La plupart des Églises traditionnelles font appel à la formule du Commonitoriumde saint Vincent de Lérins: «Id teneamus, quod ubique, quod semper, quod ab omnibus creditum est; hoc est etenim vere proprieque catholicum.» ( «Nous tenons ce qui a été cru partout, toujours et par tous; car ceci est vraiment et à proprement parler catholique.»)Avant de commencer, il faudrait préciser que saint Vincent de Lérins n’était pas très orthodoxe. Il était semi-pélagien et s’opposait à saint Augustin. Bien souvent, ceux qui crient à l’hérésie…

Au fait, bien souvent, lorsqu’une Église cite saint Vincent de Lérins, il s’avère qu’elle refuse d’avoir innové. Elle considère que son innovation n’est pas une innovation, ou que l’innovation n’est pas importante, mais ne veut pas pour autant se débarrasser de l’innovation, ce qui démontre qu’il s’agit réellement d’une innovation.

Mais revenons à saint Vincent de Lérins.

Au début, l’Église ne tenait pas partout et par tous la même opinion sur la conversion des païens. Certains voulaient imposer aux païens la Loi de Moïse, d’autres ne ne voulaient pas. Et finalement on ne l’a pas imposée (ou bien on a fait un compromis à l’éthiopienne).

Pendant à peut près 150 ans, on n’a baptisé que des adultes. Puis la question du baptême des enfants est venu petit à petit. L’Église a vu qu’il n’y avait aucun obstacle dogmatique, donc on a innové. On a commencé à croire ce qui n’avait pas été cru toujours et par tous et partout.

Il a été question de l’introduction de la fête de Noël. Tetullien témoigne à quel point il y avait une hostilité contre cette innovation. Eh oui, la plupart des fêtes n’ont pas été tenues toujours, partout et par tous.

Ensuite, aux 4ème et 5ème siècles, trois quarts des Églises locales étaient tombées dans l’hérésie arienne. Les Pères cappadociens étaient seulement une poignée. Pourtant, la foi orthodoxe n’a pas été crue par tous partout, car seule une partie de l’Occident était resté orthodoxe.

Les icônes ont été adoptées petit à petit, puisqu’il n’y avait pas de problème doctrinal pour les introduire. Mais certains rigoristes ont crié à l’idolâtrie. L’innovation, pourtant orthodoxe, n’avait pas été tenue toujours et par tous et partout. (L’Église arménienne, par exemple, n’a ni icônes, ni statues; mais en même temps elle ne s’y oppose pas à ce que d’autres en utilisent. Voilà un exemple de sagesse, si rare de nos jours!)

Il peut y avoir beaucoup d’autres exemples, positifs comme négatifs. L’hésychasme, les indulgences, les nouveaux dogmes mariaux, la prédestination, le Filioque, les styles liturgiques… et beaucoup d’autres choses, dogmatiques ou liturgiques, pastorales ou théoriques, ont été des innovations, bonnes ou mauvaises.

Innover ne veut pas dire rejeter pour remplacer. Innover veut dire compléter. Par exemple, baptiser des enfants est ok, si on ne s’oppose pas au baptême des adultes; utiliser des icônes est ok, si on n’oblige pas les autres à les utiliser, etc.

La règle de saint Vincent n’est pas applicable à la lettre, même au niveau doctrinal. Car sinon tous les chrétiens se trouvent dans le cas de croire et pratiquer des choses qui n’ont été crues, ni pratiqués, toujours, partout, par tous.

L’Église fait trop souvent abstraction du Saint-Esprit. Le Saint-Esprit guide l’Église, dans la mesure où elle se laisse guider par lui. Le seul critère évangélique est le suivant: chaque arbre se connaît à son fruit. Chaque innovation, après un temps de mûrissement, montrera ses fruits.

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