Un autre collègue explique:
Pour un peu expliquer la réalité, à la SNCB nous sommes payés 36h/semaine.
Au roulant, nous effectuons des journées jusqu’à 9h de travail (souvent), et nous pouvons faire 7 jours de travail d’affilé, ce qui fait que nous prestons souvent des semaines de 45/h voir jusqu’à 63h (ce qui est rare, j’en conviens).
Dans n’importe quelle entreprise, tout le monde trouverait normal que ce surplus d’heures soit: soit payé, soit récupéré (ce qui est notre cas). Mais en écoutant ou lisant les gens sur Facebook, il est anormal que le personnel de la SNCB souhaite continuer à récupérer ces heures, et devrait plutôt les prester gratuitement. (Ces gens-là le font-ils dans leur société?)
Nous avons beaucoup de congé, semble-t-il? Les gens oublient que quand ils se reposent le week-end, une partie du personnel travaille et récupère en semaine (des jours que nous ne choisissons pas), et là on nous dit: «T’es encore en congé!» T’as juste envie de leur dire: «Ben, j’ai fait mes 5 jours cette semaine, comme toi!» Mais souvent la personne qui te dit ça est soit à mi-temps soit au chômage, et te dit encore: «Vous êtes bien à la SNCB!» Ce à quoi tu réponds: «On engage, si tu veux»; mais là, c’est une autre histoire.
Se lever à 2h du matin quand on a déjà du mal à se lever à 6h, ce n’est pas pour eux. Prester les week-ends, jours fériés, Noël et jour de l’an, encore moins. Mais quand tu récupères ces jours travaillés, ils seront les premiers à te dire: «T’es encore en congé!»
Quand tu leur expliques que beaucoup travaillent dans un dépôt à plus de 100 km de leur lieu d’habitation, et qu’il n’est pas rare que certains dorment sur leur lieu de travail plusieurs fois par semaine car ils n’ont: soit pas le temps de rentrer chez eux et de revenir pour la prestation suivante, soit pas de moyen de faire cet aller-retour! Nous n’avons pas de remboursement de frais de transport. «Mais vous avez les transports en train gratuits!» Certes, mais comme nous commençons avant le premier train, ou nous finissons après le dernier train, la voiture reste le mode de déplacement le plus fréquent.
Nous n’avons pas de pauses prédéterminées pour ce qui est de se nourrir ou aller aux toilettes. C’est à nous de trouver un créneau horaire ou un lieu pour le faire. On ne va pas arrêter le train pour une envie pressante; on serre les fesses, et on prie pour avoir un peu de temps avant le train suivant.
Donc au final, nous n’avons pas plus de congés que les autres personnes en régime 36h/semaine en Belgique. Mais comme nous ne faisons pas du 8-16 en semaine, on nous croise à des heures inhabituelles pour le commun des mortels. Si on nous voit à 14h, on nous dit: «Il est bien, lui!» Ben oui, levé à 1h30 du matin pour bosser à 3h et finir à midi, et le lendemain je commencerai à 4h30 pour finir à 13h30, et si tu me croises à ce moment-là: «Il est encore en congé!»
Ce qui est amusant, c’est lors des journées d’information à l’embauche, quand les gens entendent réellement les conditions de travail: pourvoir être muté n’importe où en Belgique, travailler à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, et 365 jours par an, tu ne choisis pas ta période de vacances… «Cette année, tu peux partir en vacances aux congés de Pâques… Ha, tu voulais en juillet-août? Bah, l’année prochaine sera peut-être le cas!» Tu repasses tes examens oraux tous les trois ans, et si tu commets une faute, tu es mis à pied avec perte de salaire, et dois repasser tes examens également (pour les petites erreurs ce n’est qu’une retenue sur le salaire). Quand les gens entendent réellement ces conditions de travail, eh bien, tout d’un coup, la moitié de la salle se vide!
Sinon, on ne se plaint pas; on veut juste garder nos droits: être payé les heures qu’on preste, et récupérer celles où l’on n’est pas payé. Mais pour le bobo moyen qui trouve qu’il se lève tôt à 6h du mat´, qui fait du 8-16 dans un bureau climatisé, et qui souvent le vendredi part plus tôt, parce que c’est vendredi, qui part trois fois par an en vacances, on en demande de trop, on est juste une bande de privilégiés…. Donc pour eux, je leur dis: «On engage!»
Les gens sont des moutons qui se limitent à considérer le journal télévisé comme une source d’info valable et suffisante. Mais comment peut-on se permettre de critiquer les cheminots quand on ne les connaît même pas? Comment peut-on juger une personne sans l’avoir écoutée?