O nata lux de lumine.

Clarté née de clarté, Jésus,
Toi, de ce monde Rédempteur,
Que nos louanges, vœux des cœurs
Et oraisons soient bien reçus.

Pour racheter tous les perdus,
Tu apparus en corps de chair:
Fais donc de nous tes membres chers,
Dans ton saint corps mystique inclus.

Gloire à toi, Christ manifesté
Sur terre, de puissance ceint,
Avec le Père et l’Esprit Saint :
L’unique Dieu d’éternité. Amen.

Adeste fideles en français.

Au fur des années, j’ai trouvé des traductions-adaptations du noël Adeste fideles vers le français, mais aucune ne me semblait satisfaisante. J’ai eu en 2013 un échange là-dessus avec le père Georges Pfalzgraf, et il n’avait pas l’air trop satisfait non plus.

Pour finir, je me suis enfin attelé à la tâche, et voici le résultat.

Vu qu’il y a cinq vers par couplet, j’ai fait rimer les vers deux par deux (I-II et IV-V), et les vers du milieu de chaque couplet riment entre eux.

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Nativité et baptême.

ecce_maria_genuitParmi les antiennes qui se chantent à la Circoncision (1er janvier), il y en a une en particulier, qui est un reliquat de la célébration des trois manifestations du Christ le même jour, à savoir la nativité, le baptême, les noces de Cana. Il s’agit de l’antienne Ecce Maria genuit nobis.

Néanmoins, il y a un autre élément. Lors des laudes de Noël, l’un des psaumes est le 92 (93), qui dit: «Les fleuves, ont élevé, Seigneur, les fleuves ont élevé leur voix. Les fleuves ont élevé leurs flots,  au bruit des grandes eaux.» Curieusement, ce psaume est encadré par l’antienne Quem vidistis, pastores? qui n’a rien en commun avec le psaume qu’elle encadre.

nativite_baptesme_petitDe même, aux secondes vêpres de Noël, on chante le psaume 113, qui dit: «La mer le vit, et s’enfuit; le Jourdain retourna en arrière. […] Qu’avais‑tu en toi, ô mer, pour fuir ainsi, et toi, Jourdain, pour retourner en arrière?»

Iconographie eucharistique.

Je vois souvent dans les églises l’image de la Cène de façon “michelangélique”, ou encore le souper d’Emmaüs, derrière l’autel.

Je trouve qu’à cet endroit, les deux représentations sont plutôt contre-productives. Entre autres, ce sont elles qui ont entretenu le mythe de la position du prêtre “versus spectatorem”.

Dans les Églises orientales, l’iconographie est celle de la “communion des apôtres”. Celle-ci représente, en effet, la façon dont la communion était distribuée dans les églises byzantines.

Personnellement, je pense que celle-ci pourrait être mise derrière l’autel, en bas du retable, comme un triptyque, coupée en deux, avec l’icône de Jésus-avec-la-vigne au milieu. Jésus-avec-la-vigne est l’icône la plus populaire en Transylvanie: le Christ est assis sur l’autel, à la place de l’hostie, avec un calice, dans lequel il presse du jus de raisin à partir d’une vigne qui pousse de son corps. Ça donnerait ceci:

eucharistie

Iconostase.

L’une des choses qui m’horrifie le plus dans la plupart des églises de rite byzantin, c’est l’iconostase. Il s’agit d’un “mur d’icônes” qui sépare le sanctuaire d’avec la nef. Dans la pratique, c’est l’un des moteurs de la désacralisation de la vie chrétienne dans les pays concernés: les fidèles sont tenus, à cause de l’iconostase, tellement à l’écart des sacrements, que la plupart d’entre eux ne savent même pas que lors la Messe il y a du pain et du vin qui sont consacrés. L’iconostase est la cause directe de la disparition de la conscience ecclésiale et eucharistique! Une petite visite dans les pays de l’Est et dans les Balkans vous donnera à voir des gens qui communient une seule fois par an, en carême, et cela même en dehors de la Messe.

Je trouve qu’en Occident, nous avons trois alternatives historiques, pratiques et pastorales à cela:

1. Le jubé. Loin de barrer la vue entre le chœur et les autres chrétiens, le jubé reste discret. À vrai dire, je suis opposé, pour des raisons théologiques, à la séparation entre le clergé et les autres baptisés, car le sanctuaire est formé par la nef et le chœur. D’ailleurs, lorsqu’il y a peu de monde, les fidèles se ressemblent dans les stalles qui se trouvent dans le chœur. Ce n’est pas la nef, mais bien le narthex, qui doit être séparé.

banc-com2. Le banc de communion. Là où il y a un jubé, le banc de communion se trouve entre l’autel et le jubé, ce qui démontre que le rôle du jubé n’est pas d’éloigner les fidèles. Là où il n’y a pas de jubé, le banc de communion tient la place de celui-là. Comme dans l’image ci-contre (cathédrale du Groenland), le banc de communion n’empêche nullement les fidèles de regarder l’autel; d’ailleurs, l’autel est plus élevé, comme son étymologie l’indique.

 

3. Le retable. Avant le début de la Messe, on ouvre le retable, qui est une sorte de triptyque d’icônes. Le panneau central repose sur l’autel, alors que les deux panneaux latéraux y sont réunis par des charnières. Ainsi, pendant la Messe, tout le peuple – clergé et laïcs – sont orientés à la fois vers l’autel et vers les icônes. Le retable nous fait entrer dans le mystère de Dieu et de l’eschaton, sans obstruer la vue.

Cependant, tout comme dans le rite byzantin, les portes “royales” de l’iconostase se ferment après la Messe, de même, là où il y a des retables traditionnels, on ferme les deux panneaux latéraux, qui couvrent le panneau central.

agneau_mystique_closed_bigCar ces panneaux latéraux ont également deux icônes sur le verso. Il s’agit de l’Annonciation.  Dans les églises byzantines aussi, c’est l’Annonciation qui est peinte sur les “portes royales”. Cela veut dire qu’en dehors de célébration eucharistique, nous voyons seulement la “couverture”, la scène de début, du livre de l’incarnation. Avec l’apparition de crucifix, bougeoirs géants et tabernacles immenses sur l’autel, on a du mal à fermer le retable après la Messe; du coup, malheureusement, dans la pratique, les retables restent ouverts tout le temps, et l’Annonciation n’est jamais visible.

Cela ne fait qu’amoindrir le caractère eschatologique de la Messe.

Les adeptes de l’iconostase disent que nous avons besoin d’icônes pour la célébration. Mais les icônes peuvent être sur le retable plutôt que sur le jubé.

Saison de la création?

J’entends des voix qui s’élèvent dans le christianisme occidental pour demander l’instauration d’une « saison de la création », sous prétexte que le patriarche œcuménique de Constantinople ait fait la même chose pour son Église. Qu’en est-il ?

Dans le rite byzantin, voilà comment se passent les choses. Suite à l’édit de Milan, qui a eu lieu le 1er septembre 313, le rite byzantin a rompu avec la coutume ancestrale du début de l’année liturgique au printemps, et a fixé celle-ci le 1er septembre. Comme conséquence, les quatre-temps d’automne ont été avancés, pour les célébrer du 1er au 14 août. Du coup, la période du nouvel-an liturgique byzantin est restée dédiées aux réjouissances. Par conséquent, l’idée a surgi dans le rite byzantin de faire du 1er septembre une journée d’intercession pour l’environnement.

Mais dans les rites occidentaux, une telle démarche serait totalement incohérente, pour plusieurs raisons.

1. Mettre dans le même sac la création et l’environnement est une aberration théologique. L’un n’est pas l’autre. Les chrétiens ne croient pas en la déesse Nature.

2. Il existe déjà en Occident une “saison de la création” : c’est le temps de la septuagésime. Autant dans les bréviaires romains anciens que dans le Book of Common Prayer de 1662, le dimanche de la Septuagésime on entame la lecture du livre de la Genèse. Plusieurs rites orientaux ont ça aussi, et le rite byzantin, avant de subir une monasticisation du carême, avait cela aussi. Donc, on n’a qu’à observer tant qu’on veut la saison de la septuagésime. Et le rite byzantin ferait bien de revenir à ses propres sources.

3. Il existe déjà dans l’Église quatre périodes, héritées de l’Ancien Testament, où, aux quatre saisons, les chrétiens rendent grâces à Dieu pour ses bienfaits souvent liés aux saisons : ce sont les quatre-temps de printemps, d’été, d’automne et d’hiver. Comme le premier et le dernier de la liste se superposent avec des saisons apparues plus tard (carême et avent), ce sont les quatre-temps d’été et d’automne qui sont les plus propices à rendre grâce à Dieu pour les moissons et les récoltes. Maintenant, au mois de septembre, si quelqu’un veut faire quelque chose pour l’environnement, qu’il observe scrupuleusement le jeûne et l’abstinence des quatre-temps d’automne, et la chose est réglée. Pour intercéder pour l’environnement, l’Église a déjà quelque chose depuis un millénaire et demi : la grande rogation du 25 avril et les trois petites rogations avant la fête de l’Ascension.

4. On ne peut pas avoir une “saison de l’environnement”, de la même façon que l’on ne peut pas avoir une fête du “sacré-cœur” de Jésus, ni de “fête de l’amour”. Les fêtes liturgiques sont toutes – et doivent être – des commémoraisons de quelque chose qui s’est passé dans le passé.

5. Il y a des choses sur lesquelles les chrétiens peuvent ou doivent être catéchisés, et certaines fêtes sont les occasions propices pour de telles catéchèses. Cependant, créer une fête voire une saison liturgique dans le but de catéchiser sur quelque chose, cela n’est absolument pas une pratique chrétienne. Les chrétiens viennent à l’église pour célébrer, non pas pour être endoctrinés sur un énième thème supplémentaire.

6. Une fête de l’environnement n’est qu’un prétexte pour se donner bonne conscience. Un peu comme quand quelqu’un met cinq euros dans une collecte de carême pour l’Afrique, pour ne plus rien faire d’autre le reste de l’année. J’ai déjà été présent à un week-end chrétien pour l’environnement, et à part les diaporamas et le blabla, ça n’avait rien à voir avec l’environnement : la nourriture servie était totalement anti-écologique, la gestion des déchets de l’événement aussi. Ce n’est pas une « saison de la création » qui va nous sauver du réchauffement climatique.

Une “saison de la création” dans le calendrier chrétien, c’est un doigt que l’on se fout dans l’œil. La toute première chose qu’un humain simple peut faire pour agir pour la préservation de l’environnement, c’est de devenir végétalien. Une “saison de la création” dans le calendrier chrétien, c’est de la grâce à bon marché. Pour citer Bonhœffer, «Dans cette Église le monde trouve, à bon marché, un voile pour couvrir ses péchés, péchés dont il ne se repent pas et dont, à plus forte raison, il ne désire pas se libérer. De ce fait, la grâce à bon marché est la négation de la Parole vivante de Dieu, la négation de l’incarnation de la Parole de Dieu. La grâce à bon marché, c’est la justification du péché et non point du pécheur. Puisque la grâce fait tout toute seule, tout n’a qu’à rester comme avant.»

O Nazarene. Christe servorum.

Il y a une petite anomalie liturgique dans les calendriers occidentaux traditionnels. Les quatre-temps d’automne ont lieu le mercredi, vendredi et samedi qui suivent la fête de l’Exaltation de la Sainte-Croix. Lorsque, par exemple, cette fête tombe un mardi, les trois jours de quatre-temps tombent dans l’octave de la fête (comme cela arrive avec les quatre-temps d’été qui tombent dans l’octave de la Pentecôte). Mais, lorsque, comme cette année-ci, la Sainte-Croix tombe un mercredi, alors les quatre-temps tombent une semaine plus tard, et n’ont donc pas de matériel liturgique propre (à moins que l’octave de saint Matthieu soit observée comme octave “majeure”).

En plus, dans certaines régions on observe le jeûne régional ou fédéral, qui, quoique calqué sur les quatre-temps, n’a pas de matériel liturgique propre.

Voilà pourquoi j’ai considéré approprié de traduire les deux hymnes de Fortunat, l’un pour les matines, l’autre pour la none d’un jour de jeûne.  Là où l’ont chante vêpres plutôt que none, cette dernière est idéale pour les secondes vêpres. À noter que ces deux hymnes existent dans le rite mozarabe, où elles sont chantées en carême.

O Nazarene

Ô Nazaréen, du Père es Verbe et radiance;
Bethléemien, de la femme es descendance;
Christ, sereinement agrée nos observances,
Ô roi, regarde le peuple qui s’avance
En fêtes, louanges, jeûnes, abstinences.

2. Donne-nous d’observer le jeûne, ce mystère,
Qu’il purifie nos cœurs de toute misère,
Qu’il chasse l’intempérance des viscères,
Que dans le corps le surplus non-nécessaire
N’étrangle la raison en la faisant taire.

3. Donc, guéris, Seigneur, le luxe et la gourmandise,
L’excès de sommeil et de boissons qui grisent;
Arrache tous les vices et les sottises,
Et que par ta discipline soient soumises
Langueurs et paroles que nos langues disent.

4. Tout en retranchant les boissons et nourriture,
Règle nos membres par l’abstinence pure;
Fais que les réjouissances qui ne perdurent
N’éteignent pas notre intelligence sûre,
Que l’âme ne dorme en un corps sans mesures.

5. Ô Dieu, mets un frein à tout ce qui est cupide,
Et que la prudence soit à nouveau splendide,
Et rends l’esprit perspicace et intrépide;
Ainsi, la prière sera plus limpide,
Ô créateur des esprits et corps solides.

18. Ô Maître, donne-nous d’atteindre cette cible
Que tu as proposée, Christ, à tes disciples,
Que nous jeûnions, à ton exemple crédible,
Et qu’en triomphant sur les passions multiples,
L’esprit, l’âme et le corps soient compatibles.

19. Oh, par le jeûne, Dieu du ciel et de la terre,
Chasse au loin les démons qui nous font la guerre,
Fais-nous entrer à ton autel de lumière,
Réveille les somnolents au cœur de pierre,
Redonne aux malades une santé claire.

21. Accorde-nous, Seigneur, un jeûne charitable,
Pour partager vêtements et mets de table
Et une oreille à ceux que la vie accable,
Afin d’établir ce qui est équitable
Parmi les gens que tu as créés semblables.

Gloire à toi, Dieu le Fils qui es d’avant les âges,
Qui, devenu humain, et plein de courage,
Jeûnas quarante jours sans mets, sans breuvage!
Esprit, Père et Fils, un Dieu en trois visages,
À toi, dans les siècles, gloire et tout hommage! Amen.

Christe servorum

Christ, roi et maître des gens, tes fidèles,
Qui nous mets un frein avec modération,
Tu nous as prescrit, selon ton modèle,
Les jeûne et ration.

2. Tu es l’exemple pour tous ceux qui jeûnent,
Toi qui as porté les fardeaux en ton corps,
Aujourd’hui t’ont suivi les vieux et jeunes,
Les faibles et forts.

3. Mais le soir tombe; le soleil se couche,
Et son bel éclat a presque disparu;
La nuit et le jour, l’un l’autre se touchent:
La clarté n’est plus.

9. Donc si une ouaille du troupeau s’affole,
Le pasteur, cherchant cette brebis perdue,
La trouve et la prend sur ses deux épaules
Avec des soins dus.

13. Ô mon bon pâtre, qui sauves pas grâce,
Nous ne pouvons rien, rien pour te rembourser:
Ni jeûnes, ni vœux, ni quoique l’on fasse
Comme œuvres poussées.

17. Tu acceptes le jeûne ou l’abstinence,
Pour notre grand bien, non pas pour la terreur,
Stricte ou relâché, en bonne conscience,
Pour guérir l’erreur.

20. Seigneur, s’il te plaît, que la nourriture
Qui sera mangée par nos corps las tantôt
Soit pour la santé et la belle allure
Des chrétiens dévôts. Amen.

Froment.

Récemment, j’ai eu une controverse à propos de la matière du pain eucharistique. La personne avec qui je discutais affirmait que Jésus eût utilisé du pain d’orge à la sainte Cène. L’argument principal était le suivant: Jésus a multiplié des pains d’orge (Jean 6); ça veut dire que les Juifs n’utilisaient pas de froment; en plus, «moi, j’ai été en Israël, et je n’ai pas vu de blé, mais seulement de l’orge.»

Lors de la sortie d’Égypte, «le lin et l’orge avaient été frappés, parce que l’orge était en épis, et que c’était la floraison du lin; le froment et l’épeautre n’avaient point été frappés, parce qu’ils sont tardifs» (Exode 9:31-32). Cela veut dire qu’il y a une grande probabilité que les Hébreux aient utilisé du pain de froment (blé). Dans l’AT hébreu, le froment, חטה, pluriel חטים, apparaît 30 fois, même si l’orge, שעורה, pluriel שעורים, le dépasse très légèrement avec 34 occurrences.

Mais quant à Jésus, à part pour la multiplication des pains, l’orge n’apparaît plus. Au contraire, c’est le blé (froment) qui est mentionné. Le Nouveau Testament contient le mot σῖτος 15 fois, quasi chaque fois en utilisant le blé comme figure de l’Église, des sauvés, du Royaume.

La toute dernière occurrence du blé dans le NT apparaît dans Apocalypse 6:6, pour nous dire que le froment est trois fois plus cher que l’orge. Donc la sainte Cène ayant été un repas de fête, on y a utilisé du pain de blé, et non d’orge.

Sur la toile, je salue un article écrit par un prêtre, à ce sujet.

Vigile de l’Ascension.

Depuis le XVe siècle, on a commencé à compiler une messe pour la vigile de l’Ascension. Plus exactement, cette compilation était pauvre, et correspondait à l’image qu’on se faisait à l’époque à propos des vigiles, image qui est très différente de ce qu’on avait fait le premier millénaire. La méthode du XVe siècle consistait à chercher une épître et un évangile qui parlent de l’Ascension du Christ, et à remplir tous les vides avec les propres du dimanche précédent.

Tout d’abord, le choix des lectures n’a pas été mauvais. Il fallait chercher un morceau, tiré des quatre évangiles, qui raconte l’ascension du Christ, et sans que ce fût le même morceau que le lendemain. Or là on avait un petit problème: seuls Marc et Luc racontent l’ascension telle quelle, et le passage de Marc était déjà réservé pour le lendemain. Mais on a dans l’évangile selon Jean tout un discours de Jésus, qui est placé dans sa bouche comme ayant été prononcé lors de la sainte Cène (alors que, historiquement, ça a pu être juste une rédaction de l’Église primitive, sur base d’un tas de discours de Jésus, surtout après sa résurrection). Les compilateurs du XVe siècle ont donc choisi ce morceau de Jean 17, où Jésus dit au Père: «Quant à moi, je vais vers toi.» Ce choix est excellent, car l’antienne du Magnificat des premières vêpres de l’Ascension, Pater manifestavi (voir plus bas), est tiré du même texte.

Quant à la première lecture, les messes des vigiles la tirent d’habitude de l’Ancien Testament. Les compilateurs du XVe siècle l’ont tirée de l’épître de Paul aux Éphésiens 4, texte qui parle explicitement de l’ascension de Jésus, et lui donne une interprétation.

Toutefois, combler les vides en répétant ce qui a été dit et chanté le dimanche précédent n’a aucun sens. Voilà pourquoi je pense qu’il faudrait continuer à compiler cette messe, en empruntant du matériel liturgique déjà existant. Personnellement, je pense que l’on pourrait prendre les prières (collecte, secrète, postcommunion) ainsi que la préface du lendemain.

Sinon, pour la collecte, on pourrait l’emprunter au mercredi des quatre-temps d’automne, en changeant «clémence» par «ascension»; cela donnerait un grand sens théologique de l’ascension: le Christ monte au ciel avec notre nature humaine et, ce faisant, nous en fait participants. Ainsi:
Misericordiæ tuæ remediis, quæsumus, Domine, fragilitas nostra subsistat: ut quæ sua conditione atteritur, tua ascensione reparetur, qui vivis et regnas…
Que je traduis ainsi:
Que notre fragilité, nous t’en prions, Seigneur, soit soutenue par les remèdes de ta miséricorde: afin que ce qui est usé par sa condition soit réparé par ton ascension, toi qui vis et règnes…
Autre traduction:
Que les remèdes de ta miséricorde, nous t’en prions, Seigneur, soutiennent notre nature fragile: afin que ce qui est usé par sa condition soit réparé par ton ascension, toi qui vis et règnes…

Pour les chants liturgiques, on pourrait prendre:

Introït: In excelso throno, avec le psaume 67 Exsurgat Deus.

Alléluia 1: A summo cælo.

Alléluia 2 (éventuellement): Vere tu es rex absconditus.

Offertoire: Tollite portas.

dont la dernière ligne pourrait être remplacée par l’alléluia:
alleluia

Communion: Pater manifestavi.

In medio ecclesiæ.

Dans cet article, je discuterais la relation de la Bible avec la liturgie, et les problèmes de cette relation, à travers un exemple concret.

L’introït de la messe de la fête d’un docteur est tiré du livre de l’Ecclésiastique (ou Josué petit-fils de Sira), chapitre 15. En latin, le texte de l’introït donne ceci:

In medio ecclesiæ aperiet os eius, et implevit eum Dominus spiritu sapientiæ et intellectus; stolam gloriæ induit eum.
Au milieu de l’église [ille] lui ouvrira la bouche, et le Seigneur le remplira de l’esprit de la sagesse et de l’intelligence; ille le revêtira de l’étole de gloire.

Ce texte est basé d’une variante de la version Itala. La Septante grecque (qui semble s’accorder avec l’original hébreu) donne le texte suivant:

Ἐν μέσῳ ἐκκλησίας ἀνοίξει τὸ στόμα αὐτοῦ· εὐφροσύνην καὶ στέφανον ἀγαλλιάματος εὑρήσει, καὶ ὄνομα αἰώνιον κατακληρονομήσει.
Au milieu de l’église, elle lui ouvrira la bouche; il trouvera la joie et la couronne d’allégresse, et il héritera un nom éternel.

Qu’y a-t-il à prendre, et qu’y a-t-il à laisser? Il y a trois possibilités alternatives:

A. Faire comme en latin: garder une leçon différente pour le chant liturgique, et une autre leçon pour le texte dans les bibles. Le seul avantage de cette méthode serait de faire accorder le français avec le latin. Le grand inconvénient serait que l’introït deviendrait introuvable dans les bibles en français. Dans un cas pareil, on s’éloignerait énormément de la nature même des introïts, qui doivent être des textes bibliques.

B. Avoir dans les bibles francophones la leçon de la bible latine Itala. L’avantage serait d’avoir une conformité entre la liturgie et les bibles. L’inconvénient est qu’à l’exclusion de la bible latine Itala, toutes les autres bibles – même la vulgate clémentine – traduisent comme la Septante.

C. Garder dans les bibles francophones la leçon de la Septante, et en même temps chanter cela même dans l’introït en français. Le seul inconvénient (qui en réalité n’en est pas un, comme je le montrerai plus loin) est d’y avoir une différence entre ce qu’on chante en latin et ce qu’on chante en français. Pour le reste, il y a seulement des avantages: on chanterait en français la même chose dans dans les bibles; on aurait la même leçon dans toutes les langues. Et cela pourrait même sauver une anomalie liturgique. En effet, le texte latin de la version Itala dit mentionne l’étole de gloire, en supposant que tous les saints docteurs (en les fêtes desquels on chante cet introït) seraient des membres du clergé: la plupart sont évêques, il y a aussi quelques prêtres, et même le diacre saint Éphrem. Donc, des gens qui portent l’étole. Sauf que le sentiment de l’Église assimile aux docteurs aussi quelques laïcs, comme sainte Thérèse, la moniale de Lisieux. Sans parler de l’Église primitive, où les docteurs – ceux qui catéchisaient les catéchumènes avant le baptême – étaient des laïcs. Donc, si on prend le texte de la Septante, en chantant l’introït, on n’a plus ce souci. Au contraire, chanter cet introït en la fête de Thérèse, la moniale de Lisieux, serait une porte-à-faux, car elle n’a jamais été membre du clergé.