Verbum quod ante sæcula.

L’octave de l’Épiphanie s’est clôturée hier. Mais à partir de ce jour et jusqu’avant la Septuagésime, c’est le temps “après l’Épiphanie”, qui continue dans l’inertie de l’Épiphanie. Pour ce temps, voici l’hymne des complies, Verbum quod ante sæcula, que j’ai traduite vers le français. La doxologie – commune à plusieurs hymnes – a déjà été traduite par Georges Pfalzgraf.

Ô Verbe né avant le temps
Du sein du Père tout-puissant,
D’un sein de vierge tu es né
Dans notre temps, Dieu incarné.

Enfant, tu assumais déjà
La tâche de notre rachat:
Tes larmes furent, ô Jésus,
Prélude de notre salut.

Tu as choisi d’être indigent,
Pour enrichir les pauvres gens,
Et par tes larmes tu lavas
L’erreur du monde d’ici bas.

En langes simples, sans aspect,
Tu n’imposas aucun respect;
Ô Dieu, ayant de vils habits,
L’orgueil humain, tu l’humilies.

Du Père tu es descendu
Sauver ce qui était perdu;
Ne laisse pas périr en pleurs
Ceux dont tu te fis le sauveur.

Honneur et gloire à toi, Seigneur,
Manifesté pour nous, pécheurs,
Ainsi qu’au Père et à l’Esprit:
Dieu pour les siècles infinis. Amen.

Quæ stella sole.

Pour les complies de l’Épiphanie, voici l’hymne Quæ stella sole, que j’ai traduite vers le français. La doxologie – commune à plusieurs hymnes – a déjà été traduite par Georges Pfalzgraf.

Quel astre brille grand et beau,
Nous annonçant un roi nouveau?
Aux mages il indique un lieu
Où tu es apparu, ô Dieu.

L’étoile de Jacob sortit
– Car Balaam l’avait prédit –
Et s’arrêta au bâtiment
Où tu vivais, étant enfant.

Or l’astre brille à l’extérieur,
Mais son message dans les cœurs,
Aux mages un visible outil,
Qui vers l’Auteur les a conduits.

Pour ton amour, périls, dangers,
Efforts ne les ont ménagés;
À ton appel, ils ont quitté
Leur terre et leur fraternité.

Cet astre nous guidant vers toi,
Ô Christ Seigneur, ne permets pas
Que par orgueil, nous résistions
À tes lumière et grâce en don.

Honneur et gloire à toi, Seigneur,
Manifesté pour nous, pécheurs,
Ainsi qu’au Père et à l’Esprit:
Dieu pour les siècles infinis. Amen.

Pe strada din Viflaim.

Aujourd’hui, entre deux trains, j’ai traduit vers le français le noël transylvanien Pĕ strada din Viflaim (litt.: Par la rue de Bethléem). Comme d’habitude, ce noël connaît des variantes, et j’ai traduit à partir de celle qui m’est la plus familière.

Dans la rue, en pleine nuit,
Joseph marche avec Marie.

R.: Jésus, l’Éternel,
Naît ce soir, à Noël.

«Viens, allons-nous-en, Marie;
Pour nous, point de place ici.

Viens, Marie, hâtons le pas;
Bethléem ne nous veut pas.»

La maison de la sortie
Du village à eux s’ouvrit.

À la porte était assis
Un jeunet qui dit ainsi:

«D’où venez-vous? Dites net!
– Nous venons de Nazareth.

Aie pitié, jeune homme fort:
Ne nous laisse pas dehors.

Il fait nuit, froid dans la rue,
Et la mère n’en peut plus.»

Le jeune homme, étant gentil,
Poliment leur répondit:

«Près des champs, pour votre abri,
Mon père a une écurie.»

Et ainsi ils sont partis,
Avec cette garantie.

Dans l’étable, sur le foin,
Naît le Christ: Dieu et humain.

Puer natus in Bethlehem.

En allant l’avant-midi de Noël à l’église épiscopalienne (anglicane) de Waterloo, j’ai vu dans l’hymnaire américain un hymne latin (là, traduit en anglais), que je ne connaissais pas: Puer natus in Bethlehem. Du coup, pendant les différentes pauses, je l’ai traduit depuis le latin vers le français (ci-dessous). Je viens de me rendre compte que Georges Pfalzgraf l’avait également traduit, et que la version francophone du premier et du septième couplets sont quasi identiques chez lui et chez moi.

L’enfant est né à Bethléem:
Oh, resplendis, Jérusalem!

R.: Nous t’adorons dévôts,
Christ maître
Qui viens de naître,
Avec un chant nouveau.

Prenant la chair, tu vins des cieux,
Ô Fils très haut du Père Dieu. – R.

La Vierge reçut Gabriël,
Et te conçut, Emmanuël. – R.

Comme un marié du lit nuptial,
Tu sors du ventre virginal. – R.

Dans la mangeoire, sur le foin,
Tu gis, toi qui règnes sans fin. – R.

Et l’ange annonce à ces pasteurs
Que le bébé, c’est le Seigneur. – R.

Les mages viennent de l’Orient,
T’offrant de l’or, myrrhe et encens. – R.

Entrant chez toi, ô Prince élu,
Chefs des païens, ils te saluent. – R.

Lumière de lumière née,
De vierge-mère es engendré. – R.

Sans la morsure du serpent,
Tu es issu de notre sang, – R.

De notre chair, humain en tout,
Mais sans péché, distinct de nous, – R.

Pour racheter tous les humains,
Pour toi, le Père et l’Esprit-Saint. – R.

Adam lay ybounden.

Entre deux trains, j’ai traduit ce noël anglais, Adam lay ybounden:

Adam était en chaînes,
Fermé dans les enfers,
Purgeant la longue peine
De quatre mille hivers.

Tout ça, donc, pour un arbre,
Dont il mangea le fruit,
Tenu pour responsable,
Selon qu’il est écrit.

Et si l’erreur de blâme
N’avais jamais eu lieu,
La Vierge Notre-Dame
N’eût point enfanté Dieu.

Heureuse erreur de faîte!
Ne disons pas «hélas»;
Chantons: Jésus rachète;
Deo gratias!

Joseph was an old man.

Il y a quelques jours, il y a eu une dispute circulant sur les réseaux sociaux, en disant que la plupart des chants de Noël ne sont pas bibliques, étant donné qu’ils contiennent des éléments légendaires. Parmi les plus critiqués, c’était le “noël du cerisier”, appelé aussi Joseph was an old man. Après quelques minutes de réflexion, j’ai réalisé que ce noël, malgré le caractère fictif de sa narration, contenait des éléments très intéressants pour la théologie. Ce noël casse nette l’image néoprotestante d’un Joseph jeune ayant épousé dans le vrai sens du terme une Marie du même âge que lui. Car non, Dieu n’a pas troublé la paix d’un jeune couple en produisant une sorte d’adultère. Au contraire, comme l’attestent des témoins oculaires comme Hégésippe, Joseph était un veuf, ayant des enfants, dont l’aînée saint Jacques (le «frère du Seigneur»). Ce soir, entre deux trains, Nicolas et moi avons traduit ce noël du cerisier vers le français.

Joseph, homme d’âge,
Mûr et envieilli,
Prit, dans son veuvage,
La Vierge Marie.

La route reprise,
La Vierge lui dit:
«Voici des cerises,
Joseph, mon ami.

Joseph, à ta guise,
Je veux cependant
Des rouges cerises;
J’attends un enfant.»

Joseph en colère
Répond à Marie:
«L’enfant a un père:
Qu’il cherche tes fruits.»

Du sein de sa mère,
Jésus commanda
Des fruits jusqu’à terre,
Que l’arbre donna:

«Abaisse tes branches,
Ô arbre abondant,
Que ma mère en mange,
Joseph regardant!»

Joseph prit la mère
Sur son genou droit:
«Dieu, dans ma misère,
Prends pitié de moi!»

Joseph prit la Vierge,
Et dit à Jésus:
«Cerises et neige!?
Quel jour naîtras-tu?

– Moi, je devrai naître
Vers le six janvier;
L’astre va paraître
Pour vous l’annoncer.»

Latin langue vivante.

À un moment donné, j’étais en train de composer mentalement un texte en latin, pour une préface que je dois écrire à un livre. «Comment dire en latin “transport en commun”?», me suis-je demandé. «Populiportatorius ou populomobilis? Non, c’est trop long. Alors laophorium!» J’ai osé taper ce mot dans Google, quand même, si jamais. Google m’a dirigé vers la page wikipedia en latin. Bingo! Lorsque deux personnes ne se connaissant pas inventent le même néologisme, c’est bon signe. (Cela m’était déjà arrivé avec « djåzofone » en wallon.) Donc, voilà, pour le bus, on a le mot.

«Quid du train?», me suis-je dit. À vrai dire, pour le train, j’ai toujours eu en tête qu’en latin ce serait un dérivé de tragere. Cependant, je ne sais quel pseudo-latiniste a créé en 2009 en latin de cuisine le mot °tramen, sous prétexte que cela viendrait du verbe trahere. Or cela ne peut pas être ainsi, pour plusieurs raisons. Les étymologistes français en herbe dérivent du trahere plusieurs mots français: “traire” et “traîner”, dont ils considèrent que “train” est le déverbal. Trahere a bien pu donner “traire”, mais “traîner” et “train” ne peuvent tout simplement pas provenir de ce même mot latin! “Traîner”, de par sa forme, doit avoir comme source °traginare, mais plus vraisemblablement il a dû dériver du mot “train”, qui a dû évoluer d’une forme romane °traginu-. La forme avec g, c’est-à-dire tragere au lieu de trahere, est due au participe tractus, elle se trouve également dans le dérivé tragula, et est confirmée autant par le roumain trage que par le portugais trazer.

Tout cela pour dire que le latin est bel et bien une langue vivante, malgré les erreurs. Ce sont les erreurs qui prouvent que la langue est vivante.

Jusqu’à ce jour, on écrit en latin les noms scientifiques communs. Bien sûr, sur des produits on trouve parfois du macaronique (genre: “triticum leaf extract” au lieu de foliis tritici compositum). Le latin de Térence n’est pas celui de saint Ambroise. La prononciation a évolué aussi, et une prononciation artificielle, qui n’a d’ailleurs jamais existé, ne rend pas service à la langue. La langue évolue, elle change, mais elle ne subit pas de mutation, sinon elle devient une autre langue.

L’autre jour, une touriste italienne m’a dit dans le train: «I didn’t knew that.» Étais-ce de l’anglais? Oui, de l’anglais de cuisine. Car sa phrase suppose une vraie mutation dans la langue anglaise. Tant que la mutation n’a pas eu lieu, cette phrase-là sera toujours une erreur (et une horreur). Et si mutation il y a, ce n’est plus de l’anglais, mais une langue différente. De même, l’horreur “tramen” prouve la vitalité du latin, car quelqu’un se débat pour y parvenir, sans réussir.

Pour la petite histoire, j’ai arrête de contribuer sur la wikipedia en latin il y a une dizaine d’année, car la plupart des pages de discussion étaient en anglais, étant que les contributeurs n’étaient pas capables de s’exprimer en latin.

Comme disait saint Augustin, avoir l’intention de prier, sans y parvenir, c’est aussi une forme de prière. Vouloir exprimer en latin la notion de train, même en créant une horreur à la place, c’est une forme de latin.

Hark! The Herald Angels Sing – en français.

Voici la traduction que j’ai faite du noël anglais Hark! The Herald Angels Sing, ou Hark How All the Welkin Rings (écouter sur YouTube), à partir du texte d’origine, écrit par Charles Wesley.

Çà ! Les cieux ont résonné :
Gloire au Roi des rois, Dieu né !
Paix sur terre ! Dieu sauveur
Réconcilié aux pécheurs !
Joyeux peuples sous les ciel,
Avec les incorporels,
Tous, êtres créés, prônez :
Aujourd’hui le Christ est né.

Ref.: Çà ! Les anges chantent bien
Gloire au Roi, Dieu né humain.

Le Christ, sans début ni fin,
Dans le temps nous a rejoints ;
Adoré par l’univers,
D’une Vierge il a pris chair.
Dieu en corps humain est né,
Le Très-Haut s’est incarné ;
Vrai humain est apparu
Notre Emmanuël : Jésus. – R.

Réjouis-toi, Prince de paix,
Soleil de justice, vrai,
Qui, donnant lumière et vie
Sous tes ailes, nous guéris ;
Né sans gloire, limité,
Pour notre immortalité ;
Né, pour que, d’Esprit et d’eau,
Tous nous renaissions d’en haut ! – R.

Viens, désir de nos nations,
Fais-y ton habitation ;
D’Ève étant le descendant,
Broie la tête du serpent.
Vois la création déchue,
Et restaure-la, Jésus ;
En mystique union prends-nous,
Nous l’Église, toi l’Époux. – R.

Casse en nous le vieil Adam,
Ton image y imprégnant ;
Toi, second Adam du ciel,
Fais de nous des immortels.
Donne-nous, pécheurs dévôts,
D’assumer l’humain nouveau,
Et de vivre de ta vie,
Désormais à l’infini. – R.

Oleries.

L’Avent commencera bientôt. Voici des antiennes Ô que j’ai compilées pendant l’Avent de l’année dernière. Puissent ces oleries vous servir pour un temps de l’Avent restauré. Ainsi, vous aurez des oleries depuis le premier soir de décembre et jusqu’au réveillon de Noël.

Si vous désirez les imprimer, vous pouvez les télécharger ici.

O Sapientia

O Adonai

O Fili homini

O Agne

O Charitas

O Judex

O Domine fac mirabilis

O Redemptor

O Serve Domini

O Bethleem

O Resurrectio et vita

o_lux_mundi

O_Radix_Jesse

O Clavis David

O Oriens

O coelorum Domine

O Verbum Patris

O Summe Artifex

O Sancte Sanctorum

O Rex gentium

O Decus apostolicum

O Emmanuel

O Pastor Israel

O Jesu

Grammaire française.

Une faute de grammaire, peut-elle être régularisée par une instance supérieure (académie, conseil supérieur de la langue française de tel pays, auteur de dictionnaires), de sorte qu’elle devienne la norme? Par exemple, la forme « croivent », que l’académie de Paris traite de « faute grossière », pourrait-elle devenir la norme à la place de « croient », sur simple décision de l’académie?

tout-puissantPersonnellement, je crois profondément que la langue – comme la liturgie – a une évolution organique, et que les instances supérieures sont totalement incompétentes pour interférer avec ladite évolution. Donc, même si une instance supérieure décrétait « croivent », ce mot serait toujours une faute grossière.

Souvent je lis et j’entends une autre faute grossière: °« toute-puissante » et °« toute-puissance »! Certains ne voient même pas où est le problème. L’adjectif « tout-puissant » est un mot composé, formé du pronom indéfini « tout » et du participe présent du verbe « pouvoir ». En gros, si Dieu est tout-puissant, ça veut dire qu’il peut tout faire. De même, telle directrice « peut tout faire », donc elle est « tout-puissante ». Dire qu’elle est °« toute-puissante » signifierait quelle °« peut toute faire ». Vous voyez l’erreur? De même, le substantif qui en dérive: la « tout-puissance » de Dieu, et non °« toute-puissance ».

En résumé, dans « tout-puissant », seul « puissant » s’accorde, alors que « tout » n’a pas à s’accorder, mais reste invariable. Donc: Dieu est tout-puissant, la directrice est tout-puissante, les directeurs sont tout-puissants (et non tous-puissants), les directrices sont tout-puissantes, et bénéficient d’une tout-puissance ou plusieurs tout-puissances. Nos compatriotes, les pères Croset et Griffet écrivaient correctement, et je suis agréablement surpris de voir que certains contemporains les suivent, malgré la massa damnata. L’erreur si courante, copiée dans les dictionnaires français, provient de Descartes.

Comparez également la castillan todopoderoso, todopoderosa, todopoderosas etc.

En français, on a d’autres exemples: on dit de Dieu qu’il est « tout-présent » ou « tout-créateur », « tout-connaissant », « tout-sachant », « tout-soutenant », « tout-aimant » etc.