Dans cet article, je discuterais la relation de la Bible avec la liturgie, et les problèmes de cette relation, à travers un exemple concret.

L’introït de la messe de la fête d’un docteur est tiré du livre de l’Ecclésiastique (ou Josué petit-fils de Sira), chapitre 15. En latin, le texte de l’introït donne ceci:

In medio ecclesiæ aperiet os eius, et implevit eum Dominus spiritu sapientiæ et intellectus; stolam gloriæ induit eum.
Au milieu de l’église [ille] lui ouvrira la bouche, et le Seigneur le remplira de l’esprit de la sagesse et de l’intelligence; ille le revêtira de l’étole de gloire.

Ce texte est basé d’une variante de la version Itala. La Septante grecque (qui semble s’accorder avec l’original hébreu) donne le texte suivant:

Ἐν μέσῳ ἐκκλησίας ἀνοίξει τὸ στόμα αὐτοῦ· εὐφροσύνην καὶ στέφανον ἀγαλλιάματος εὑρήσει, καὶ ὄνομα αἰώνιον κατακληρονομήσει.
Au milieu de l’église, elle lui ouvrira la bouche; il trouvera la joie et la couronne d’allégresse, et il héritera un nom éternel.

Qu’y a-t-il à prendre, et qu’y a-t-il à laisser? Il y a trois possibilités alternatives:

A. Faire comme en latin: garder une leçon différente pour le chant liturgique, et une autre leçon pour le texte dans les bibles. Le seul avantage de cette méthode serait de faire accorder le français avec le latin. Le grand inconvénient serait que l’introït deviendrait introuvable dans les bibles en français. Dans un cas pareil, on s’éloignerait énormément de la nature même des introïts, qui doivent être des textes bibliques.

B. Avoir dans les bibles francophones la leçon de la bible latine Itala. L’avantage serait d’avoir une conformité entre la liturgie et les bibles. L’inconvénient est qu’à l’exclusion de la bible latine Itala, toutes les autres bibles – même la vulgate clémentine – traduisent comme la Septante.

C. Garder dans les bibles francophones la leçon de la Septante, et en même temps chanter cela même dans l’introït en français. Le seul inconvénient (qui en réalité n’en est pas un, comme je le montrerai plus loin) est d’y avoir une différence entre ce qu’on chante en latin et ce qu’on chante en français. Pour le reste, il y a seulement des avantages: on chanterait en français la même chose dans dans les bibles; on aurait la même leçon dans toutes les langues. Et cela pourrait même sauver une anomalie liturgique. En effet, le texte latin de la version Itala dit mentionne l’étole de gloire, en supposant que tous les saints docteurs (en les fêtes desquels on chante cet introït) seraient des membres du clergé: la plupart sont évêques, il y a aussi quelques prêtres, et même le diacre saint Éphrem. Donc, des gens qui portent l’étole. Sauf que le sentiment de l’Église assimile aux docteurs aussi quelques laïcs, comme sainte Thérèse, la moniale de Lisieux. Sans parler de l’Église primitive, où les docteurs – ceux qui catéchisaient les catéchumènes avant le baptême – étaient des laïcs. Donc, si on prend le texte de la Septante, en chantant l’introït, on n’a plus ce souci. Au contraire, chanter cet introït en la fête de Thérèse, la moniale de Lisieux, serait une porte-à-faux, car elle n’a jamais été membre du clergé.

 

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