Managers?

«Vous savez que ceux qu’on regarde comme les chefs des nations les tyrannisent, et que les grands les dominent. Il n’en est pas de même au milieu de vous. Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur ; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous. Car le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon pour la multitude.» (Marc 10)

C’est pourquoi il n’y a pas lieu de parler de ‘‘leaders’’ d’église. En référence probablement aux directeurs des communautés esséniennes, Jésus a encore dit: «Ne vous faites pas appeler directeurs (καθηγηταί), car un est votre Directeur: le Christ.» (Matthieu 23:10) Notons que le mot «καθηγητής» dérive du verbe «ἡγέομαι» (conduire à la manière d’un chef); du coup, au lieu de traduire «directeurs», on pourrait dire «leaders» ou «managers».

L’Église de Dieu a des ministres (serviteurs), dont les «intendants». Malheureusement, beaucoup de membres du clergé se comportent souvent en leaders ou managers d’une compagnie. Leur préoccupation suprême est d’avoir les finances au top, et les fidèles sont traités soit comme des clients (surtout s’ils sont riches), soit comme de la matière première. Ils sont assistés par des laïcs expérimentés à la ‘‘production’’, mais qui ne sont pas des prêtres, ni n’ont la vocation de jouer au prêtre. Ils font une distinction nette entre vie «professionnelle» et vie privée. Ils habitent loin de leur ‘‘usine’’, de préférence en banlieue chic ou à la campagne. Ils ne peuvent pas être ‘‘dérangés’’ en-dehors des heures de ‘‘bureau’’. Ils appliquent des ‘‘stratégies’’ mondaines.

Comment vois-je la pastorale, dans un pays comme le nôtre? Je pense qu’il y a deux pastorales: l’une des petites paroisses, l’autre des grandes paroisses.

Les petites paroisses n’ont pas (et ne devraient pas avoir) de clergé subsidié. Le clergé est ouvrier. Il y a une cohésion du groupe. Une charité chrétienne qui contribue à l’accomplissement de chacun. Une charité qui déborde vers l’extérieur. Les paroissiens sont des amis. Chacun apporte sa pierre à l’édifice. Dans un tel contexte, tout ce qui est sacramentel est immédiatement accessible, car le groupe est petit.

Dans une grande paroisse, avec un prêtre payé par le ministère de la justice, il y a moyen de faire mieux. Puisque le prêtre ne doit pas s’occuper à gagner sa propre subsistance, il a le temps de s’occuper d’une pastorale directe. Visiter ou appeler des paroissiens malades et à la retraite peut être une priorité. Grâce à des laïcs bénévoles, la paperasse peut être réduite. Être le pouvoir organisateur des écoles, ça, c’est pas le truc le plus koel à gérer. Mais la vie sacramentelle ne devrait pas y manquer. Le curé subventionné pourrait passer une demi-heure par jour dans la ‘‘chapelle à confesse’’ avant la Messe. Deux offices liturgiques par jour ne serait pas de trop, afin que les paroissiens puissent s’y rendre, une fois ou l’autre, s’ils en ont envie. Par contre, les réunions interminables le soir pourraient être réduites, et le curé devrait être exempt de tels supplices. Souvent ceux et celles qui adorent ce genre de réunions sont des célibataires/divorcés/veufs qui s’em****ent chez eux, et ont envie de faire club le soir.

Comment se passe la liturgie dans les Églises orientales? C’est très simple. Souvent, tout le monde va à l’office, sans avoir rien préparé. Le chantre et la chorale savent ce qu’ils doivent chanter. Ils ouvrent leurs gros livres et chantent avec le peuple. Le prêtre n’a pas à fourrer son nez là-dedans. Lui doit être attentif à ce que lui doit faire. En gros, on ne perd pas le temps inutilement avant l’office, et on ne se marche pas sur les pieds. En Occident, on fait souvent le contraire. À savoir: des réunions interminables, pour décider comment on va improviser un truc ‘‘dernier cri’’ pour amuser les singes paroissiens; le prêtre choisira les chants qui lui plaisent, mais qui ne plairont peut-être pas à la chorale, qui fera quand même un effort etc. On accuse souvent les Orientaux de faire des offices interminables; mais en réalité, ce sont plutôt les Occidentaux qui font des préparations interminables.

La maison du curé payé par le ministère de la justice devrait se trouver à proximité de l’église, et sa porte devrait être ouverte à tout le monde en tout temps. Si quelqu’un a besoin de se confesser, ou pique une crise mystique à onze heures du soir, le curé devrait pouvoir l’aider. Le curé devrait ne pas trop compter sur l’aumônier d’hôpital, mais il devrait visiter ses ouailles à l’hôpital. Et les funérailles devraient être des moments-clef de la pastorale: non pas tant pour les morts, mais pour ceux qui restent. Le curé devrait superviser les catéchèses d’adultes et d’enfants, en s’assurent lui-même de la formation des catéchistes.

Mais être curé payé, c’est un gros risque. Un risque d’être déconnecté des réalités, un risque d’être bien au chaud, pendant que d’autres se cassent le c*l dans un travail de misère, dans le froid et la faim. Il risque de ne pas atteindre ceux qui sont en-dehors de l’Église.

Et puis, un curé est un prêtre (πρεσβύτερος). Il ne devrait ni jouer au diacre, ni jouer à l’évêque. Une grosse paroisse devrait avoir des diacres (qui soient autre chose que des cérémoniaires ou que des chauffeurs d’évêque), mais aussi des laïcs bénévoles, qui sachent faire d’autres choses que de jouer au prêtre.

Et vous? Qu’attendez-vous d’un curé de paroisse?

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