Comme vous savez, il y a quelque temps, j’ai mis dans mes liens un renvoi vers le blogue du sous-doyen Robert Hendrickson, de la cathédrale épiscopalienne (anglicane) de Denver, aux États-Unis. Photo ci-contre.
Il y a quelques jours, il a écrit un excellent article, que l’on trouve ici en version originale. Puisque je le trouve excellent, j’en fais maintenant la traduction vers le français. Pour le reste, joyeuse Chandeleur!
Réflexion sur l’Homélie à la cour d’assises. Que faut-il réinventer?
Les débuts du Mouvement d’Oxford remontent à l’homélie que John Keble a prononcée devant la cour d’assises en 1833 sur l’apostasie nationale. L’homélie critiquait un proposition de loi parlementaire qui voulait réduire le nombre des évêchés en Irlande. Ça n’a pas trop l’air d’être une homélie qui allait mettre sur pied un mouvement qui transformerait la forme et la nature de l’anglicanisme; pourtant les thèmes qu’elle aborde touchent non seulement au cœur de la notion même d’anglicanisme, mais aussi des notions de catholique et d’Église catholique.
Keble critiquait l’État se mêlant des affaires de l’Église. Plus exactement, il critiquait la nation, du fait qu’elle mettait les pouvoirs terrestres au-dessus des pouvoirs célestes. C’était cela l’apostasie nationale. Il forgeait un chemin à l’Église d’Angleterre, afin qu’elle reconsidérât sa relation avec l’Église historique catholique et plus largement avec l’Église universelle.
Le sujet est toujours d’actualité, ainsi que le besoin de repentir.
L’Église est dans les griffes des pouvoirs du monde, tout comme elle l’était au 19ème siècle, sauf que cette fois-ci il ne s’agit plus du contrôle par l’État, sinon de notre propre capitulation devant les forces de la société mondaine.
Nous nous traînons les uns les autres devant les tribunaux. Nous banalisons la réalité de la mort, et en nions le pouvoir. Nous ne parlons presque pas du péché et de la rédemption. Nos prêtres sont des fonctionnaires qui manquent de formation. Nos élections d’évêques sont des concours de popularité. Nos buts spirituels sont définis par les sujets de la politique. Nous agissons par peur de devenir pauvres, plutôt que par espoir d’abondance. Nous ‘‘fabriquons’’ nos ordinands. Nous valorisons l’hyperactivité. Nous faisons preuve de productivité. Nous avons besoin de groupes de travail qui analyseraient les structures de notre Institution. Pourtant, ce dont nous avons réellement besoin, ce ne sont pas des groupes de travail qui se focalisent sur la forme de notre institution, mais nous avons besoin de mains d’œuvre qui rafraîchissent notre vocation d’être fidèles à l’essence de l’Église. Nous avons besoin de mains d’œuvre qui renouvellent notre vocation d’être l’Église.
Qu’est-ce que l’Église épiscopale? Qu’est-ce que l’Église tout court? D’un point de vue spirituel, qui sommes-nous? Que signifie la prière? Qui est Jésus, selon nous? Pourquoi le Baptême? Qu’est-ce qu’un missionnaire?
Il n’y aura pas de nouvelle vision sur notre institution, tant que nous ne comprendrons clairement et de manière convaincante pourquoi nous sommes l’Église et ce que signifie d’être une, sainte, catholique et apostolique. Dans l’Église, on entend haut et fort des voix anticléricales et anti-institution. Cependant, ni les prêtres, ni nos structures ne sont le vrai problème, mais seulement des boucs émissaires.
Quand il y a eu des élections, on a dit que les gens avaient les dirigeants qu’ils méritaient. Je crains que nous ayons le clergé que nous méritons. Plutôt que d’apprécier des visions théologiques claires, la prière sérieuse, et des vie de sacrifice, nous avons élevé le sentimentalisme et les ‘‘pistons’’ affectifs au rang de qualités que nous attendons du clergé.
Du coup, nous avons trop souvent des dirigeants qui ont des problèmes affectifs, voire qui sont des manipulateurs. Cela a entretenu la corruption dans le système, et une culture de suspicion, qui est blessante et permanente. Prenez un système sentimentaliste avec une couche de déséquilibre des pouvoirs, et mélangez ça avec l’infantilisation des fidèles (que nous avons dépourvus de pouvoir, de plusieurs façons, même en parlant du ministère des laïcs), et vous obtenez la recette d’une culture ecclésiastique qui n’a rien à voir avec le sacrifice constant de la croix, mais qui n’est qu’un système reposant sur des calculs, la force de séduction et le pouvoir d’en accomplir les buts.
C’est devenu, un peu partout et de plusieurs points de vue, un système mondain.
Dans un système sans pouvoir centralisateur, les outils du pouvoir local sont encore plus destructeurs. Ce que je veux dire, c’est que l’Église épiscopale – comme on disait autrefois du Vatican – n’a ni tanks, ni soldats. Nous n’avons pas de vrai pouvoir sur les vies de nos fidèles.
Les seules preuves de leur fidélité sont la tradition et la foi. Au fur et à mesure que nous détruisons ces deux éléments – et nous avons passé plusieurs dizaines d’années à en diminuer l’importance – il ne nous reste plus que de les asservir à nos fiefs par la manipulation, plutôt que de les émanciper. Et ces fiefs deviennent de plus en plus petits.
Le vrai défi pour l’Église, ce n’est pas de réinventer les structures. Le défi est de nous réinventer nous-mêmes, de redécouvrir ce que c’est que suivre le Christ avec fidélité. De réinventer nos vies dans lesquelles les autres puissent voir en nous l’essence de ce qu’est l’Église, c’est-à-dire Son Corps.
Nous devons retourner aux fondements de l’Église, nous devons affirmer que ce qui nous rend uniques, c’est d’être le peuple de Dieu, même si nous n’en sommes pas dignes. Cela commencera à bouger seulement lorsque nous aurons changé les critères pour vivre et choisir nos dirigeants.
La formation de nos dirigeants spirituels doit être différente de celle que nous attendons chez les dirigeants séculiers.
Si nous n’enseignons pas à nos gens les disciplines et doctrines essentielles de notre foi, ils seront familiarisés seulement avec des outils et critères mondains pour élire leurs dirigeants, et nous obtiendrons des dirigeants qui comprendront et tireront facilement les ficelles dans le monde des pouvoirs séculiers, mais qui ne sauront pas ce que signifie la puissance de la croix, le fait de donner sa vie en sacrifice.
Nous devons instruire les gens dans la prière, pour obtenir des dirigeants qui prient. Nous devons instruire les gens dans les Sacrements, pour en tirer des dirigeants qui dirigeront comme des Sacrements ambulants. Nous devons instruire les gens à être des évangélistes, pour en tirer des dirigeants qui partageront leur foi avec plaisir. Nous devons instruire les gens dans la doctrine saine, pour en tirer des dirigeants qui maintiendront la foi de nos pères et mères dans la foi. Nous devons instruire les gens à laver les pieds des autres, pour en tirer des dirigeants qui sauront servir.
Nous devons instruire les gens à être différents, à changer, à se laisser transformer. Nous avons besoin que les gens soient l’Église.
Pourquoi l’Église? Qu’est-ce qui nous rend différents d’une organisation d’entraide ou différents d’Oxfam?
Pourquoi l’Église? Qu’est-ce qui nous rend différents de la Fraternité des Élans ou du Rotary?
Pourquoi l’Église? Qu’est-ce qui nous rend différents du Parti républicain ou du Parti démocrate?
Pourquoi l’Église? Qu’est-ce que les gens peuvent trouver dans l’Église et qu’ils ne peuvent pas trouver dans New York Times ou Huffington Post?
Pourquoi l’Église? Pourquoi la Prière? Pourquoi les Sacrements?
Est-ce que les gens voient dans l’Église quelque chose de différent? Quelque chose de sacré? Est-ce qu’on voit en nous et notre Église un groupe de gens qui vivons pleins d’inspiration une vie qui reflète un but saint? Voit-on en nous un mode de vie plus saint?
Les structures naîtront de la fidélité refaite, renouvelée et réaffirmée; de la fidélité à l’Église, le peuple saint de Dieu.