Paroisse catholique-apostolique à Châtelet.

Il y a quelques semaines, nous avons participé à la Messe à la paroisse catholique-apostolique de Châtelet, rue de Loverval. Il s’agit d’une dénomination qui est apparue au 19e siècle en Écosse, mais qui n’a plus de clergé depuis un demi-siècle. À présent, à ma connaissance, toutes les paroisses de cette dénomination font appel à des prêtres anglicans pour l’Eucharistie. Ils ont un livre liturgique très intéressant, ainsi qu’un livre explicatif sur la liturgie. Cependant, à présent, ils utilisent la liturgie anglicane en français, avec des éléments propres à eux.

Inutile de dire que leur autel est tourné vers l’Orient! Ils ont trois lampes: deux sur l’autel, pour la Messe, et une au-dessus pour la présence du Saint-Sacrement. Ils ont deux lutrins – un pour l’épître, un pour l’évangile – et une chaire à prêcher. Ils ont trois troncs: un pour l’offrande aux pauvres, un pour la dîme, un pour les autres offrandes. J’ai remarqué un grand esprit de prière.

J’en suis positivement étonné. Comment ont-ils pu résister un demi-siècle dans clergé qui leur soit propre?

J’ai hâte d’y retourner le 8 octobre prochain, si la date de la Messe reste inchangée.

Chastelet1

Chastelet2

Chastelet3

Chastelet4

Die parente temporum.

Voici encore l’une de mes traductions. Je ne sais pas qui a écrit Die parente temporum, mais j’aime bien la façon dont le dimanche est rapporté aux trois personnes de la Trinité.

Le premier jour, début du temps,
Ô Père, par ton Verbe aidant,
C’est la lumière que tu fis,
Ô source de tout être et vie.

Le premier jour, Fils de bonté,
D’en bas tu es ressuscité;
Le premier jour, Esprit et Dieu,
Tu descendis en don et feu.

Assiste-nous de ton amour,
Que nos cœurs soient fervents toujours;
Notre devoir soit accompli
Envers toi, maître de la vie.

Tu as créé, Père divin,
À ton image, tout humain;
Raison et cœur as animé,
Et nous appelles à t’aimer.

Fils, avec toi ensevelis,
Accorde-nous nouvelle vie,
Toi, sacrifice bien parfait,
Consacre-nous à tes projets.

Esprit, auteur de tous les dons,
Toi, don par excellence bon,
Enflamme nos cœurs et nos reins,
Que de tes sept dons ils soient pleins.

Ô Trinité, suprême bien,
Dieu qu’on proclame trois fois saint,
À toi nos âmes de dévouent:
Fais-nous t’aimer par-dessus tout. Amen.

Laureata plebs fidelis.

Ces derniers jours j’ai fait une traduction-adaptation poétique de la séquence du dimanche en l’octave de la Fête-Dieu, Laureata plebs fidelis. La voici:

Christ, ton peuple bien fidèle
Loue ta chair sacramentelle,
Roi de gloire, Dieu d’amour.

Tu es au ciel magnifique,
Mais ton sacrifice unique
Nous se donne tous les jours.

Ta passion payant nos fautes,
Par ta grâce, est l’antidote
Que dans la Messe on reçoit.

Car la Messe rend présente
Tous les jours l’unique offrande
Faite par toi sur la croix,

Préfigurée par des signes:
Melchisédech dans la ligne,
Offrant pain et vin de vigne
À la sainte Trinité;

Par l’arbre de vie divine;
Pain d’Aser, délices fines;
Fin est ton pain de farine,
Nourrissant tes invités;

Annoncé par la figure
D’agneau d’Ancien Testament,
Comme dit notre Écriture,
Immolé pascalement.

Cette loi point ne perdure,
Car la grâce est à présent
Par ton sang méthode sûre
Pour laver nos faits pesants.

Que ta chair dans ce mystère
Soit la nourriture chère
Qu’on reçoit par sainte foi;

Figurée par cette manne
Qu’Israël mangea profane
Au temps de l’ancienne loi.

Ce pain-là qu’on dit céleste
Était temporel, terrestre,
Mais toi, Christ, pour nous tu restes
Pain vivant et éternel.

C’est le pain de vie totale,
Nourriture très royale,
Coupe de boisson spéciale,
Le salut pour les mortels.

C’est le pain des indigents,
Bien sans prix, incontingent,
Accordant à tous les gens
Grande paix pour leur esprit.

Ô banquet doux, éternel,
Fête des incorporels,
Viatique des mortels,
Conduis-nous vers la patrie!

Vie, lumière, voie et liesse,
Tu es la restauration;
Donne-nous, dans cette Messe,
Vie et vivification.

Pour qu’avec les chœurs célestes
Du bonheur nous jouissions,
Rends-toi-nous, Dieu, manifeste,
Dans la fort bénie vision.

Pain vivant, vivant breuvage,
Vrai et vivifiant cépage,
Viens, ravive-nous, Jésus.

Donne-nous ton pâturage;
Au trépas, sois notre gage,
Sois notre gratuit salut.

Tu acquis pour nous la grâce
Par ta mort, et nous la passes,
À travers l’Eucharistie.

Donne-nous de voir ta face,
Dans ton temple aux cieux nous place,
De clarté tous investis.

Roi des anges, Dieu en chaînes,
Qui vainquis l’enfer sans gêne,
Chef des humbles, qui bénis,

Joie des saints, clarté, fontaine,
Maître de la sainte Cène,
Gloire à toi à l’infini. Amen. Alléluia.

Christus vere noster cibus.

Pour la Fête-Dieu, voici deux hymnes que j’ai traduites-adaptées vers le français:

Christus vere noster cibus
Ô Christ, tu es notre aliment;
Ô Christ, tu es notre boisson;
Ô Dieu, tes chair et sang vraiment
Sont mets dont nous nous nourrissons.

Ton corps auquel on communie
Et ton saint sang qu’ensemble on boit
Sont ceux que tu pris de Marie,
Le sang versé par toi en croix.

Dans cette Cène, ce souper,
Ta chair, ô Verbe, est donc mangée,
L’Église y est constituée;
L’accès au ciel est sans danger.

Quelle douceur est ce pain saint!
Quel pain de toute grâce plein!
La Vierge l’a cuit dans son sein!
Ce pain, c’est toi, Roi sans déclin!

Du pain des anges nourris-nous
Et du calice délicieux;
Que ce viatique saint, très doux,
Nous mène au royaume des cieux.

Seigneur, ô Cène des dévôts!
Ô gloire de tes rachetés!
Ô Dieu des humbles, leur repos,
Sois notre joie d’éternité! Amen.

O quam magnum quam præclarum
Voici un signe grand, divin:
Fils seul-engendré du Père,
Mets de l’âme en ce mystère,
Sous les espèces, pain et vin!

Ce qui défie l’entendement,
Notre foi, par ta lumière,
Le croit, l’écoute sincère,
Nous élevant au firmament.

Christ, nourriture de l’esprit,
Abreuve-nous à ta Cène;
Ta présence quotidienne,
Nous réjouissant, nous fortifie.

Accorde-nous cet aliment,
Pour tes serviteurs viatique:
Père, Esprit et Fils unique,
Glorifié éternellement. Amen.

In escam transfert mentium.

Aujourd’hui, en la Fête-Dieu, je vais essayer de détruire deux mythes.

Le premier mythe est le suivant. Des catholiques-romains (et parfois des protestants aussi) regardent les 39 articles de religion des anglicans, les lisent superficiellement, puis ils déduisent erronément que la doctrine anglicane sur l’Eucharistie serait protestante. En effet, l’article 28 dit: «The body of Christ is given, taken, and eaten in the Supper, only after an heavenly and spiritual manner. And the mean whereby the body of Christ is received and eaten in the Supper is Faith.» Comment faut-il interpréter cet article?

Voici l’invitatoire de la Fête-Dieu dans le manuscrit de Tongres (NL-DHk 70 E 4): «Christum regum regem adoremus dominum qui carnem suam et sanguinem in escam transfert mentium (source) Dans le même, l’antienne au Benedictus est la suivante: «Dominus Iesus Christus […] caritatis arte provida pigmenta composuit, quibus lethargicam mentem renovatam cottidie suæ salutis memoria propelleret, qui edentulam plebem, quæ verbum antiquam et æternum principium quasi solidum cibum ruminare non poterat, hoc prædulcissimo confecto liquamine in panis et vini sacramento consuefecit sorbilare» (source), c’est-à-dire «Le Seigneur Jésus Christ, par l’art de la charité, a institué pour la postériorité les signes par lesquels, en vue de soigner l’intelligence léthargique, on perpétuerait quotidiennement la mémoire de son salut, et que le peuple édenté, qui ne peut pas mâcher le Verbe antique, principe éternel, en tant que nourriture solide, absorberait fréquemment, dans le mélange très doux du sacrement du pain et de vin.» Cette antienne, dérivée du traité d’Innocent III sur le sacrement de l’autel, ainsi que l’invitatoire parlent de mens dans son acception tardive d’esprit ou âme. L’hyperbole du peuple édenté indique notre incapacité de communier au Christ, à part à travers les espèces du pain et du vin. L’article anglican, tout en rejetant le mot “transsubstantiation”, qui se trouve dans le traité d’Innocent III, en adopte néanmoins le langage. Autant Innocent III (et l’antienne liégeoise-tongrienne) que les articles anglicans disent la même chose: dans l’Eucharistie, il ne s’agit pas d’une manducation “de boucherie”; la manducation «spirituelle» est opposée non pas à la présence réelle, mais à une manducation charnelle, “de boucherie”.

Le deuxième mythe concerne la Fête-Dieu. On dit, en général, que Thomas d’Aquin en a composé l’office, et du coup, ce serait un premier exemple d’évolution liturgique non spontané. Or les exemples démontrent le contraire. Pour la Fête-Dieu, à part l’invitatoire attribué à Thomas d’Aquin, celui dont je parle plus haut y compris, on en recense d’autres:

  • Omnes_devotiChristum regum regem adoremus dominum, qui carnem suam et sanguinem in escam transfert mentium (source);
  • Venite, comedite panem meum, et bibite vinum quod miscui vobis (souce);
  • Venite ad me, omnes qui laboratis, et ego reficiam vos (source);
  • Omnes devoti pariter iubilare venite Christo, qui toti mundi dat pascua vitæ (source).

Donc, rien que pour l’invitatoire, on a quatre invitatoires différents, spontanés, en plus de celui supposé de Thomas d’Aquin. Si l’on devait prendre en compte toutes les antiennes, ça donnerait beaucoup de résultats. Ceci démontre également que la Fête-Dieu est une fête spontanée, officialisée seulement par la papauté, plutôt qu’une création d’en haut.

Pour la petite histoire, un article démontre que Thomas d’Aquin n’a rien à voir avec ce qu’on lui attribue par rapport à la Fête-Dieu. Au contraire, l’office romain est le résultat, par évolution, d’usages cisterciens, qui semblent avoir eu comme point de départ l’Abbaye des Dunes à Coxyde, qui, elle aussi, a eu comme source la fête liégeoise, ainsi que des dévotions italiennes.

De ce fait, très schématiquement, on devrait voir les choses de la façon suivante. Point de départ absolu: miracle eucharistique de Lancien vers 740, qui a inspiré des dévotions, dont l’apogée a été la Fête-Dieu de Liége en 1246, répandue très vite de Liége à Tongres (et ailleurs dans la région), puis à Coxyde, et enfin de Liége à Rome, en empruntant le matériel liturgique de Coxyde. Bref, la Fête-Dieu avec la fête de la Trinité, qui la précède immédiatement, et avec la fête brugeoise du Saint-Sang, c’est du belge!

 

Spes nostra.

Aujourd’hui en le jour-octave de la Pentecôte, pendant lequel on se penche sur le mystère de la triunité de Dieu, je veux continuer mes digressions sur les emprunts transrituels et interrégionaux, d’un rite à l’autre, dans la liturgie, à travers un cas concret lié à la Trinité.

He_elpis_mouDans la légende dorée de saint Joannice ou Jeannice, il est dit que ce saint récitait l’antienne suivante: Ἡ ἐλπίς μου ὁ Πατὴρ, καταφυγή μου ὁ Υἱός, σκέπη μου τὸ Πνεῦμα τὸ Ἅγιον, Τριὰς Ἁγία, δόξα σοι. («Mon espérance est le Père, mon salut est le Fils, mon refuge est l’Esprit Saint; Sainte Trinité, gloire à toi.») Bien entendu, l’auteur de la légende dorée a mis dans la bouche de son personnage une antienne qu’il avait entendue auparavant. Mais, grâce aux lecteurs de la légende, cette antienne a pénétré dans l’octoèque mineur, livre liturgique byzantin (chanté comme ici).

spes_nostraMais quelle est l’origine de cette antienne? On trouve dans les livres occidentaux l’antienne suivante: «Spes nostra, salus noster, honor noster, o beata Trinitas!» Dans celle-ci, spes fait implicitement référence au Père, salus au Fils, honor au Saint-Esprit. Donc, le transmetteur populaire a ajouté des gloses, pour que la référence à la Trinité soit explicite. Pour finir, beaucoup d’antiennes des fêtes finissent soit par «alléluia», soit pas «gloire à toi», chose qu’on a aisément ajoutée ici.

Et c’est ainsi que l’antienne se retrouvée sous la plume du rédacteur de la légende de saint Jeannice, où le pluriel a été réduit au singulier, comme cela arrive souvent dans des petites prières récitée par les moines.

Ma seule interrogation concerne la mutation de honor, «honneur», à σκέπη, «refuge, abri.» J’ai deux hypothèses, qui, d’ailleurs, ne s’excluent pas mutuellement. Soit les Byzantins ont été sceptiques à la notion romaine de honor (cf. les critiques byzantines à l’adresse de saint Anselme), et ont donc dû la remplacer par quelque chose d’autre (cf. dans le canon romain, les «mérites» des saints sont devenus «intercessions» dans les versions byzantines); soit honor, pour autant qu’il fût admissible par les Byzantins, n’est rendu en grec que par πίστις, «foi», que l’on a peut-être voulu éviter ici.

Alternativement, l’antienne aurait pu exister en grec d’abord (mais pas dans le rite byzantin, car autrement elle se trouverait dans le rite byzantin dans une forme plus primitive). Dans ce cas, le traducteur latin a eu du mal à traduire σκέπη, en comprenant «regard», et à cause de la difficulté de la traduction d’une telle notion, ce qui expliquerait aussi καταφυγή → salus. Ou encore, entre le latin et le grec il y a dû y avoir une langue intermédiaire, où les notions de refuge et d’honneur sont proches.

Adesto sancta Trinitas & Pater sancte.

En ce jour-octave (clôture) de la Pentecôte, en lequel on médite sur le mystère de la triunité de Dieu, je vous propose la traduction de deux hymnes que je n’ai pas traduites précédemment, à savoir Adesto sancta Trinitas et Pater sancte.

Adesto sancta Trinitas


Sois avec nous, ô Trinité,
Divine essence en unité,
Distincte de ta création,
Principe sans interruption.

Dieu saint, le chœur des cieux te loue;
Au ciel, sur terre et en-dessous,
Tes créatures réunies
Te prêchent, Trinité bénie.

Et nous, devant toi assemblés,
Tes serviteurs, de dons comblés,
Joignons nos hymnes et nos vœux
À ceux qui chantent dans les cieux.

Lumière trine en un rayon,
Dieu triunique te croyons,
En confession d’unique foi,
Unique Oméga et Alpha.

Au Père inengendré honneur;
Au Fils seul-engendré grandeur;
Au Saint-Esprit louange due:
Un Dieu aux siècles absolus. Amen.

Pater sancte


Ô Père très saint, qui d’amour abondes,
Ô Fils Jésus Christ, qui créas le monde,
Ô très saint Esprit, qui les âmes sondes,
Un Dieu immortel,

Sainte Trinité, unité intense,
Vraie divinité, ô bonté immense,
De tout orphelin tu es la défense,
Et l’espoir du ciel.

De tes serviteurs, de tes créatures
Monte vers les cieux la louange pure;
Reçois de nos voix gloire sans mesure,
Devant ton autel.

Au Père très bon, lui qui nous anime,
Au Verbe fait chair, vers qui vont nos rimes,
Et à l’Esprit Saint, gloire et toute estime:
Dieu trine éternel.

L’Église épiscopale écossaise et le mariage pour tous.

Je viens d’apprendre que l’Église épiscopale écossaise (membre de la Communion Anglicane) vient de se prononcer en faveur du mariage pour tous.

Plus exactement, c’est le synode ou assemblée générale de cette Église-là qui s’est prononcé en faveur, et la décision sera implémentée l’année prochaine. Bref, tous les prêtres pourront solenniser des mariages à l’église même pour des couples de deux hommes ou deux femmes, mais aucun prêtre n’y sera contraint par motif de conscience.

Depuis quelque temps déjà, dans l’Église épiscopale écossaise, les prêtres peuvent être mariés avec quelqu’un du même sexe.

(Détails ici.)

Odonymie namuroise.

Voici la lettre que je viens d’envoyer à l’échevin Luc Gennart de la commune de Namur, à la Commission royale de toponymie et au Service des langues endogènes:

Mr l’Échevin, Mesdames et Messieurs,

L’écrivaine gembloutoise Chantal Denis, dans son roman Quî ç’ qu’ a touwé JFK ? pose la réflexion suivante : le boulevard Ad Aquam à Namur a été renommé Baron Huart, alors que quasi personne ne sait qui était le personnage en question – et cet hommage ne l’a en rien rendu plus illustre ou mieux connu. Les réflexions suivantes me sont venues en rentrant de la Fête aux langues de Wallonie.

Nos rues se sont progressivement encombrées de références à toutes sortes d’hommes et de femmes illustres à des degrés divers et variés. Outre le manque d’efficacité de ces hommages, ils peuvent parfois conduire à des confusions, à la façon des deux rues Dandoy (un nom si courant dans la région) à Flawinne. Mais le plus problématique est que cette avalanche de personnages s’est souvent faite au détriment des noms originaux des rues. Et lorsqu’il s’agit de nouvelles rues, on peut s’estimer chanceux si personne n’a cru nécessaire d’y coller le nom de quelqu’un. Mon courrier, vous l’aurez compris, est un plaidoyer pour le retour à une odonymie en lien avec les lieux, plutôt qu’avec les semi-célébrités plus ou moins locales.

La commune de Durbuy est pionnière en matière d’odonymie wallonne. Un simple coup d’œil sur la carte papier ou sur la carte Google suffit pour le démontrer. Dans la commune fusionnée de Namur, il y a déjà une odonymie wallonophone : Rue des Pitteurs, Rue des Tautis1 – mais dans ces cas, le mot wallon a été “francisé” de force, en devenant une forme “bâtarde”, qui fait plus de mal que de bien au trésor culturel qu’est la langue wallonne. Par exemple, plutôt que d’avoir une « rue des Tautis », on devrait avoir soit le tout en wallon, sitrålete des Tåtîs (Sitraulète dès Tautîs), soit le tout en français, « rue des Pâtissiers. » Pour le reste, la rue des Rèlîs Namurwès et la Place du Bia Bouquet, si elles rendent hommage à la langue wallonne, n’en n’ont pas pour autant de lien avec l’histoire de la rue.

Pour nommer une rue en wallon, il ne faut surtout pas calquer le français « rue » en tant que rûwe ou rowe. En wallon, il existe quatre types d’odonymie traditionnels :

1 Avec un locatif : Ås Tchôdès Aiwes ou Al Tchôde Aiwe2 ; Åzès Bos/Bwès3. À partir de ces exemples, on pourrait poursuivre : Å[zè]s Viyès Djins4, Ås Ospitås (Aus Ospitaus)5, Al Vindince6, Al Handele A Môde di Djin7, Al Aite8, Ås Moxhes A Låme9 ou plus court Al Låme10 ; de même Å Grand Botike11 ; Al Haitire Aiwe12, Å Rapuroe (Rapurwès)13 etc.

2 Avec des mots typiquement wallons pour désigner les voiries : sitrêye (estrêye)14, qui forme des constructions de type germanique. Ainsi, on pourrait avoir : Walonstrêye, Mitanstrêye15, Cronstrêye16, Londjinstrêye17, Avionstrêye18 etc.

3 Avec d’autres mots typiquement wallons pour désigner les voiries, en formant des constructions de type roman au génitif : voye (vôye) et balwér, ainsi que sitrålete (èstrôlète, sitraulète), diminutif de strêye, sans oublier plaece (place, plèce) et scwére ainsi que bate pour les places publiques. Ainsi, on pourrait avoir : Voye del Tuzance19, Voye des Syinceuzès Dames20, Voye des Doctoresses, Voye des Médes21, Sitrålete des Penleuses22, Balwér des Manaedjresses23, Plaece des Pipsakeus24, Plaece del Mayoresse25, Voye des Parolîs26, Scwére des Rcwereus27, Voye del Sicrijheuse28, Bate del Tchantreye29, Plaece do Bén-Mougnî30, Bate do Bea-Moussî (Bia-Moussî)31, Pîssinte des Afuyîs32 etc.

4 En laissant l’élément humain de côté, il y a déjà des cas d’odonymie où l’on se focalise sur l’endroit : Tcheråvoye33, Hierdåvoye34. Sur ce modèle, on pourrait avoir des noms plus modernes : Rotåvoye35, Pirvoye (Pîrevôye)36, Påjhire Voye37, E Påjhir38, Pîssinte des Tchets39, Vete Voye, Martchandvoye.

Bref, plutôt que de mettre à l’honneur des individus, l’odonymie de notre commune pourrait mettre à l’honneur des métiers (et, en-dehors des exemples que j’ai déjà donnés, il y en a tant d’autres : bussîs, « chauffeurs de bus », naivieus, « personnel de navigation [aérienne] », watmanes, « conducteurs de tram », feutîs, « pompiers », sicabins, « échevins », machinisses…), mots qui peuvent être mis au féminin ; des réalités contemporaines comme la gastronomie, la mode, les réfugiés, dont j’ai parlé plus haut, ou encore les immigrés (abagants) ; des arbres, selon les rues, dont les noms diffèrent du français (melêye, « pommier », biokî, « mirabellier », fåw/fauw, « hêtre », mesplî, « néflier », petchalî…) ; des réalités concernant les voiries elles-mêmes ; et le tout, non seulement avec une nostalgie du passé, mais avec un encrage dans le présent et un regard vers l’avenir.

Il me serait agréable que mes réflexions soient transmises aux personnes en charge de la nomenclature des voiries, et je vous en remercie !

Cependant, je sais que d’aucuns contesteront l’idée même de l’odonymie wallonophone, sous prétexte que le langue française est la seule langue officielle chez nous. Or, malgré le caractère officiel du français, notre toponymie n’est pas francophone, mais bien wallonophone, voire wallo-flamande, orthographiée parfois de manière fantaisiste : Wallonie, Bomel, Fau[l]x, Malonne, Bas[s]eille, Flawinne, Bricgnot, Beez, Fooz, Transvaal…

Bien à vous,

G. S.

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1En wallon, tåtî/tautî signifie « pâtissier. » Il y a, en effet, une pâtisserie dans cette rue-là, à Belgrade.

2Littéralement « Aux Thermes. »

3Littéralement « Aux Bois. »

4Littéralement « Au Home pour personnes âgées » ; l’expression en wallon n’est pas péjorative.

5Littéralement « Aux Hôpitaux. »

6Littéralement « Au Marketing. »

7Littéralement « Au Commerce Équitable. »

8Littéralement « Au Cimetière. »

9Littéralement « Aux Abeilles. »

10Littéralement « Au Miel. »

11Littéralement « Au Supermarché. »

12Littéralement « À l’Eau Potable », pour une rue menant vers une usine de potabilisation.

13Littéralement « À la Station d’Épuration. »

14Du latin strata, ce vocable existe dans la plupart des langues romanes et germaniques, y compris dans les toponymies Strasbourg et Sitrée.

15Littéralement : « Rue du Centre. »

16Littéralement : « Rue en Courbe. »

17Littéralement : « Rue à vitesse réduite », idéale à proximité des écoles.

18Littéralement : « Rue des Avions », propice à une voirie menant à l’aérodrome/aéroport. À ne pas confondre avec aréyostrêye, « piste de décollage et d’atterrissage. »

19Littéralement : « Rue de la Culture. »

20Littéralement : « Rue des Scientifiques [au féminin]. »

21Littéralement : « Rue des Médecins. »

22Littéralement : « Ruelle des Secrétaires [au féminin]. »

23Littéralement : « Boulevard des Directrices. »

24Littéralement : « Place des Cornemuseurs. »

25Littéralement : « Place de la Bougmestre. »

26Littéralement : « Rue des Avocats. »

27Littéralement : « Place des Chercheurs. »

28Littéralement : « Rue de l’Écrivaine. »

29Littéralement : « Place de la Chorale. »

30Littéralement : « Place de la Gastronomie », nom idéal pour un endroit où il y a des restaurants.

31Littéralement : « Place de la Mode », nom idéal pour un endroit avec des magasins de vêtements.

32Littéralement : « Sentier des Réfugiés. »

33Francisé très maladroitement en « Cherreau » ou « Charreau », le mot composé signifie « rue carrossable. »

34Francisé en « Herdal » ou « Herdeau » ou encore « Yerdal », le mot composé signifie « rue par laquelle passe le troupeau. »

35Littéralement : « Rue Piétonne », nom idéal pour l’une des voiries du centre-ville.

36Ceci signifie tout simplement « chaussée » ou « rue pavée. » Alors que ce mot composé est ancien, il pourrait servir à des constructions modernes du genre : pirvoye del Måjhon Bén-Fonds, pour « rue pavée de l’agence immobilière », par exemple.

37Littéralement : « Rue Paisible. »

38Avec locatif, même signification que le précédent.

39Littéralement : « Sentier des Chats. » Notez qu’il existe déjà un Tienne des Biches, qui, aussi louable qu’il soit pour le mot wallon tiene, n’est pas réaliste quant à la zoologie du lieu.

Eurovision 2017.

Je ne sais pas encore qui gagnera demain soir, mais l’édition de l’Eurovision 2017 me semble la plus médiocre de toutes celles que j’ai déjà regardées.

Le seul qui me semble bon est Jacques Houdek, représentant la Croatie, avec My Friend. Sa voix est cultivée; ses instrumentistes jouent bien; son look est presque soigné; il chante en beaucoup de langues, dont le français et le maori. Petit bémol: le personnage semble un gai dans le placard, qui a du mal à s’assumer.

Les Roumains ont peut-être le mérite d’avoir utilisé la youtse ou tyrolienne, mais à part ça, leur chanson ne vaut pas un sou. Les Ukrainiens ont eu l’idée d’utiliser des guitares, mais malheureusement ils ne savent pas les utiliser.