Depuis plusieurs années, je travaille – tout doucement – sur un livre liturgique, que je ne fais que compiler. Voici un coup d’œil du futur Bréviaire paroissial et familial:
Introït. Dilectio Dei honorabilis sapientia
Kyrie. Première collecte. Da nobis, quæsumus, omnipotens Deus: ut, qui nova incarnati, comme à Noël.
Prophétie: Exode 24:12-18
Graduel: Benedictus qui venit.
Alléluia. Dominus regnavit decorem.
Offertoire. Intonuit de cælo
Secrète. Accepta tibi sit, Domine, comme à Noël.
Postcommunion. Cælesti lumine, quæsumus, comme à l’Épiphanie.
Il y a quelques semaines, nous avons participé à la Messe à la paroisse catholique-apostolique de Châtelet, rue de Loverval. Il s’agit d’une dénomination qui est apparue au 19e siècle en Écosse, mais qui n’a plus de clergé depuis un demi-siècle. À présent, à ma connaissance, toutes les paroisses de cette dénomination font appel à des prêtres anglicans pour l’Eucharistie. Ils ont un livre liturgique très intéressant, ainsi qu’un livre explicatif sur la liturgie. Cependant, à présent, ils utilisent la liturgie anglicane en français, avec des éléments propres à eux.
Inutile de dire que leur autel est tourné vers l’Orient! Ils ont trois lampes: deux sur l’autel, pour la Messe, et une au-dessus pour la présence du Saint-Sacrement. Ils ont deux lutrins – un pour l’épître, un pour l’évangile – et une chaire à prêcher. Ils ont trois troncs: un pour l’offrande aux pauvres, un pour la dîme, un pour les autres offrandes. J’ai remarqué un grand esprit de prière.
J’en suis positivement étonné. Comment ont-ils pu résister un demi-siècle dans clergé qui leur soit propre?
J’ai hâte d’y retourner le 8 octobre prochain, si la date de la Messe reste inchangée.
Voici encore l’une de mes traductions. Je ne sais pas qui a écrit Die parente temporum, mais j’aime bien la façon dont le dimanche est rapporté aux trois personnes de la Trinité.
Le premier jour, début du temps,
Ô Père, par ton Verbe aidant,
C’est la lumière que tu fis,
Ô source de tout être et vie.
Le premier jour, Fils de bonté,
D’en bas tu es ressuscité;
Le premier jour, Esprit et Dieu,
Tu descendis en don et feu.
Assiste-nous de ton amour,
Que nos cœurs soient fervents toujours;
Notre devoir soit accompli
Envers toi, maître de la vie.
Tu as créé, Père divin,
À ton image, tout humain;
Raison et cœur as animé,
Et nous appelles à t’aimer.
Fils, avec toi ensevelis,
Accorde-nous nouvelle vie,
Toi, sacrifice bien parfait,
Consacre-nous à tes projets.
Esprit, auteur de tous les dons,
Toi, don par excellence bon,
Enflamme nos cœurs et nos reins,
Que de tes sept dons ils soient pleins.
Ô Trinité, suprême bien,
Dieu qu’on proclame trois fois saint,
À toi nos âmes de dévouent:
Fais-nous t’aimer par-dessus tout. Amen.
Ces derniers jours j’ai fait une traduction-adaptation poétique de la séquence du dimanche en l’octave de la Fête-Dieu, Laureata plebs fidelis. La voici:
Christ, ton peuple bien fidèle
Loue ta chair sacramentelle,
Roi de gloire, Dieu d’amour.
Tu es au ciel magnifique,
Mais ton sacrifice unique
Nous se donne tous les jours.
Ta passion payant nos fautes,
Par ta grâce, est l’antidote
Que dans la Messe on reçoit.
Car la Messe rend présente
Tous les jours l’unique offrande
Faite par toi sur la croix,
Préfigurée par des signes:
Melchisédech dans la ligne,
Offrant pain et vin de vigne
À la sainte Trinité;
Par l’arbre de vie divine;
Pain d’Aser, délices fines;
Fin est ton pain de farine,
Nourrissant tes invités;
Annoncé par la figure
D’agneau d’Ancien Testament,
Comme dit notre Écriture,
Immolé pascalement.
Cette loi point ne perdure,
Car la grâce est à présent
Par ton sang méthode sûre
Pour laver nos faits pesants.
Que ta chair dans ce mystère
Soit la nourriture chère
Qu’on reçoit par sainte foi;
Figurée par cette manne
Qu’Israël mangea profane
Au temps de l’ancienne loi.
Ce pain-là qu’on dit céleste
Était temporel, terrestre,
Mais toi, Christ, pour nous tu restes
Pain vivant et éternel.
C’est le pain de vie totale,
Nourriture très royale,
Coupe de boisson spéciale,
Le salut pour les mortels.
C’est le pain des indigents,
Bien sans prix, incontingent,
Accordant à tous les gens
Grande paix pour leur esprit.
Ô banquet doux, éternel,
Fête des incorporels,
Viatique des mortels,
Conduis-nous vers la patrie!
Vie, lumière, voie et liesse,
Tu es la restauration;
Donne-nous, dans cette Messe,
Vie et vivification.
Pour qu’avec les chœurs célestes
Du bonheur nous jouissions,
Rends-toi-nous, Dieu, manifeste,
Dans la fort bénie vision.
Pain vivant, vivant breuvage,
Vrai et vivifiant cépage,
Viens, ravive-nous, Jésus.
Donne-nous ton pâturage;
Au trépas, sois notre gage,
Sois notre gratuit salut.
Tu acquis pour nous la grâce
Par ta mort, et nous la passes,
À travers l’Eucharistie.
Donne-nous de voir ta face,
Dans ton temple aux cieux nous place,
De clarté tous investis.
Roi des anges, Dieu en chaînes,
Qui vainquis l’enfer sans gêne,
Chef des humbles, qui bénis,
Joie des saints, clarté, fontaine,
Maître de la sainte Cène,
Gloire à toi à l’infini. Amen. Alléluia.
Pour la Fête-Dieu, voici deux hymnes que j’ai traduites-adaptées vers le français:
Ô Christ, tu es notre boisson;
Ô Dieu, tes chair et sang vraiment
Sont mets dont nous nous nourrissons.
Ton corps auquel on communie
Et ton saint sang qu’ensemble on boit
Sont ceux que tu pris de Marie,
Le sang versé par toi en croix.
Dans cette Cène, ce souper,
Ta chair, ô Verbe, est donc mangée,
L’Église y est constituée;
L’accès au ciel est sans danger.
Quelle douceur est ce pain saint!
Quel pain de toute grâce plein!
La Vierge l’a cuit dans son sein!
Ce pain, c’est toi, Roi sans déclin!
Du pain des anges nourris-nous
Et du calice délicieux;
Que ce viatique saint, très doux,
Nous mène au royaume des cieux.
Seigneur, ô Cène des dévôts!
Ô gloire de tes rachetés!
Ô Dieu des humbles, leur repos,
Sois notre joie d’éternité! Amen.
Fils seul-engendré du Père,
Mets de l’âme en ce mystère,
Sous les espèces, pain et vin!
Ce qui défie l’entendement,
Notre foi, par ta lumière,
Le croit, l’écoute sincère,
Nous élevant au firmament.
Christ, nourriture de l’esprit,
Abreuve-nous à ta Cène;
Ta présence quotidienne,
Nous réjouissant, nous fortifie.
Accorde-nous cet aliment,
Pour tes serviteurs viatique:
Père, Esprit et Fils unique,
Glorifié éternellement. Amen.
Aujourd’hui, en la Fête-Dieu, je vais essayer de détruire deux mythes.
Le premier mythe est le suivant. Des catholiques-romains (et parfois des protestants aussi) regardent les 39 articles de religion des anglicans, les lisent superficiellement, puis ils déduisent erronément que la doctrine anglicane sur l’Eucharistie serait protestante. En effet, l’article 28 dit: «The body of Christ is given, taken, and eaten in the Supper, only after an heavenly and spiritual manner. And the mean whereby the body of Christ is received and eaten in the Supper is Faith.» Comment faut-il interpréter cet article?
Voici l’invitatoire de la Fête-Dieu dans le manuscrit de Tongres (NL-DHk 70 E 4): «Christum regum regem adoremus dominum qui carnem suam et sanguinem in escam transfert mentium.» (source) Dans le même, l’antienne au Benedictus est la suivante: «Dominus Iesus Christus […] caritatis arte provida pigmenta composuit, quibus lethargicam mentem renovatam cottidie suæ salutis memoria propelleret, qui edentulam plebem, quæ verbum antiquam et æternum principium quasi solidum cibum ruminare non poterat, hoc prædulcissimo confecto liquamine in panis et vini sacramento consuefecit sorbilare» (source), c’est-à-dire «Le Seigneur Jésus Christ, par l’art de la charité, a institué pour la postériorité les signes par lesquels, en vue de soigner l’intelligence léthargique, on perpétuerait quotidiennement la mémoire de son salut, et que le peuple édenté, qui ne peut pas mâcher le Verbe antique, principe éternel, en tant que nourriture solide, absorberait fréquemment, dans le mélange très doux du sacrement du pain et de vin.» Cette antienne, dérivée du traité d’Innocent III sur le sacrement de l’autel, ainsi que l’invitatoire parlent de mens dans son acception tardive d’esprit ou âme. L’hyperbole du peuple édenté indique notre incapacité de communier au Christ, à part à travers les espèces du pain et du vin. L’article anglican, tout en rejetant le mot “transsubstantiation”, qui se trouve dans le traité d’Innocent III, en adopte néanmoins le langage. Autant Innocent III (et l’antienne liégeoise-tongrienne) que les articles anglicans disent la même chose: dans l’Eucharistie, il ne s’agit pas d’une manducation “de boucherie”; la manducation «spirituelle» est opposée non pas à la présence réelle, mais à une manducation charnelle, “de boucherie”.
Le deuxième mythe concerne la Fête-Dieu. On dit, en général, que Thomas d’Aquin en a composé l’office, et du coup, ce serait un premier exemple d’évolution liturgique non spontané. Or les exemples démontrent le contraire. Pour la Fête-Dieu, à part l’invitatoire attribué à Thomas d’Aquin, celui dont je parle plus haut y compris, on en recense d’autres:
Christum regum regem adoremus dominum, qui carnem suam et sanguinem in escam transfert mentium (source);
- Venite, comedite panem meum, et bibite vinum quod miscui vobis (souce);
- Venite ad me, omnes qui laboratis, et ego reficiam vos (source);
- Omnes devoti pariter iubilare venite Christo, qui toti mundi dat pascua vitæ (source).
Donc, rien que pour l’invitatoire, on a quatre invitatoires différents, spontanés, en plus de celui supposé de Thomas d’Aquin. Si l’on devait prendre en compte toutes les antiennes, ça donnerait beaucoup de résultats. Ceci démontre également que la Fête-Dieu est une fête spontanée, officialisée seulement par la papauté, plutôt qu’une création d’en haut.
Pour la petite histoire, un article démontre que Thomas d’Aquin n’a rien à voir avec ce qu’on lui attribue par rapport à la Fête-Dieu. Au contraire, l’office romain est le résultat, par évolution, d’usages cisterciens, qui semblent avoir eu comme point de départ l’Abbaye des Dunes à Coxyde, qui, elle aussi, a eu comme source la fête liégeoise, ainsi que des dévotions italiennes.
De ce fait, très schématiquement, on devrait voir les choses de la façon suivante. Point de départ absolu: miracle eucharistique de Lancien vers 740, qui a inspiré des dévotions, dont l’apogée a été la Fête-Dieu de Liége en 1246, répandue très vite de Liége à Tongres (et ailleurs dans la région), puis à Coxyde, et enfin de Liége à Rome, en empruntant le matériel liturgique de Coxyde. Bref, la Fête-Dieu avec la fête de la Trinité, qui la précède immédiatement, et avec la fête brugeoise du Saint-Sang, c’est du belge!
Aujourd’hui en le jour-octave de la Pentecôte, pendant lequel on se penche sur le mystère de la triunité de Dieu, je veux continuer mes digressions sur les emprunts transrituels et interrégionaux, d’un rite à l’autre, dans la liturgie, à travers un cas concret lié à la Trinité.
Dans la légende dorée de saint Joannice ou Jeannice, il est dit que ce saint récitait l’antienne suivante: Ἡ ἐλπίς μου ὁ Πατὴρ, καταφυγή μου ὁ Υἱός, σκέπη μου τὸ Πνεῦμα τὸ Ἅγιον, Τριὰς Ἁγία, δόξα σοι. («Mon espérance est le Père, mon salut est le Fils, mon refuge est l’Esprit Saint; Sainte Trinité, gloire à toi.») Bien entendu, l’auteur de la légende dorée a mis dans la bouche de son personnage une antienne qu’il avait entendue auparavant. Mais, grâce aux lecteurs de la légende, cette antienne a pénétré dans l’octoèque mineur, livre liturgique byzantin (chanté comme ici).
Mais quelle est l’origine de cette antienne? On trouve dans les livres occidentaux l’antienne suivante: «Spes nostra, salus noster, honor noster, o beata Trinitas!» Dans celle-ci, spes fait implicitement référence au Père, salus au Fils, honor au Saint-Esprit. Donc, le transmetteur populaire a ajouté des gloses, pour que la référence à la Trinité soit explicite. Pour finir, beaucoup d’antiennes des fêtes finissent soit par «alléluia», soit pas «gloire à toi», chose qu’on a aisément ajoutée ici.
Et c’est ainsi que l’antienne se retrouvée sous la plume du rédacteur de la légende de saint Jeannice, où le pluriel a été réduit au singulier, comme cela arrive souvent dans des petites prières récitée par les moines.
Ma seule interrogation concerne la mutation de honor, «honneur», à σκέπη, «refuge, abri.» J’ai deux hypothèses, qui, d’ailleurs, ne s’excluent pas mutuellement. Soit les Byzantins ont été sceptiques à la notion romaine de honor (cf. les critiques byzantines à l’adresse de saint Anselme), et ont donc dû la remplacer par quelque chose d’autre (cf. dans le canon romain, les «mérites» des saints sont devenus «intercessions» dans les versions byzantines); soit honor, pour autant qu’il fût admissible par les Byzantins, n’est rendu en grec que par πίστις, «foi», que l’on a peut-être voulu éviter ici.
Alternativement, l’antienne aurait pu exister en grec d’abord (mais pas dans le rite byzantin, car autrement elle se trouverait dans le rite byzantin dans une forme plus primitive). Dans ce cas, le traducteur latin a eu du mal à traduire σκέπη, en comprenant «regard», et à cause de la difficulté de la traduction d’une telle notion, ce qui expliquerait aussi καταφυγή → salus. Ou encore, entre le latin et le grec il y a dû y avoir une langue intermédiaire, où les notions de refuge et d’honneur sont proches.
En ce jour-octave (clôture) de la Pentecôte, en lequel on médite sur le mystère de la triunité de Dieu, je vous propose la traduction de deux hymnes que je n’ai pas traduites précédemment, à savoir Adesto sancta Trinitas et Pater sancte.
Adesto sancta Trinitas
Sois avec nous, ô Trinité,
Divine essence en unité,
Distincte de ta création,
Principe sans interruption.
Dieu saint, le chœur des cieux te loue;
Au ciel, sur terre et en-dessous,
Tes créatures réunies
Te prêchent, Trinité bénie.
Et nous, devant toi assemblés,
Tes serviteurs, de dons comblés,
Joignons nos hymnes et nos vœux
À ceux qui chantent dans les cieux.
Lumière trine en un rayon,
Dieu triunique te croyons,
En confession d’unique foi,
Unique Oméga et Alpha.
Au Père inengendré honneur;
Au Fils seul-engendré grandeur;
Au Saint-Esprit louange due:
Un Dieu aux siècles absolus. Amen.
Pater sancte
Ô Père très saint, qui d’amour abondes,
Ô Fils Jésus Christ, qui créas le monde,
Ô très saint Esprit, qui les âmes sondes,
Un Dieu immortel,
Sainte Trinité, unité intense,
Vraie divinité, ô bonté immense,
De tout orphelin tu es la défense,
Et l’espoir du ciel.
De tes serviteurs, de tes créatures
Monte vers les cieux la louange pure;
Reçois de nos voix gloire sans mesure,
Devant ton autel.
Au Père très bon, lui qui nous anime,
Au Verbe fait chair, vers qui vont nos rimes,
Et à l’Esprit Saint, gloire et toute estime:
Dieu trine éternel.
Je viens d’apprendre que l’Église épiscopale écossaise (membre de la Communion Anglicane) vient de se prononcer en faveur du mariage pour tous.
Plus exactement, c’est le synode ou assemblée générale de cette Église-là qui s’est prononcé en faveur, et la décision sera implémentée l’année prochaine. Bref, tous les prêtres pourront solenniser des mariages à l’église même pour des couples de deux hommes ou deux femmes, mais aucun prêtre n’y sera contraint par motif de conscience.
Depuis quelque temps déjà, dans l’Église épiscopale écossaise, les prêtres peuvent être mariés avec quelqu’un du même sexe.
(Détails ici.)