Vigile de l’Ascension.

Depuis le XVe siècle, on a commencé à compiler une messe pour la vigile de l’Ascension. Plus exactement, cette compilation était pauvre, et correspondait à l’image qu’on se faisait à l’époque à propos des vigiles, image qui est très différente de ce qu’on avait fait le premier millénaire. La méthode du XVe siècle consistait à chercher une épître et un évangile qui parlent de l’Ascension du Christ, et à remplir tous les vides avec les propres du dimanche précédent.

Tout d’abord, le choix des lectures n’a pas été mauvais. Il fallait chercher un morceau, tiré des quatre évangiles, qui raconte l’ascension du Christ, et sans que ce fût le même morceau que le lendemain. Or là on avait un petit problème: seuls Marc et Luc racontent l’ascension telle quelle, et le passage de Marc était déjà réservé pour le lendemain. Mais on a dans l’évangile selon Jean tout un discours de Jésus, qui est placé dans sa bouche comme ayant été prononcé lors de la sainte Cène (alors que, historiquement, ça a pu être juste une rédaction de l’Église primitive, sur base d’un tas de discours de Jésus, surtout après sa résurrection). Les compilateurs du XVe siècle ont donc choisi ce morceau de Jean 17, où Jésus dit au Père: «Quant à moi, je vais vers toi.» Ce choix est excellent, car l’antienne du Magnificat des premières vêpres de l’Ascension, Pater manifestavi (voir plus bas), est tiré du même texte.

Quant à la première lecture, les messes des vigiles la tirent d’habitude de l’Ancien Testament. Les compilateurs du XVe siècle l’ont tirée de l’épître de Paul aux Éphésiens 4, texte qui parle explicitement de l’ascension de Jésus, et lui donne une interprétation.

Toutefois, combler les vides en répétant ce qui a été dit et chanté le dimanche précédent n’a aucun sens. Voilà pourquoi je pense qu’il faudrait continuer à compiler cette messe, en empruntant du matériel liturgique déjà existant. Personnellement, je pense que l’on pourrait prendre les prières (collecte, secrète, postcommunion) ainsi que la préface du lendemain.

Sinon, pour la collecte, on pourrait l’emprunter au mercredi des quatre-temps d’automne, en changeant «clémence» par «ascension»; cela donnerait un grand sens théologique de l’ascension: le Christ monte au ciel avec notre nature humaine et, ce faisant, nous en fait participants. Ainsi:
Misericordiæ tuæ remediis, quæsumus, Domine, fragilitas nostra subsistat: ut quæ sua conditione atteritur, tua ascensione reparetur, qui vivis et regnas…
Que je traduis ainsi:
Que notre fragilité, nous t’en prions, Seigneur, soit soutenue par les remèdes de ta miséricorde: afin que ce qui est usé par sa condition soit réparé par ton ascension, toi qui vis et règnes…
Autre traduction:
Que les remèdes de ta miséricorde, nous t’en prions, Seigneur, soutiennent notre nature fragile: afin que ce qui est usé par sa condition soit réparé par ton ascension, toi qui vis et règnes…

Pour les chants liturgiques, on pourrait prendre:

Introït: In excelso throno, avec le psaume 67 Exsurgat Deus.

Alléluia 1: A summo cælo.

Alléluia 2 (éventuellement): Vere tu es rex absconditus.

Offertoire: Tollite portas.

dont la dernière ligne pourrait être remplacée par l’alléluia:
alleluia

Communion: Pater manifestavi.

In medio ecclesiæ.

Dans cet article, je discuterais la relation de la Bible avec la liturgie, et les problèmes de cette relation, à travers un exemple concret.

L’introït de la messe de la fête d’un docteur est tiré du livre de l’Ecclésiastique (ou Josué petit-fils de Sira), chapitre 15. En latin, le texte de l’introït donne ceci:

In medio ecclesiæ aperiet os eius, et implevit eum Dominus spiritu sapientiæ et intellectus; stolam gloriæ induit eum.
Au milieu de l’église [ille] lui ouvrira la bouche, et le Seigneur le remplira de l’esprit de la sagesse et de l’intelligence; ille le revêtira de l’étole de gloire.

Ce texte est basé d’une variante de la version Itala. La Septante grecque (qui semble s’accorder avec l’original hébreu) donne le texte suivant:

Ἐν μέσῳ ἐκκλησίας ἀνοίξει τὸ στόμα αὐτοῦ· εὐφροσύνην καὶ στέφανον ἀγαλλιάματος εὑρήσει, καὶ ὄνομα αἰώνιον κατακληρονομήσει.
Au milieu de l’église, elle lui ouvrira la bouche; il trouvera la joie et la couronne d’allégresse, et il héritera un nom éternel.

Qu’y a-t-il à prendre, et qu’y a-t-il à laisser? Il y a trois possibilités alternatives:

A. Faire comme en latin: garder une leçon différente pour le chant liturgique, et une autre leçon pour le texte dans les bibles. Le seul avantage de cette méthode serait de faire accorder le français avec le latin. Le grand inconvénient serait que l’introït deviendrait introuvable dans les bibles en français. Dans un cas pareil, on s’éloignerait énormément de la nature même des introïts, qui doivent être des textes bibliques.

B. Avoir dans les bibles francophones la leçon de la bible latine Itala. L’avantage serait d’avoir une conformité entre la liturgie et les bibles. L’inconvénient est qu’à l’exclusion de la bible latine Itala, toutes les autres bibles – même la vulgate clémentine – traduisent comme la Septante.

C. Garder dans les bibles francophones la leçon de la Septante, et en même temps chanter cela même dans l’introït en français. Le seul inconvénient (qui en réalité n’en est pas un, comme je le montrerai plus loin) est d’y avoir une différence entre ce qu’on chante en latin et ce qu’on chante en français. Pour le reste, il y a seulement des avantages: on chanterait en français la même chose dans dans les bibles; on aurait la même leçon dans toutes les langues. Et cela pourrait même sauver une anomalie liturgique. En effet, le texte latin de la version Itala dit mentionne l’étole de gloire, en supposant que tous les saints docteurs (en les fêtes desquels on chante cet introït) seraient des membres du clergé: la plupart sont évêques, il y a aussi quelques prêtres, et même le diacre saint Éphrem. Donc, des gens qui portent l’étole. Sauf que le sentiment de l’Église assimile aux docteurs aussi quelques laïcs, comme sainte Thérèse, la moniale de Lisieux. Sans parler de l’Église primitive, où les docteurs – ceux qui catéchisaient les catéchumènes avant le baptême – étaient des laïcs. Donc, si on prend le texte de la Septante, en chantant l’introït, on n’a plus ce souci. Au contraire, chanter cet introït en la fête de Thérèse, la moniale de Lisieux, serait une porte-à-faux, car elle n’a jamais été membre du clergé.

 

Japan’s independent kids.

Je viens de découvrir un petit documentaire, Japan’s independent kids, où l’on voit des gamins prendre seuls le transport en commun.

C’est avec nostalgie que je regarde ça. De mon temps, je prenais le train seul à l’âge de 5 ans, pour aller chez mes grands-parents, et je devais prendre aussi deux correspondances.

Dommage que les temps aient changé à ce niveau-là…

Esclavesse.

En cette semaine de la Pâque, j’ai pris le temps de relire l’Exode. La chose qui m’a marqué le plus, c’est le thème de l’esclavage. Tout d’abord, parce que la très grande majorité des traducteurs bibliques utilisent des euphémismes, des adoucissants, pour camoufler au maximum ce thème.

Il y a maints endroits de l’Exode où l’on parle de vendre sa fille en esclavage, même comme esclave sexuelle. Je pense que les choses doivent être dites telle quelles, au risque d’en choquer plus d’un.

Or, voici le hic. En principe, en français, le mot «esclave» (comme en anglais «slave») est à la fois masculin et féminin. Mais du coup, surtout lorsque la lecture est écoutée, le message ne passe pas, car on imagine toujours des hommes esclaves, alors qu’il y avait beaucoup de femmes.

Certaines traductions anglaises, pour différencier, disent: «slaves, [both] male and female». Cependant, ce n’est pas vraiment ce que le texte dit. Le texte n’engage pas le binarisme sexuel, mais l’esclavage.

Alors, pourquoi ne pas dire «esclavesse»?

Le mot «esclavesse» apparaît dans Nolant de Fatouville, Colombine avocat pour et contre: «Chaque Turc a plusieurs esclaves qui le servent. — N’a-t-elle point quelque esclavesse? — Oui, monsieur, de toutes sortes; des hommes, des femmes, des gens qui ne sont ni hommes ni femmes.»

Ironiquement, Fatouville utilise «avocat» et «médecin» au masculin pour parler de femmes exerçant ces métiers.

Chez Arthur Beugnot, «esclave» est exclusivement féminin, alors que la forme masculine est «esclaf». Mais je pense qu’il est trop tard que pour récupérer cette méthode-là.

Œuf de Pâque.

D’où vient l’histoire des œufs de Pâque, au-delà des légendes?

Jésus est sorti du tombeau tout seul, sans l’aide de personne, comme le poussin sort de l’œuf, tout seul, sans l’aide de personne.

Vidéo ici.

Quant à la concurrence de l’Annonciation-Vendredi-Saint, j’ai trouvé un magnifique article extensif ici.

Réflexion pour l’Annonciation-Vendredi-Saint 2016.

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283 morts.

Le meilleur roman que j’ai lu l’année passée dit et répète que la peur est le pire des ennemis. Sur la couverture, on voit la peut personnifiée, en train de se regarder dans un miroir dans un cimetière.

En Belgique, tous les jours, en moyenne, meurent 283 personnes. De ces 283 morts par jour, 74 meurent du cancer, 33 meurent du tabagisme, 10 meurent de maladies cardiovasculaires, 5 se suicident, et 2 meurent dans des accidents routiers.

Donc les attaques d’avant-hier en Belgique s’élèvent à 31 morts. Ceci n’est pas énorme, par rapport à tous ce que je viens d’énumérer. Oui, il y a aussi 250 blessées, mais je n’ai pas parlé de la moyenne de blessés par jour en Belgique. Je n’ai compté que les morts.

Ce que les terroristes ont voulu, c’est de semer la peur. Avec un coup de pouce de nos médias, ils ont réussi.

Une église à Bruxelles annonce en pompe: «Nous avons défié le terrorisme en célébrant une messe.» Euh, non. Ça, c’est de la récup’ crasseuse. La messe que vous avez célébrée était programmée depuis longtemps, et beaucoup d’autres paroisses en Belgique ont célébré des messes déjà programmées. L’archevêque de Malines, l’évêque de Namur, celui de Bruges, etc., ils ont tous célébré des messes chrismales, parce qu’elle devaient être célébrées, mais ils ne se vantent pas.

Syriens araménophones.

Je croise quasi tous les jours des Syriens; la plupart ne parlent aucune langue belge, et la grande majorité ne parle même pas anglais. (Et, entre parenthèses soit-il dit, la plupart d’entre eux n’avaient jamais vu un train avant d’arriver en Europe.)  Leur première – et souvent unique – langue est une variante de syro-libanais. Mais cela me fait penser à un fait unique: dans le monde, il reste trois villages où l’on parle encore la langue du Christ: l’araméen. Ces trois villages se trouvent en Syrie.

arameenGrâce à leur isolation, les villages de Maʿloula, El-Scharkhah et Djabbʿadine ont conservé l’araméen en tant que langue vernaculaire.

Lambeth 1920.

La conférence de Lambeth de 1920 des évêques anglicans du monde entier (photo ci-contre) a lancé un appel à la chrétienté entière, en vue de l’unité de l’Église du Christ en une communion. Bien entendu, ces évêques anglicans considéraient que cette ré-union des chrétiens devait se faire autour des 4 points surnommés le “quadrilatère de Lambeth”: 1. les saintes écritures; 2. le credo de Nicée-Constantinople, 3. le baptême et l’Eucharistie; 4. l’épiscopat dans la succession apostolique.

L’histoire a donné raison à cette conférence de Lambeth de 1920, car, de nos jours, plusieurs Églises sont en pleine communion les unes avec les autres, sur base de ces 4 principes.

Le plus épineux, quand même, a été le 4ème. Comment convaincre des protestants d’adopter l’épiscopat catholique?

Toutefois, ces évêques anglicans ont été très prudents quant à des ministres protestants qui auraient été en-dehors de la succession apostolique. C’est pourquoi ils écrivirent:

We believe that for all, the truly equitable approach to union is by way of mutual deference to one another’s consciences. To this end, we who send forth this appeal would say that if the authorities of other Communions should so desire, we are persuaded that, terms of union having been otherwise satisfactorily adjusted, bishops and clergy of our Communion would willingly accept from these authorities a form of commission or recognition which would commend our ministry to their congregations, as having its place in the one family life. It is not in our power to know how far this suggestion may be acceptable to those to whom we offer it. We can only say that we offer it in all sincerity as a token of our longing that all ministries of grace, theirs and ours, shall be available for the service of our Lord in a united church.It is our hope that the same motive would lead ministers who have not received it to accept a commission through episcopal ordination, as obtaining for them a ministry throughout the whole fellowship.

In so acting no one of us could possibly be taken to repudiate his past ministry. God forbid that any man should repudiate a past experience rich in spiritual blessings for himself and others. Nor would any of us be dishonouring the Holy Spirit of God, whose call led us all to our several ministries, and whose power enabled us to perform them. We shall be publicly and formally seeking additional recognition of a new call to wider service in a reunited Church, and imploring for ourselves God’s grace and strength to fulfil the same.

Nous croyons que pour tous, l’approche qui serait la plus équitable pour tous, en vue de l’union, serait le respect mutuel des consciences. Pour ce faire, en lançant cet appel, nous dirions que, pour autant que les autorités des autres communions le désirent, nous sommes persuadés que, après ajustement des termes des accords de pleine communion, les évêques et le clergé de notre communion voudraient bien accepter de la part de ces autorités une forme de nomination ou de reconnaissance, par laquelle notre ministère serait recommandé à leurs communautés, comme faisant partie de la même famille. Il n’est pas en notre pouvoir de savoir jusqu’à quel point cette proposition serait acceptée par ceux à qui nous voulons l’offrir. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que nous la proposons en toute sincérité en signe de notre désir que tous les ministères de la grâce, les leurs comme les nôtres, soient au service du Seigneur dans une Église unifiée.

Ce faisant, aucun d’entre nous ne serait amené à répudier son ministère du passé. Que Dieu préserve qui que ce soit de répudier une expérience passée, riche de bénédictions spirituelles pour lui et pour les autres. Nous ne voudrions pas non plus déshonorer le Saint-Esprit de Dieu, dont l’appel nous a tous menés à nos divers ministères, et qui nous a donné la force de les exercer. Publiquement et officiellement, nous chercherons davantage que l’on reconnaisse que Dieu nous appelle à un service plus élargi dans une Église réunie, en lui demandant la grâce et la force pour pouvoir l’accomplir.

Lambeth-Conference-1920

Je trouve intéressant tout cela. D’une part, les évêques de la conférence de Lambeth de 1920 tenaient fort à la succession apostolique. Mais, au lieu de faire comme la papauté – qui, quant à elle, déclarait «nuls et non-avenus» les ministères de ceux qu’elle détestait – au contraire, ces évêques anglicans tâchaient à pouvoir reconnaître l’authenticité du ministère des autres, même en-dehors de la succession apostolique!

Ce que Rome a toujours fait des convertis, c’est qu’elle les a humiliés publiquement à travers des réordinations. Même des gars comme Newman. Par exemple, c’est grâce à son ministère de prêtre que Newman est arrivé à ses conclusions; et en l’agrégeant à son troupeau, la papauté réordonne Newman et comme diacre, et comme prêtre.

Mais ça, ce n’est pas la voie de l’orthodoxie, mais la voie de l’orgueil.

Zwankendamme.

Je viens d’apprendre que le pang de Zwankendamme n’est plus. Zwankendamme est un village attesté dès 1429, entre Zeebruges et Lisseweghe. Quasi chaque fois que je prenais le train pour Zeebruges-Plage, il y avait quelqu’un qui montait ou descendait à Zwankendamme.

Pourvu qu’on ne supprime pas les trains voyageurs sur cette ligne! Déjà qu’en été, en pleine saison touristique, il n’y en a qu’un train doutes les 2 heures!

Moi, qui aime ce coin-là de la place belge, je reste nostalgique…

Zwankendamme