La méthode historico-critique n’est pas née au XXème siècle. Ce n’est pas Schweitzer ou Bultmann qui ont inventé l’eau chaude.

Pour saint Clément d’Alexandrie (150-217), les vérités les plus sublimes sont exprimées uniquement sous la forme des symboles. L’exégète doit chercher le sens profond de l’Écriture qui va au-delà du sens littéral. Dieu se cache dans l’Ancien Testament, pour se révéler dans le Nouveau. L’AT est entièrement un symbole du NT, et le NT est un symbole et une préfiguration du Royaume à venir. L’histoire religieuse de l’homme est l’histoire du progrès de cette révélation du Verbe dans le monde, dans les saintes écritures et dans l’âme.

Son disciple, Origène (+254), a trois principes herméneutiques:
1. Entendre au sens littéral, et non allégoriquement, tout ce qui, dans les saintes écritures, est ordre, commandement, loi, précepte moral; prendre au sens allégorique tout ce qui est loi cérémoniale.
2. Rapporter aux demeures célestes les indications sur Jérusalem et les autres villes, car les prophètes visaient la Jérusalem céleste.
3. Expliquer au sens allégorique mystique tout ce qui, pris au sens littéral, semble impossible, faux, contradictoire, absurde, inutile ou indigne de Dieu.

Il dit: «Nous sommes disposés à admettre, en ce qui concerne l’ensemble de l’Écriture divine, qu’elle a toujours un sens spirituel, mais qu’elle n’a pas toujours un sens corporel.»

Il est important de noter que le deuxième concile de Constantinople (tenu en 553) a condamné seulement trois théories d’Origène: la préexistence des âmes, la réincarnation, l’apocatastase. Cependant, l’Église a approuvé comme orthodoxes les deux méthodes d’interprétation: l’allégorique d’Alexandrie et la littérale d’Antioche. L’orthodoxie des écrits des écrivains des deux écoles ont été jugés seulement sur leur doctrine concernant la divinité et l’humanité du Christ dans une personne indivise. (C’est pourquoi si un/e fondamentaliste me traite d’hétérodoxe, c’est qu’il/elle se croit lui-même plus orthodoxe que les Pères et les Mères de l’Église, et de ce fait il/elle est « plus catholique que le pape ».)

Je retiens ceci. Si le Nouveau Testament est un symbole et une préfiguration du Royaume à venir, il faut appliquer le sens allégorique à tout ce qui, pris au sens littéral, semble impossible, faux, contradictoire, absurde, inutile ou indigne de Dieu, même dans le Nouveau Testament. Et ceci, parce qu’il y a un progrès de la révélation du Verbe de Dieu dans le monde, dans les saintes écritures et dans l’âme. En même temps, rien n’empêche de prendre au sens littéral tout ce qui, dans les saintes écritures, est ordre et moralité.

Si l’on prend de règle les écritures au sens littéral, on ne peut tomber que dans les conclusions suivantes:
A. L’Ancien Testament présente un dieu méchant; le Nouveau Testament, au contraire, le Dieu d’amour. (Hérésie marcionite).
B. Dieu est comme il est, change d’avis, et même s’il commande des immoralités, il est Dieu, et nous n’avons rien à lui reprocher. Le péché et le mal, ainsi que la vertu et le bien ne sont pas des valeurs intrinsèques, mais dépendent de des caprices de Dieu et de son humeur du moment. (Fondamentalisme).
C. La bible est un livre dangereux, Jésus n’est pas Dieu, et on doit chercher autre chose de plus moral, plus juste. (Apostasie).

Voilà pourquoi, personnellement, je trouve que la méthode allégorique, selon les trois principes d’Origène, reste la seule cohérente. En réalité, il ne s’agit pas que de la méthode allégorique, mais d’une juste relation, d’un équilibre juste entre les méthodes littérale et allégorique.

Je suis un adepte du créationnisme scientifique, car l’hypothèse darwinienne manque de preuves. Mais en même temps, si Jésus est Dieu incarné, il n’a pas brûlé des poissons sur le bûcher.

Ni le premier concile de Nicée, ni le premier de Constantinople n’ont réussi à convaincre la chrétienté de garder la foi intacte reçue des apôtres. À cause de certains versets ambigus, le monde chrétien plongeait dans une sorte de fondamentalisme. Les Pères cappadociens ont écrit des traités pour défendre la foi orthodoxe. Pour ce faire, ils ont fait appel à la raison. Si le Messie n’était pas Dieu incarné, le monde ne pourrait pas être sauvé. L’œuvre de la rédemption implique et exige la divinité du Messie. Plus tard, saint Anselme a repris le même argument. Pareillement, il me semble que l’œuvre de la rédemption implique et exige la restauration de la création initiale, et même son dépassement. Or si le Messie n’avait même pas réussi à restaurer la non-violence, où avait encore été son œuvre de rédemption? On aurait dû en attendre un autre. Le Christ ne fait pas les choses à moitié.

C’est pourquoi, je crois que certains épisodes des évangiles ne sont pas du tout historiques. Ils sont cependant inspirés par l’Esprit-Saint, car ce sont des figures du Royaume à venir.

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