une version très corrompue de la langue pure qui était (est) parlée en Transylvanie. Une remarque de Mr Dan Ungureanu: après l’établissement des Hongrois en Transylvanie, tous les colons ultérieurs ont pu s’y établir sur base de chartes précises; or il n’y en a pas pour les Roumains; si les Roumains avaient émigré en Transylvanie, ils auraient été accueillis les bras ouverts et avec des devoirs et droits, à l’instar des germaniques, Slovaques etc. Autre remarque de Mr Dan Ungureanu: deux mots roumains, zîmbru et bucium n’auraient pas pu perdurer s’il n’y avait pas eu de continuité dans les Carpates. Moi-même, j’ai une autre remarque: la Bible gothique d’Ulfilas contient beaucoup d’emprunts au roumain; s’il n’y avait pas eu de continuité roumaine dans les Carpates, ces mots-là n’auraient pas été dans le gothique.

D. L’origine alpine. Cette théorie a été lancée par M. le professeur Dan Ungureanu, et elle réconcilie, à mon avis, les théories A et C, tout en réfutant la B. Dans son livre « Româna şi dialectele italiene« , M. le professeur démontre que la langue roumaine s’est formée, non pas sur le territoire de la Roumanie, mais dans les Alpes. Les langues et dialectes des Alpes – le roumanche, le ladin, le frioulan, le vénète, l’occitan etc. – contiennent essentiellement tous les éléments qui résultent de l’évolution linguistique depuis le latin, ainsi qu’un bon bagage de mots de substrats celtiques et italiens. La grande majorité des mots soi-disant « daces » présents dans la langue roumaine se trouvent soit dans les Alpes, soit ailleurs en Italie. Je suis allé encore plus loin, en proposant des étymologies celtiques et alpines pré-celtiques pour toute une série d’autres mots roumains, abstraits, concrets et surtout intimes. En roumain, les mots relatifs à la pastorale et aux conifères sont alpins aussi. En faisant des calculs mathématiques sur la démographie, M. le professeur est arrivé à la conclusion que les Roumains arrivés des Alpes dans les Carpates n’étaient que 30 mille âmes (ailleurs il estime cela à 10-100 mille). Personnellement, je dirais même moins.

Les Alpins étaient des bergers. Dans les Carpates, ils ont continué leur mode de vie. Lors du retrait d’Aurélien, effectivement, les peuples migrateurs ont envahi les plaines au pied des Carpates. Mais ces peuples-là, à part les Goths, ne sont pas entrés en contact avec les Roumains. Les altitudes n’étaient pas convoitées par les barbares. Ce n’est qu’après de longs siècles de vie alpine que les Roumains sont descendus des montagnes, et ont assimilé linguistiquement toutes sortes de peuplades.

En regardant la distribution d’haplogroupes patrilinéaires, on voit que les Transylvaniens roumanophones sont majoritairement R1b, comme les Italiens et les Français. Ce sont des Celtes. Les Moldaves sont des proto-Européens slavisés, puis roumanisés. Les Wallaques d’aujourd’hui sont, sans doute, des Balkaniques roumanisés. Historiquement, la Moldavie (résultant en deux Moldavies aujourd’hui, dont un pays indépendant en une région de la Roumanie) a été fondée par des Transylvaniens sujets de la couronne hongroise. Pour ce qui est des Wallaques, qui n’ont pas eu de contact direct avec les magyarophones, ils utilisent néanmoins beaucoup de mots d’origine hongroise. Le patois de Bucarest, pétri d’hypercorrections et de barbarismes, dépalatalisé parfois de travers, n’est qu’une forme très corrompue de la langue roumaine authentique, une sorte de créole.

Une autre chose que j’ai découverte grâce à mes recherches étymologiques, c’est que les Alpins déménageant dans les Carpates étaient chrétiens à leur arrivée. Plus précisément, des chrétiens d’un rite gaulois, occidental. Ils ont été byzantinisés vers 990, mais toute une paraliturgie occidentale s’est préservée jusqu’à nos jours.

Lorsque les Hongrois sont arrivés dans le bassin carpatique, ils n’ont pas trouvé de Roumains tout de suite. C’est parce que ces derniers étaient dans les montagnes, mais totalement absents dans les plaines.

La plupart des hydronymes en Roumanie ont une origine non-roumaine. La plupart des grandes villes et même des villages ont des noms hongrois. Pour les villes qui gardent quand même on nom d’origine latine, il n’y a toutefois pas de continuité. Par exemple, Cluj vient d’un type *Claus-, mais le l aurait dû être amuï, donc le résultat aurait été Chiuj ou Chij, sans compter que le nom romain Napoca ne s’est pas transmis. Le romain Apulum ne s’est pas transmis, mais un autre nom latin, Alba, s’est formé à la place. Le nom de la capitale de la République de Moldavie, Chisinau, est hongrois, Kis-Jenö, « Petit-Eugène ».

Donc les Roumains, à l’instar des Hongrois, sont non pas des « autochtones », mais des gens venus d’ailleurs.

Transylvanisme (I).

Je commence une série d’articles à propos du transylvanisme.

J’entends souvent des catégorisations du genre: « Les Roumains sont comme ci, comme ça… » Pour l’œil occidental, l’idée de « Roumain » est liée soit à l’appartenance étatique de la localité où quelqu’un est né, soit à sa carte d’identité. Si vous voulez une comparison, c’est comme si on mettait un Corse, un Breton, un Mahorais et un Réunionnais dans le même paquet, la même culture, le même mode de vie, la même langue usuelle, et la même composition génétique. Eh bien, pour la république qui s’appelle Roumanie, c’est exactement la même chose.

La Transylvanie est une région dans le nord-ouest de la Roumanie, annexée par cette dernière en 1918, alors qu’elle a toujours été différente en tous points.

Sur le concept de transylvanisme et son histoire, ce sera pour une autre fois. Cette fois-ci, juste quelques données sur la génétique.

Un article écrit par des généticiens nous dit quelque chose d’important. Ils ont travaillé que sur des roumanophones de toutes les provinces historiques de la Roumanie, et sont arrivés aux résultats suivants: sur les lignées maternelles (ADNmt), les Transylvaniens sont apparentés à l’Europe Centrale. Les Carpates constituent une frontière génétique. Les Wallaques (sud de la Roumanie, Bucarest…) sont génétiquement différents, en tout cas au niveau matrilinéaire; ils sont apparentés aux peuples des Balkans.

Voyons maintenant au niveau patrilinéaire. J’ai enlevé les appellations disputées de cette carte (domaine public) de Robert Gabel et al., en gardant scrupuleusement les dénominations acceptées, et les couleurs correspondantes, et en omettant les régions non-pertinentes:

Haplogroups_europe

Comme vous pouvez le constater, la Transylvanie se trouve, pour la plus grade partie, dans les R1b. Pourquoi? Parce que c’est en Transylvanie que sont arrivés les Roumains des Alpes. Plus tard, ces bergers des montagnes sont descendus, et ont assimilé linguistiquement les gens du sud et de l’est.

Si les Roumains étaient arrivés en Roumanie depuis le sud du Danube, comme l’affirment une partie des gens intéressés politiquement, la Roumanie serait – en tout cas, chez les roumanophones – homogène. Le R1b en Transylvanie ne peut pas être expliqué par les colons mosellans, parce que ceux-ci se sont trop peu mélangés aux roumanophones, en tout cas, suffisamment peu pour que leur ligne patrilinéaire devienne majoritaire. En réalité, comme je l’ai dit, ce sont les Alpins.