J’entends des voix qui s’élèvent dans le christianisme occidental pour demander l’instauration d’une « saison de la création », sous prétexte que le patriarche œcuménique de Constantinople ait fait la même chose pour son Église. Qu’en est-il ?

Dans le rite byzantin, voilà comment se passent les choses. Suite à l’édit de Milan, qui a eu lieu le 1er septembre 313, le rite byzantin a rompu avec la coutume ancestrale du début de l’année liturgique au printemps, et a fixé celle-ci le 1er septembre. Comme conséquence, les quatre-temps d’automne ont été avancés, pour les célébrer du 1er au 14 août. Du coup, la période du nouvel-an liturgique byzantin est restée dédiées aux réjouissances. Par conséquent, l’idée a surgi dans le rite byzantin de faire du 1er septembre une journée d’intercession pour l’environnement.

Mais dans les rites occidentaux, une telle démarche serait totalement incohérente, pour plusieurs raisons.

1. Mettre dans le même sac la création et l’environnement est une aberration théologique. L’un n’est pas l’autre. Les chrétiens ne croient pas en la déesse Nature.

2. Il existe déjà en Occident une “saison de la création” : c’est le temps de la septuagésime. Autant dans les bréviaires romains anciens que dans le Book of Common Prayer de 1662, le dimanche de la Septuagésime on entame la lecture du livre de la Genèse. Plusieurs rites orientaux ont ça aussi, et le rite byzantin, avant de subir une monasticisation du carême, avait cela aussi. Donc, on n’a qu’à observer tant qu’on veut la saison de la septuagésime. Et le rite byzantin ferait bien de revenir à ses propres sources.

3. Il existe déjà dans l’Église quatre périodes, héritées de l’Ancien Testament, où, aux quatre saisons, les chrétiens rendent grâces à Dieu pour ses bienfaits souvent liés aux saisons : ce sont les quatre-temps de printemps, d’été, d’automne et d’hiver. Comme le premier et le dernier de la liste se superposent avec des saisons apparues plus tard (carême et avent), ce sont les quatre-temps d’été et d’automne qui sont les plus propices à rendre grâce à Dieu pour les moissons et les récoltes. Maintenant, au mois de septembre, si quelqu’un veut faire quelque chose pour l’environnement, qu’il observe scrupuleusement le jeûne et l’abstinence des quatre-temps d’automne, et la chose est réglée. Pour intercéder pour l’environnement, l’Église a déjà quelque chose depuis un millénaire et demi : la grande rogation du 25 avril et les trois petites rogations avant la fête de l’Ascension.

4. On ne peut pas avoir une “saison de l’environnement”, de la même façon que l’on ne peut pas avoir une fête du “sacré-cœur” de Jésus, ni de “fête de l’amour”. Les fêtes liturgiques sont toutes – et doivent être – des commémoraisons de quelque chose qui s’est passé dans le passé.

5. Il y a des choses sur lesquelles les chrétiens peuvent ou doivent être catéchisés, et certaines fêtes sont les occasions propices pour de telles catéchèses. Cependant, créer une fête voire une saison liturgique dans le but de catéchiser sur quelque chose, cela n’est absolument pas une pratique chrétienne. Les chrétiens viennent à l’église pour célébrer, non pas pour être endoctrinés sur un énième thème supplémentaire.

6. Une fête de l’environnement n’est qu’un prétexte pour se donner bonne conscience. Un peu comme quand quelqu’un met cinq euros dans une collecte de carême pour l’Afrique, pour ne plus rien faire d’autre le reste de l’année. J’ai déjà été présent à un week-end chrétien pour l’environnement, et à part les diaporamas et le blabla, ça n’avait rien à voir avec l’environnement : la nourriture servie était totalement anti-écologique, la gestion des déchets de l’événement aussi. Ce n’est pas une « saison de la création » qui va nous sauver du réchauffement climatique.

Une “saison de la création” dans le calendrier chrétien, c’est un doigt que l’on se fout dans l’œil. La toute première chose qu’un humain simple peut faire pour agir pour la préservation de l’environnement, c’est de devenir végétalien. Une “saison de la création” dans le calendrier chrétien, c’est de la grâce à bon marché. Pour citer Bonhœffer, «Dans cette Église le monde trouve, à bon marché, un voile pour couvrir ses péchés, péchés dont il ne se repent pas et dont, à plus forte raison, il ne désire pas se libérer. De ce fait, la grâce à bon marché est la négation de la Parole vivante de Dieu, la négation de l’incarnation de la Parole de Dieu. La grâce à bon marché, c’est la justification du péché et non point du pécheur. Puisque la grâce fait tout toute seule, tout n’a qu’à rester comme avant.»

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