Quatre-temps d’automne 2013.

Cette semaine-ci, ce sont les quatre-temps d’automne.

Cette saison liturgique de jeûne et d’abstinence tire son origine du yom kipour juif. De même que les quatre-temps d’été sont liés aux moissons, pareillement les quatre-temps d’automne sont liés aux vendanges.

Il n’est pas fortuit que ce soient seulement les récoltes de blé et de raisin qui aient été marquées par la liturgie.

Il est important que nous donnions une place à Dieu dans nos travaux et nos récoltes. Les puritains de tous bords ont essayé d’éliminer tout cela, sous prétexte que l’homme moderne ne connaîtrait plus l’agriculture. Toutefois, l’histoire nous montre que les réalités pastorales ont résisté aux puritains. Ainsi, dans plusieurs endroit du monde occidental on a des festivals des vendanges, ainsi que le jour de la reconnaissance (Thanksgiving).

Et puis, la prétention selon laquelle l’homme moderne ne connaît plus l’agriculture est totalement fausse. Même les messieurs qui fabriquent des prières dans leurs bureaux se nourrissent du travail de l’agriculture. Tout ce qu’ils ont fait, ça a été de montrer un manque de reconnaissance envers Dieu et l’agriculteur.

Antoine-Basile 2013.

Hier, c’était la fête de saint Antoine de Padoue. Dans le temps, c’était un saint très vénéré en Occident. À vrai dire, chaque saint a eu son heure de gloire, pour ainsi dire. Il y a eu d’abord les saints auxiliaires, puis saint Joseph et saint Antoine de Padoue avec sainte Rita. De nos jours, sainte Thérèse de Lisieux et d’autres comme elle ont plus de popularité.

Le problème vient, me semble-t-il, du fait que les gens pieux ont moins envie d’imiter les saints dans leurs vertus et leur enseignement. Revenons, donc, à saint Antoine de Padoue. Sur YouTube vous trouvez un documentaire sur sa vie.

Beaucoup moins populaire a été saint Basile le Grand, que nous fêtons aujourd’hui. Au fait, si la date de la fête byzantine de saint Basile est le 1er janvier, cela présuppose une concurrence avec la fête de la circoncision du Seigneur; c’est pourquoi, l’Occident fête traditionnellement le 14 juin, jour de sa consécration épiscopale.

L’Occident tardif a vu dans saint Basile seulement le fondateur monastique oriental. À vrai dire, saint Basile a écrit une règle monastique, encore en vigueur chez certains moines et moniales de rite byzantin. Ainsi est-il en quelque sorte l’homologue grec de saint Benoît. (Dans sa règle, saint Benoît parle de saint Basile.) Et, comme l’Orient a toujours refusé de séparer la vie contemplative d’avec la vie active, saint Basile a également été le fondateur du tout premier hôpital, dans le sens moderne du terme.

Mais ce n’est pas pour son côté monastique que saint Basile est digne de louange. Au contraire, il est réputé pour ses écris théologiques, dont Contre Eunome et le Traité sur l’Esprit Saint, et la victoire de l’orthodoxie sur l’arianisme et le pneumatomachisme. (Plus de détails ici.)

Mais un autre thème, concernant Basile, et qui est tout à fait actuel, c’est la question liturgique de l’anaphore selon Basile.

Il y a plus de quinze ans, j’ai entendu une théorie de la bouche de certains patrolatres (*), prétendant que l’Église primitive eût connu seulement une ordo de la messe composé par saint Jacques de Jérusalem, et que saint Basile et saint Jean Chrysostome eussent abrégé cet ordo-là. Bien entendu, ces affirmations-là n’ont aucun fondement.

En réalité, l’anaphore selon saint Basile est l’aboutissement du développement organique d’une anaphore cappadocienne. C’est une longue anaphore, mais pas la plus longue que la Tradition nous ait conservée. Elle est complètement parsemée de citations bibliques, et a un beau bagage christologique. Et puis, théologiquement parlant, elle remplit parfaitement son rôle d’action de grâce.

Pourquoi, donc, l’Occident l’évite? Parce que l’Occident a été habitué à parler de « prière de consécration », comme si le but d’une telle prière était la consécration des éléments eucharistique. Du coup, suivant cette mentalité, il suffirait de dire quelques paroles magiques en vue de la consécration, et basta! Mais la Tradition nous dit autre chose. L’Église récite une telle prière dans le but de rendre grâce à Dieu. La consécration du pain et du vin est seulement une rawette! C’est comme lorsqu’on va souper chez des amis. Le but n’est pas de manger. On y mange, mais ça, c’est la rawette, même si le fait de manger est très important pour la santé. De même, la sainte communion est très importante; cependant le but de l’anaphore est de rendre grâce à Dieu. C’est le sens même du mot « eucharistie »: action de grâces.

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(*) En Occident, il y a des papolatres. En Orient il y a des patrolatres. Ces derniers prennent les pères de l’Église comme autorités incontestables, qui auraient des pouvoirs de décision émanant directement du Christ, et qui se substitueraient à la Tradition.

Νυν αι δυναμεις.

Ği m’ a metou e l’ tiesse di ratournai e walon l’ ime d’ ofertwére c’ on čante e rite bizantin al seče messe. Li sourdant graik, c’ est:

Νῦν αἱ δυνάμεις τῶν οὐρανῶν σὺν ἡμῖν ἀοράτως λατρεύουσιν· ἰδοὺ γὰρ εἰσπορεύεται ὁ Βασιλεὺς τῆς δόξης. Ἰδοὺ θυσία μυστικὴ τετελειωμένη δορυφορεῖται• πίστει καὶ πόθῳ προσέλθωμεν, ἵνα μέτοχοι ζωῆς ἀιωνίου γενώμεθα. Ἀλληλούϊα.

Mins mi, ğ’ el vou sifwaît mete, a môde d’ arimeas, po c’ on l’ saipe čantai so l’ air do ratournaetč inglès Let all mortal flesh keep silent (ki c’ est, po dire li vör, l’ ime di l’ ofertwére del bizantene shijhe di Påke), ou co mea, so l’ vuze da Pange lingua.

Et vo-vs-la çou c’ ça dene:

Les pouxhes do cir, et nzôtes,
A gngnos, minme s’ on n’ veut rein;
Waî k’ i mousse! El Roy del hôte
Glore so l’ åtai aveint,
Divin l’ porcession ki monte
Po poirtai l’ sint sacrameint.

Avou feud, avou djéryance,
Ğam pus prep po comunyî
Foû des sints dons ki d’ avance
Sont ofrous et sanctifyîs
Et prinde pårt del vicance
Ki dmore et k’ est po todi. Alelouya.

Pange lingua…

Faute de ne pas avoir trouvé le Pange lingua gloriosi corporis mysterium en traduction-adaptation francophone liturgique, je me suis proposé d’en essayer une par moi-même.

Chante, langue, le mystère
De ce corps très glorieux
Et de ce sang salutaire
Répandu par notre Dieu,
Reçus de la vierge-mère,
Pour sauver l’homme en tous lieux.

Étant venu dans le monde,
Verbe de Dieu incarné
Et plein de miséricorde,
La parole, il l’a semée.
De l’humilité profonde
Un signe il nous a donné:

La nuit de la sainte Cène,
À table avec ses amis,
Observant la Loi ancienne,
À leurs sens il s’est soumis.
Et, reçu par la douzaine,
Dans leurs mains il s’est remis.

Par sa parole à la table,
Le Christ, à partir du pain,
Fit sa chair, corps véritable,
Son sang à partir du vin.
La foi voit l’indémontrable,
Les cœurs purs voient le divin.

Vénérons la sainte offrande,
Sacrement, nouveau repas!
L’ancien, le Christ vint le rendre
Désuet, lorsqu’il soupa.
La foi seule peut comprendre
Ce que les yeux ne voient pas.

Et la doxologie, déjà traduite par Yves Kéler pour l’autre Pange lingua:

À Dieu soit louange et gloire,
Comme au Père, ainsi au Fils,
Honneur et gloire éternelle
Soient aussi au Saint-Esprit,
Maintenant, demain de même,
Dans les âges infinis ! Amen.

Lauda Sion.

Il a fallu attendre cette année 2013 pour avoir une traduction liturgique de Lauda Sion salvatorem.

Voici donc l’adaptation en français, par Dominique Collardey. La mélodie est écoutable ici.

Vigile de la Fête-Dieu.

«Mais le pape Urbain IV […] Ce pontife a laissé à l’Église un monument de lui que tous les siècles révéreront. C’est l’Institution de la Fête du saint Sacrement, à l’occasion d’un Miracle qui arrive dans un Village auprès d’Orviette, une Hostie ayant jetté (sic!) du sang pour confondre l’incrédulité du prêtre qui célébroit la Messe. Saint Thomas d’Aquin, qui étoit pour lors Professeur en Théologie à Orviete, composa l’office de cette fête.» (Bossuet)

Ce n’est donc ni à Salzinnes, ni au Mont-Cornillon que la fête a été institué, malgré la fierté des Belges. (Toutefois, la fête de la Trinité et son office nous viennent d’Hugues de Lobbes!) J’ai déjà parlé ailleurs des implications théologiques de la Fête-Dieu.

Serait-il possible de compiler une Messe de la vigile de la Fête-Dieu? Bien sûr!

Introït: «Qui manducat meam carnem» – voir le jeudi après le 2e dimanche du carême. Verset: «Domini est terra», de la veille de Noël.

Après le Kyrie, la collecte du vendredi après le 4e dimanche du carême: «Deus, qui ineffabilibus mundum renovas sacramentis: præsta, quæsumus; ut Eccesia tua et æternis proficiat institutis, et temporalibus non destituatur auxiliis».

Première prophétie: Zacharie 9:9-17.

Graduel: «Parasti in conspectu meo mensam», du 2 août, ayant comme verset «Dominus regit me».

Gloria, puis une seconde collecte: «Quæsumus, omnipotens Deus: ut inter eius membra numeremur, cuius corpori comunicamus et sanguini» – voir le samedi après le 3e dimanche du carême.

Seconde prophétie: Malachie 1:6-11.

Alléluia, 2e ton. «Dominus regit me» – voir le samedi avant le dimanche de la Passion.

Ou bien: alléluia du 3e dimanche du temps pascal: «Cognoverunt discipuli Dominum Iesum in fractione panis.»

Évangile: Jean 6:27-55: «In illo tempore, dixit Iesus turbis Iudæorum: Operamini non cibum, qui perit, sed qui permanet in vitam æternam.»

Offertoire: «Panis, quem ego dedero, caro mea est pro sæculi vita.» – voir le vendredi des quatre-temps du carême.

Secrète du premier mardi du carême: «Munera tibi, Domine, oblata sanctifica».

Comme antienne de communion, on pourrait prendre «Hoc corpus», emprunté au dimanche de la Passion.

Postcommunion du samedi après les cendres: «Cælestis vitæ munere vegetati.»

Il est intéressant de remarquer comment, même en la fête de la Pentecôte, la liturgie romaine reste extrêmement timide face à l’invocation du Saint-Esprit.

Le rite byzantin a quelques antiennes adressées au Saint-Esprit en cette fête; mais même le tropaire du jour est adressé au Christ, et pas à l’Esprit.

Dans le rite mozarabe, heureusement, la collecte du jour est adressée à l’Esprit Saint. De même les post-pridie de la vigile et du jour, ainsi que l’introduction au Notre Père le jour de la Pentecôte: toutes ces parties sont adressées au saint-Esprit.

Le site suédois moderne a, lui aussi, pour ce jourd’hui, à côté de la collecte traditionnelle du rite romain, une collecte suédoise moderne, adressée à l’Esprit Saint.

À ma connaissance, quasiment tous les canons eucharistiques de par le monde sont adressés au Père, sauf l’anaphore de saint Grégoire de Nazianze (copte) au Fils; mais aucun à l’Esprit Saint…

Ascension 2013.

La fête de l’ascension est là. Tous les ans, ça engendre en moi une nostalgie de la Pâque. J’ai toujours l’impression qu’on n’a pas chanté assez « le Christ est ressuscité ».

Mais je me console, en me disant que tous les dimanches de l’année, c’est Pâque. Oui, nous avons un temps pascal annuel, mais également la fête hebdomadaire de la résurrection, tous les dimanches.

Et je n’arrête pas de me lamenter sur ceci: les dimanches de l’année nous oublions trop souvent pourquoi c’est ce jour-là que nous sommes là, à la messe. La résurrection du Christ semble peu évoquée (en tout cas, bien souvent, elle est évoquée une seule fois, à l’anamnèse, à côté des autres mystères de la vie terrestre du Christ, ce qui ne change strictement rien par rapport aux autres jours de la semaine). Bien souvent, lorsque je suggérais des chants et prières de la résurrection, on me répondait que « ce n’est pas le thème du jour ».

Revenons donc à l’Ascension. J’apprécie notamment la préface de cette fête: «Qui, après sa résurrection, s’est manifesté visiblement à tous ses disciples, et, sous leurs regards, s’est élevé dans les cieux, pour nous permettre de participer à sa divinité.» La portée théologique en est grande: le but de l’incarnation y est de nouveau accentué. (Et, pour la petite histoire, cette préface conviendrait également aux fêtes des apôtres.)

L’image ci-contre, c’est une très belle mosaïque, représentant l’Ascension, dans l’Église de Tous les Saints, rue Marguerite, Westminster. Cliquez pour agrandir.

Rogations.

Dans beaucoup d’endroits (et de livres liturgiques modernistes), les rogations n’existent plus.

C’est (entre autres) ici que s’accomplit ce que le Christ avait dit: «Les fils de ce siècle sont plus prudents à l’égard de leurs semblables que ne le sont les fils de lumière.» À une époque où les «fils de ce siècle» se préoccupent de l’environnement et de la bonne gestion agricole, certains Églises veulent oublier tout cela, sous prétexte de superstition. C’est carrément honteux!

Il est intéressant de voir comment les anglicans, loin de jeter les rogations aux oubliettes, ont développé une belle liturgie pour ces trois jours précédant la fête de l’Ascension.

Mais, dirons certains, quel rapport ont les rogation avec le temps pascal? Pourquoi ne pas attendre jusqu’en juillet ou août?

La résurrection du Christ a un rapport très direct avec tout ça. Car, si tout n’est restauré complètement qu’à la parousie, néanmoins, la résurrection du Christ est l’événement historique crucial de l’histoire de l’humanité, et la ré-création a déjà commencé au moment de la résurrection du Christ. Donc les prières pour les cultures et l’environnement ont tout à fait leur place ces trois derniers jours du temps de la résurrection!

Saint Anselme 2013.

Et c’est de nouveau la fête de saint Anselme.