En cette fête de la circoncision de notre Seigneur, je voudrais vous partager deux réflexions.
Pour commencer, qui est le Père Noël? Un personnage inventé par Coca-Cola, pour remplacer saint Nicolas?
Tout d’abord, qui sont les personnages en bas de l’icône de la nativité? On dit souvent – à tort – que les icônes, contrairement aux tableaux, éliminent le superflu et gardent seulement ce qui est théologiquement l’essentiel. Or ici on a manifestement au moins deux personnes superflues: un homme qui papote avec Joseph et une femme qui baigne l’enfant Jésus. J’ai entendu toutes sortes d’explications: que le bain de l’enfant signifie le baptême qui est lié à Noël (voir la seconde partie de cet article), que l’homme en face de Joseph serait le diable ou la personnification du doute.
Or, il s’agit de deux personnage folkloriques. L’homme qui papote avec Joseph est, autant dans les noëls wallons que dans les Carpates, le propriétaire de la grotte-étable et du bétail. Les noëls wallons l’appellent Aernoud, les bethléems transylvaniens le désignent comme étant le Père Noël (plus exactement, pas le « père », mais le vieux, en roumain «mosu», latin «annosus»). Sa femme, Mère Noëlle ou Lisbete, est l’accoucheuse. C’est elle qui lave l’enfant. Ces deux personnages sont originaires des villages voisins aux chanteurs de Noël. Cela rappelle également les peintures des Primitifs Flamands, où la nativité se passe toujours dans un cadre typiquement belge contemporain aux peintres. Et je pense que cette mise en scène de la nativité dans notre espace-temps est une belle représentation de l’incarnation.
Pour la petite histoire, ces personnages secondaires des icônes byzantines se trouvent également en Occident.
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J’ai toujours été mal à l’aise avec deux ruptures liturgiques dans le cycle de Noël.
Dans le temps, la fête de la manifestation du Christ était une seule fête, commémorant la nativité, le baptême et les noces de Cana (comme c’est toujours le cas dans le rite arménien seul). Cette coïncidence de la nativité et du baptême réside a à l’origine les controverses avec les adoptianistes, qui considéraient le baptême du Christ comme la fête de l’adoption de Jésus par Dieu le Père. Mais à la fin des controverses, on s’est retrouvé avec une seule fête de l’Épiphanie, qui était précédée des fêtes de plusieurs apôtres et prophètes, dont Pierre & Paul, Jean, Étienne le protomartyr.
Lorsque cette fête a été séparée en deux, l’Occident a conservé l’ancienne fête de l’Épiphanie, avec trois éléments, en remplaçant la nativité par la visite des mages. La visite des mages le 6 janvier est purement et simplement une relique de Noël qui doit se combiner avec le baptême et les noces de Cana. D’ailleurs, il serait plus logique que la fête des saints innocents (enfants tués par Hérode) suive l’Épiphanie, et pas le contraire.
Mais l’esprit moderne n’aime pas les coïncidences, alors qu’elles sont très belles! Par conséquent, les liturgistes d’après Vatican II ont encore morcelé l’Épiphanie, contre la volonté du peuple, comme je l’ai expliqué les années précédentes. Ça mène, en Hongrie et en Allemagne, à des aberrations liturgiques.
Mais revenons à nos ruptures. Voilà, à Noël on lit les récits de la nativité, avec lesquels on s’est accomodé pendant tout le temps de l’Avent. Et puis, brusquement, en la fête de saint Étienne, le 26 ou le 27 décembre, tout l’esprit de Noël est coupé: le décor est rouge et l’évangile du jour présente Jésus adulte.
La seconde ruptures, dans le rite byzantin, est l’élimination des éléments de Noël comme condition pour fêter l’Épiphanie (ou Théophanie). Cette dernière reste comme mémoire seulement du baptême du Christ.
Mais comment résoudre ces deux problèmes, dans un esprit tradi, sans faire d’autres ruptures? Pour ce qui est de la fête de saint Étienne, l’épître décrit très bien l’événement du martyre du saint. Donc la parabole des vignerons comme évangile de la messe n’apporte rien de plus que l’épître. Par conséquent, à la place de la parabole des vignerons, on pourrait lire tout simplement la fuite en Égypte: «En ce temps-là, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, et dit: Lève-toi, prends le petit enfant et sa mère, fuis en Égypte…» (Matthieu 2:13-15). Ainsi la fête de saint Étienne n’enlèverait rien à l’esprit de Noël.
Ce genre de choses ne serait pas une première. Lorsque la fête de Noël a été introduite à Rome le 25 décembre, cette date était déjà occupée par la fête de sainte Anastasie, fête patronale de la basilique qui en porte le nom. Pour cela, la messe de l’aurore a été aménagée pour fêter à la fois le martyre de sainte Anastasie et la naissance du Christ.
Maintenant que faire pour réconcilier, dans le rite byzantin, l’esprit de Noël avec le baptême du Seigneur, tout en passant par la circoncision du Christ? La question est beaucoup plus difficile, mais j’essayerai de formuler ma réponse pour le 6 janvier.